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Maison natale de Paul Verlaine à Metz
Après treize ans de mariage, Nicolas-Auguste Verlaine et son épouse Élisa-Stéphanie Dehée donnent naissance à un fils le 30 mars 1844, au 2, rue de la Haute-Pierre, à Metz. Ils le prénomment Paul-Marie en reconnaissance à la Vierge Marie pour cette naissance tardive, Élisa ayant fait auparavant trois fausses couches{{,}}. Catholiques, ils le font baptiser en l'église Notre-Dame de Metz. Paul restera le fils unique de cette famille de petite-bourgeoisie assez aisée qui élève aussi depuis 1836 une cousine orpheline, prénommée Élisa.
Son père, militaire de carrière, atteint le grade de capitaine avant de démissionner de l'armée en 1851 : la famille Verlaine quitte alors Metz pour Paris. Enfant aimé et plutôt appliqué, Paul Verlaine devient un adolescent difficile, il est mis en pension par sa famille et obtient son baccalauréat en 1862.
Paul Verlaine jeune homme, huile de Gustave Courbet.
C'est durant sa jeunesse qu'il s'essaie à la poésie. En effet, en 1860, la pension est pour lui source d'ennui et de dépaysement. Admirateur de Baudelaire, et s'intéressant à la faune africaine, il exprime son mal-être dû à l'éloignement de son foyer, à travers une poésie dénuée de tout message si ce n'est celui de ses sentiments, Les Girafes. « Je crois que les longs cous jamais ne se plairont/ Dans ce lieu si lointain, dans ce si bel endroit/ Qui est mon Alaska, pays où nul ne va / Car ce n'est que chez eux que comblés ils seront ». Ce court poème en quatre alexandrins reste sa première approche sur le domaine poétique, même s'il ne sera publié qu'à titre posthume. Bachelier, il s'inscrit en faculté de Droit, mais abandonne ses études, leur préférant la fréquentation des cafés et de certains cercles littéraires parisiens comme les Vilains Bonshommes. Il s'intéresse plus sérieusement à la poésie et, en août 1863, une revue publie son premier poème connu de son vivant: Monsieur Prudhomme, portrait satirique du bourgeois qu'il reprendra dans son premier recueil. Il collabore au premier Parnasse contemporain et publie à 22 ans en 1866 les Poèmes saturniens qui montrent l'influence de Baudelaire, mais aussi une musique personnelle orientée vers « la Sensation rendue ». En 1869, paraît le petit recueil Fêtes galantes, fantaisies inspirées par les toiles des peintres du {{s-}} que le Louvre vient d'exposer dans de nouvelles salles.
Dans la même période, son père, inquiet de son avenir, le fait entrer en 1864 comme employé dans une compagnie d'assurance, puis, quelques mois plus tard, à la mairie du {{9e}} arrondissement, puis à l'Hôtel de ville de Paris. Il vit toujours chez ses parents et, après le décès du père en décembre 1865, chez sa mère avec laquelle il entretiendra une relation de proximité et de violence toute sa vie. Paul Verlaine est aussi très proche de sa chère cousine Élisa, orpheline recueillie dès 1836 et élevée par les Verlaine avec leur fils : il souhaitait secrètement l'épouser, mais elle se marie en 1861 avec un entrepreneur aisé (il possède une sucrerie dans le Nord) ce qui permettra à Élisa de l'aider à faire paraître son premier recueil (Poèmes saturniens, 1866). La mort en couches en 1867 de celle dont il restait amoureux le fait basculer un peu plus dans l'excès d'alcool qui le rend violent : il tente même plusieurs fois de tuer sa mère. Celle-ci l'encourage à épouser Mathilde Mauté qu'un ami lui a fait rencontrer : il lui adresse des poèmes apaisés et affectueux qu'il reprendra en partie dans La Bonne Chanson, recueil publié le 12 juin 1870, mais mis en vente seulement l'année suivante, après la guerre et la Commune. Le mariage a lieu le 11 août 1870 (Paul a 26 ans et Mathilde, 17) ; un enfant, Georges, naîtra le 30 octobre 1871.
