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Villon, François (1431?-1463?)

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Biographie

Patronyme, date et lieu de naissance

Son patronyme, son année et son lieu de naissance restent sujets à polémique.

Les précisions qui suivent proviennent des recherches faites, dans différents fonds d'archives, par Auguste Longnon et publiées dans son Étude biographique sur François Villon : d'après les documents inédits conservés aux Archives nationales.

Le nom de Moncorbier, aujourd'hui accepté, est révélé par deux lettres de rémission :

  • {{1re}} lettre de rémission (émise de Saint-Pourçain en Bourbonnais) accordée à « Maistre François des Loges, dit de Villon » en janvier 1456 (nouveau style, 1455 ancien style) pour un meurtre commis le jour de la Fête-Dieu, au cloitre de Saint-Benoît-le-Bétourné, à Paris, sur la personne de Philippe Chermoye, prêtre ;
  • {{2e}} lettre de rémission (émise de Paris) accordée à « François de Monterbier, maistre es arts » pour le même crime à la seule modification près sur le nom de la victime « Philippe Sermoise » au lieu de « Chermoye ».

Auguste Longnon en déduit logiquement que François de Monterbier et François des Loges, dit de Villon, sont la même personne. Par ailleurs, des archives de l'Université de Paris, où François Villon a étudié, un nom ressort : celui de Franciscus de Moult-Corbier, parisiensis, qui apparait aussi sous la forme « Franciscus de Moncorbier ». La graphie de l'époque, rendant possible la lecture d'un « T » en « C » et d'un « E » en « O », peut assimiler « Monterbier » à « Moncorbier ». Cette hypothèse est désormais acceptée. On peut aussi se référer à la « Simple conjecture sur les origines paternelles de François Villon » de l'abbé Reure.

D'après la première lettre de rémission, datée de janvier 1456, l'âge de Villon est de « 26 ans et environ », ce qui signifie en principe qu'il avait 26 années révolues, l'expression « et environ » étant alors courante. Auguste Longnon indique qu'il n'est pas exclu, vu l'imprécision, que Villon ait pu avoir 25 ans. Mais l'analyse d'acte similaires par Henri Lot montre que la précision était pourtant probablement d'usage. Il est donc possible que François Villon soit né en 1429 ou 1430, et non en 1431. Le début du grand testament, dont tout le monde convient qu'il fut écrit en 1461, énonce « en l'an de mon trentième âge », reprise de l'introduction du Roman de la rose. Mais le mètre empêche « l'an trente-et-unième » ou même « vingt-neuvième » et l'indication reste peu fiable.

Quant au lieu de naissance supposé, il n'est pas avéré. Auguste Longnon indique que la strophe du testament, faisant référence à Paris, est douteuse à maints égards (page 6 à 9 de l'ouvrage cité en référence). Aucune autre référence n'étaie cette hypothèse d'une naissance à Paris, qui reste donc sujette à caution.

Je suis François, dont il me poise
Né de Paris emprès Pontoise
Et de la corde d'une toise
Saura mon col que mon cul poise

Selon Auguste Longnon, cette strophe peut provenir de l'erreur d'un copiste, être l’œuvre d'un faussaire, etc. Comme il existe beaucoup de variantes de ce demi-huitain, cette seule référence au lieu de naissance doit être considérée avec scepticisme.

Prononciation du nom « Villon »

En français moderne, Villon se prononce [{{API}}], comme « pavillon ». Dans la Ballade finale du Grand Testament, le poète fait rimer son nom avec des mots tels que « carillon » et « vermillon ». Il faut donc prononcer [vijɔ̃] ».

« Et nous dirions Vilon comme tout le monde, si François Villon ne s’était prémuni contre notre ignorance en faisant rimer son nom avec couillon » (Louis Aragon).

Jeunesse

Né en 1431, sous l'occupation anglaise, orphelin de père, il est confié par sa mère, pauvre femme illettrée et pieuse

<poem>

Femme je suis povrette et ancienne, Qui riens ne scay ; oncques lettre ne leus </poem> à maître Guillaume de Villon (dont il prendra le nom au plus tard en 1456), chapelain de Saint-Benoît-le-Bétourné. Cette église se situe en bordure de la populeuse rue Saint-Jacques, près du collège de Sorbonne, en plein cœur du quartier universitaire. Elle a été nommée ainsi parce que son chœur, orienté non pas à l'est mais à l'ouest, était « mal tourné ».

Son tuteur

<poem>

Qui m'a esté plus doulx que mere À enfant levé de maillon (levé du maillot) </poem> est un personnage important de la communauté de Saint-Benoît. Maître-ès-arts, bachelier en décret, titulaire d’une des chapelles et jouissant des revenus attachés à ce bénéfice (il possède plusieurs maisons qu’il loue), il est aussi professeur de droit et représente la communauté comme procureur. Ses relations et son crédit aideront Villon à se tirer de « maints bouillons ». Il se charge de son instruction première puis l'envoie étudier à la faculté des arts de Paris pour qu'il accède au statut privilégié de clerc. Il y a alors quatre facultés à Paris : théologie, décret (droit canonique), médecine et arts, la dernière servant d’introduction aux trois premières dites « supérieures ». En 1449, Villon obtient le premier grade de la faculté des arts (le baccalauréat). En 1452, à 21 ans, il obtient le second grade, la maîtrise des arts, qui fait de lui un clerc (Dominus Franciscus de Montcorbier - c’est le titre inscrit sur le registre de l’Université) portant tonsure, bonnet et robe longue, pouvant jouir d’un bénéfice ecclésiastique et accéder aux autres facultés.

L'Université de Paris est alors un véritable État doté de nombreux privilèges. Ses membres ne peuvent être jugés que par un tribunal ecclésiastique. Mais si les clercs comprennent presque toute la nation intellectuelle, les diplômés qui ne reçoivent pas de bénéfice, et n'exercent donc aucune fonction, se trouvent en marge de la société. Ils constituent une classe de dévoyés, voire de vagabonds. L’époque où étudie Villon est une période de troubles universitaires, sur fond de querelle entre l'Université (qui a soutenu les Bourguignons puis les Anglais) et le roi Charles VII. Désordres estudiantins et heurts avec la police se multiplient. De 1453 à 1454, les cours sont même supprimés à cause d'une longue grève des professeurs. Villon néglige alors ses études (sans doute en théologie, pour prétendre à un titre plus élevé que celui de maître ès-arts) et court l'aventure. Dans son Testament, il évoque cette époque avec regret :

<poem>

Bien sçay, se j'eusse estudié Ou temps de ma jeunesse folle Et a bonnes meurs dedié, J'eusse maison et couche molle. Mais quoy ! je fuyoië l'escolle Comme fait le mauvaiz enffant En escripvant cette parolle A peu que le cueur ne me fent ! </poem>

Dans le quartier de Saint-Benoît, il fréquente des familles de chanoines apparentées à des bourgeois qui exercent des charges dans l’administration des finances, au Parlement et au Châtelet. C'est ainsi qu'il fait connaissance du prévôt de Paris Robert d’Estouteville et de sa femme. Il se lie aussi à des clercs certes de bonne famille, plus fortunés que lui mais dévoyés, qu’il nommera les « gracieus galans »

<poem>Si bien chantans, si bien parlans,

Si plaisans en faiz et en dis</poem> comme Regnier de Montigny (parent de deux chanoines de Saint-Benoît) et Colin de Cayeux, qui seront pendus, ou Guy Tabarie, qui dénoncera plus tard le vol du collège de Navarre.

Débuts littéraires et premiers méfaits

Le 5 juin 1455, au soir de la Fête-Dieu, Villon tue un prêtre lors une rixe. On connaît l’événement par la relation qu'en font les lettres de rémission que le poète obtient en janvier 1456 (celles-ci reprennent cependant les termes de ses suppliques, donc sa propre version des faits). Assis avec un prêtre et une femme sur un banc de pierre de Saint-Benoît, dans la rue Saint-Jacques, il est pris à partie, sous un prétexte qu'on ignore, par un autre prêtre, Philippe Sermoise. Ce dernier tire une dague de sa robe, le frappe au visage, lui fend la lèvre et le poursuit. Pour se défendre, Villon plante sa dague dans l’aine de son agresseur. Sermoise roule à terre. Villon lui jette une pierre au visage. Sous un faux nom, il se rend chez un barbier pour se faire panser. Sermoise meurt le lendemain, après lui avoir pardonné. Par crainte de la justice, Villon quitte Paris et se cache pendant sept mois. Grâce aux relations de Guillaume de Villon, il obtient, en janvier 1456, des lettres de rémission de la chancellerie royale. Elles précisent qu’il s’est jusque-là « bien et honorablement gouverné (…) comme à homme de bonne vie ». C’est donc la première fois qu’il a affaire à la justice.

Villon passe l’année 1456 à Paris. Vers Noël, il gagne Angers pour fuir une maîtresse « qui m’a esté felonne et dure », dit-il dans le Lais. Dans ce poème espiègle de 320 vers (40 huitains), il dit adieu à ceux qu’il connaît, amis et ennemis, en leur faisant à chacun un legs imaginaire, plein de sous-entendus ironiques. Si ces dons ont dû amuser ses amis parisiens, aujourd’hui leur sens résiste aux efforts de décryptage.

<poem>

L'an quatre cent cinqante et six Je, François Villon, écolier […] En ce temps que j'ai dit devant, Sur le Noël, morte saison Que les loups se vivent de vent Et qu'on se tient en sa maison Pour le frimas, près du tyson… </poem>

Grâce à la découverte du dossier relatif au vol du Collège de Navarre et à l’interrogatoire de Guy Tabarie, on sait que peu de jours avant son départ, Villon et plusieurs autres malfaiteurs - dont Colin de Cayeux - se sont introduits de nuit dans le Collège de Navarre, en escaladant ses murs, pour dérober 500 écus d’or conservés dans les coffres de la sacristie. Le vol n’est découvert qu’en mars. Une enquête est ouverte sans que les auteurs soient identifiés. Mais en juin, un complice trop bavard, Guy Tabarie, est arrêté sur dénonciation. Torturé au Châtelet, il dénonce ses complices : « Ilz avoient ung aultre complice nommé maistre Françoys Villon, lequel estoit allé à Angiers en une abbaye en laquel il avoit ung sien oncle qui estoit religieulx en ladite abbaye, et qu’il y estoit alé pour savoir l’estat d’ung ancien religieulx dudit lieu, lequel estoit renommé d’estre riche de V ou VIm (5 ou 6000) escus et que lui retourné, selon ce qu’il rapporteroit par de ça aux autres compaignons, ilz yroient tous par delà pour le desbourser. »

Les véritables raisons du départ de Villon auraient donc été de fuir la justice et de préparer un nouveau cambriolage.

Une autre hypothèse est émise par André Burger. Impossible à vérifier, elle donne toutefois un bon exemple des conjectures suscitées par les nombreuses zones d’ombre entourant la vie du poète. Elle s’appuie sur un détail donné par Guy Tabarie dans son interrogatoire : « l’ung d’eulx (il s’agirait de Villon selon Burger) les avoit destournez et empeschez de crocheter unes aulmoires pres dudit coffre (contenant les 500 écus), lesquelles aulmoires avoit bien plus grant chevance, comme IIII ou VM escus (4 ou 5000), et disoit ledit maistre Guy que les autres compaignons maudisoient leur compaignon qui les avoit destournez de crocheter lesdictes aulmoires. » Le poète ne serait pas un voleur professionnel : il aurait seulement voulu se procurer une somme d’argent pour rejoindre, à Angers, la cour du roi René et devenir poète attaché au mécène. Pour dédommager ses complices de leur pillage parisien imparfait, il leur aurait fait miroiter un cambriolage prometteur à Angers.

Selon une interprétation que l’on peut donner aux vers 1457-1460 du Testament, le roi René l’aurait mal reçu.

Après l’arrestation de Tabarie, Villon ne peut plus rentrer à Paris. Il est condamné à mener une vie errante et misérable. Cet exil va durer près de six ans, pendant lesquels on perd sa trace. Trop vagues, les lieux cités dans le Testament ne peuvent être identifiés.

À la cour de Charles d'Orléans

En décembre 1457-janvier 1458, ses pérégrinations le conduisent à Blois, à la cour du duc d'Orléans. Petit-fils de Charles V, le prince a alors 63 ans et n’est pas encore père du futur Louis XII. Prisonnier des Anglais pendant vingt-cinq ans, il a écrit pour se distraire et est devenu le premier poète de son époque. Rentré en France, il a fait de sa cour le rendez-vous des plus fins rimeurs. On y vient de loin, sûr d’être bien accueilli.

Des albums recueillent les compositions du duc, de ses courtisans et de ses invités. Dans l'un de ces manuscrits se trouvent trois ballades de Villon, probablement autographes : l’Épître à Marie d'Orléans, la Ballade des contradictions (précédée dans le manuscrit du nom, en partie rogné, de l’auteur) et la Ballade franco-latine.

L’Épître à Marie d'Orléans comprend deux poèmes dédiés à la fille du duc, Marie : l'un pour célébrer sa naissance, le 19 décembre 1457 ; l'autre pour la remercier de l’avoir tiré d’un mauvais pas (il aurait été libéré de prison, en 1460, lors de l'entrée dans Orléans de Marie, alors âgée de 3 ans).

La Ballade des contradictions, dite aussi du concours de Blois, est la troisième d'une série de dix ballades composées par divers auteurs sur le thème, imposé par Charles d'Orléans, du jeu des contradictions : « Je meurs de soif en couste (à côté de) la fontaine ». La ballade de Villon traduirait son malaise de se trouver dans un milieu très différent de ceux qu'il a connus jusque-là :

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En mon pays suis en terre loingtaine (…) Je riz en pleurs et attens sans espoir (…) Bien recueully, debouté de chascun. </poem>

La dernière contribution de Villon est la Ballade franco-latine, qui fait écho à deux poèmes bilingues du manuscrit, en forme de dialogue entre Charles et l'un de ses favoris, Fredet. Comme l'a montré Gert Pinkernell, c'est une attaque en règle contre Fredet. Dans deux ballades, Villon est réprimandé par Charles et l'un de ses pages qui, sans le nommer, l'accusent de mensonge et d'arrivisme.

Après cet épisode, Villon quitte vraisemblablement la cour de Blois.

En octobre-novembre 1458, il tente en vain de reprendre contact avec son ancien et éphémère mécène venu assister, à Vendôme, au procès pour trahison de son gendre Jean II d'Alençon. Il fait parvenir à Charles la Ballade des proverbes et la Ballade des menus propos. Mais ce dernier ne le reçoit plus à sa cour.

Fin de vie

Durant l'été 1461, Villon est emprisonné à Meung-sur-Loire. Dans la basse fosse de la prison de l’évêque d’Orléans Thibault d’Aussigny, « la dure prison de Mehun », il est nourri

<poem>

… d’une petite miche Et de froide eaue tout ung esté. </poem>

Qu’a-il fait ? On l’ignore. Mais il aurait été déchu de sa qualité de clerc par l’évêque (qui n'en avait pas le droit, Villon relevant du seul évêque de Paris). Dans lÉpître à ses amis, il appelle à l’aide :

<poem>

Aiez pictié, aiez pictié de moi À tout le moins, s’i vous plaist, mes amis ! En fosse giz (non pas soubz houz ne may) (non pas sous les houx des fêtes de mai) (…) Bas en terre - table n'a ne trestaux. Le lesserez là, le povre Villon ? </poem>

Villon a ressenti comme injuste et excessivement sévère la peine infligée par Thibault d’Aussigny. C’est de la prison de Meung qu’il fait dater tous ses malheurs. Dans le Testament, il rend l'évêque responsable de sa déchéance physique et morale et le poursuit de sa haine :

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Synon aux traitres chiens mastins Qui m’ont fait ronger dures crostes, (croûtes) (…)Je feisse pour eulx pez et roctes… (…)C’on leur froisse les quinze costes De groz mailletz, fors et massiz </poem> Le 2 octobre 1461, le nouveau roi Louis XI fait son entrée solennelle à Meung-sur-Loire. Comme le veut la coutume, on libère, en signe de joyeux avènement, quelques prisonniers n’ayant pas commis de délits trop graves. Bien que la lettre de rémission n’ait pas été conservée, Villon recouvre la liberté. Il remercie le roi dans la Ballade contre les ennemis de la France. Dans la Requeste au prince, il demande une aide financière à un prince de sang qui pourrait être Charles d’Orléans. Estimant que son exil a assez duré, il rejoint Paris.

Mais il doit se cacher car l’affaire du vol du Collège de Navarre n’est pas oubliée. C'est peut-être alors qu'il rédige la Ballade de bon conseil, où il se présente comme un délinquant amendé, puis la Ballade de Fortune, exprimant sa déception croissante à l'égard des bien-pensants qui hésitent à l'accueillir.

Fin 1461, il entame son œuvre maîtresse, Le Testament :

<poem>

En l'an de mon trentïesme aage, Que toutes mes hontes j'euz beues, Ne du tout fol, ne du tout saige… </poem>

C'est une œuvre beaucoup plus variée que le Lais. Il comprend 186 strophes de 8 vers (1488 vers), qui en constituent la partie proprement narrative, à laquelle s'ajoutent 16 ballades et 3 rondeaux (535 vers) soit antérieurs, soit écrits pour la circonstance. Le Testament ne commence qu’au vers 793. Facétieux et satirique, Villon - qui ne possède rien - s'exprime en homme très riche et fait des legs aussi comiques qu'imaginaires à des gens qu’il déteste. La première partie, souvent appelée les Regrets, exprime un jugement sur lui-même (il est seul, pauvre, prématurément vieilli) et sur son passé - méditation poignante sur la vie et la mort.

Le 2 novembre 1462, Villon est de nouveau arrêté pour un larcin. Mais l'affaire du collège de Navarre le rattrape. La Faculté de Théologie fait opposition à sa remise en liberté. Elle délègue l'un de ses maîtres, Laurens Poutrel, chapelain de Saint-Benoît (connaissant donc bien Guillaume de Villon), pour négocier avec le prisonnier. Celui-ci doit promettre de rembourser sa part de butin - soit 120 livres - dans un délai de trois ans (documents retrouvés par Marcel Schwob).

Cette période de liberté est de courte durée. À la fin du même mois, Villon est de nouveau impliqué dans une rixe. Maître Ferrebouc, un notaire pontifical ayant participé à l'interrogatoire de Guy Tabarie (documents retrouvés par Auguste Longnon), a été blessé légèrement d’un coup de dague. Villon et quatre de ses compagnons remontaient la rue Saint-Jacques, un soir après souper. Un de ses compagnons, voyant de la lumière à l’auvent de l’écritoire de Ferrebouc (les notaires sont autorisés à travailler après le couvre-feu), s’arrête à la fenêtre, se moque des scribes et crache dans la pièce. Les clercs sortent avec le notaire. Une mêlée s'ensuit. Bien qu'il semble s’être tenu à l'écart, Villon est arrêté le lendemain et incarcéré au Grand Châtelet. Avec le nouveau roi, le personnel a changé : son ancien protecteur, Robert d’Estouteville, n’est plus en fonctions. Étant donné ses antécédents et la qualité de Ferrebouc, l'affaire s'annonce très grave. Dégradé de son statut de clerc, mis à la question de l’eau, Villon est condamné à être « étranglé et pendu au gibet de Paris ». La Prévôté entend bien se débarrasser de ce récidiviste. Villon fait appel, devant le Parlement de Paris, d'une sentence qu’il considère comme une injustice, une « tricherie ». Attendant avec angoisse la décision de la Cour, c'est sans doute dans sa geôle qu'il compose le Quatrain (voir plus bas étude du Quatrain) et la célèbre Ballade des pendus. En effet, le Parlement confirmait en général les peines de la Prévôté.

Le 5 janvier 1463, le Parlement casse le jugement rendu en première instance (Pierre Champion note que, parmi les trois personnes qui pouvaient en ce temps-là présider les assises criminelles, il y avait Henri Thiboust, chanoine de Saint-Benoît). Mais « eu regard a la mauvaise vie dudit Villon », il le bannit pour dix ans. Villon adresse alors au clerc du guichet du Châtelet (chargé de la tenue du registre d’écrou) la joyeuse Ballade de l’appel et au Parlement une grandiloquente Louenge et requeste à la court, où il remercie les magistrats et demande un sursis de trois jours « pour moy pourvoir et aux miens à Dieu dire ». C'est son dernier texte connu.

Villon quitte Paris, probablement le 8 janvier 1463. Ensuite, on perd toute trace de lui. « Le malheureux qui, par plusieurs fois, se prétend miné par la maladie, vieilli avant l’âge par les souffrances, touchait-il réellement à sa fin ? C’est bien possible, écrit Auguste Longnon, car on ne comprendrait pas qu’un poète de ce talent eût vécu longtemps sans produire de vers. »

Au moment de quitter ce monde, écrit Villon à la fin du Testament :

<poem>

Ung traict but de vin morillon Quant de ce monde voult partir </poem>

Dans leur livre Sermon joyeux et Truanderie, Jelle Koopmans et Paul Verhuyck ont étudié les liens textuels entre la Ballade de l'Appel (5 janvier 1463) et le Sermon joyeux de saint Belin (inconnu jusque là). Ce sermon joyeux, dans l'exemplaire unique de la BN, est suivi de la Ballade de l'Appel. Les deux textes se répondent parfaitement, tant et si bien que le sermon joyeux pourrait être de Villon. De toute façon, c'est avec ce sermon joyeux que commence la légende de Villon.

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