Arthur Rimbaud en 1872
Cependant la vie de Paul Verlaine se complique durant la période troublée de la Commune de Paris que soutient le jeune poète qui s'est engagé dans la garde nationale sédentaire, où il est de garde une nuit sur deux dans un secteur calme. Il fuit Paris pour échapper à la répression versaillaise et est radié de l'administration. Sa vie sans horizon devient tumultueuse après la rencontre en septembre 1871 d'Arthur Rimbaud avec lequel il va vivre une relation amoureuse conflictuelle jusqu'en 1873. Ruinant son mariage avec Mathilde qu'il frappe et viole après s'être saoulé à l'absinthe et qui entame une procédure de séparation qui sera prononcée le 24 avril 1874 (le divorce sera prononcé en 1885 : la loi Naquet qui le rétablit date du 27 juillet 1884), Paul Verlaine vit par intermittence avec Arthur Rimbaud : leur relation affichée fait scandale et la violence de Rimbaud crée aussi le tumulte dans le cercle des poètes zutiques où Verlaine l'a introduit, et finalement « le pauvre Lelian » (anagramme de Paul Verlaine) comme il se nomme lui-même, part pour Londres avec « l'époux infernal » en juillet 1872, sa femme rompant de fait définitivement avec lui. Durant des mois de vie errante en Angleterre et en Belgique qui nourriront le recueil Romances sans paroles se succèdent séparation et retrouvailles avec Rimbaud d'une part et tentatives de retour à sa famille où sa mère ne l'abandonne pas. L'épisode Rimbaud s'achève au cours d'une dispute le 9 juillet 1873 à Bruxelles, par les coups de revolver de poche Lefaucheux de Paul Verlaine qui, craignant de voir s'éloigner son amant, blesse superficiellement Arthur au poignet gauche : incarcéré le jour même dans un centre de détention provisoire, il est inculpé pour son geste et stigmatisé pour son homosexualité. Il est condamné à deux ans de prison le 8 août 1873, même si Rimbaud a retiré sa plainte, la pédérastie étant un élément aggravant. La sentence est confirmée en appel le 27 août 1873 et Verlaine est incarcéré à la prison de Bruxelles. À la prison de Mons où il est transféré en octobre 1873, Verlaine -influencé par la vie de Benoît Labre - retrouve la foi catholique et écrit des poèmes en prose qui prendront place dans ses derniers recueils Sagesse (1880), Jadis et Naguère (1884), Parallèlement (1889) et Invectives (1896), puis dans les Œuvres posthumes. La composition en prison de trente-deux poèmes (poésie naïve et savante teintée de lyrisme romantique, elle évoque sa crise d'identité), insérés dans ces recueils, est issu d'un manuscrit autographe datant de 1873-1875, intitulé Cellulairement, entré dans le Musée des lettres et manuscrits depuis 2004 et classé trésor national depuis le 20 janvier 2005.
Libéré le 16 janvier 1875 avec une remise de peine de presque une année pour bonne conduite, Verlaine tente en vain une réconciliation avec Mathilde qui obtiendra finalement le divorce et la garde de son enfant en mai 1885. Il passe deux jours et demi avec Rimbaud à Stuttgart « reniant son dieu » : c'est leur dernière rencontre et Rimbaud remet à Verlaine le texte des Illuminations que Verlaine fera publier en 1886.
Juniville, Musée Verlaine En mars 1875, Verlaine s'installe à Londres comme professeur de grec, latin, français et dessin, et passe ses vacances avec sa mère. Il rencontre Germain Nouveau, un ancien ami de Rimbaud et enseigne ensuite dans différentes villes anglaises avant de revenir en France en juin 1877. À la rentrée d'octobre, il occupe un poste au collège Notre Dame de Rethel, où il entame une liaison équivoque avec un de ses élèves, Lucien Létinois. Chassés du collège en septembre 1879, Paul et Lucien partent pour l'Angleterre, où Verlaine enseigne de nouveau. Ils reviennent en France et s'installent en mars 1880 à Juniville, dans le sud du département des Ardennes, où Paul Verlaine achète avec l'argent de sa mère une ferme pour les parents de Lucien, fermiers au village voisin de Coulommes-et-Marqueny ; c'est un échec et le poète revend la propriété à perte en janvier 1882 (l'auberge, en face de l'endroit où il demeurait, est aujourd'hui un musée Verlaine). Leur aventure devient incertaine : Lucien part avec ses parents qui emménageront finalement à Ivry-sur-Seine et Paul rentre à Paris. La mort de Lucien Létinois à 23 ans, frappé par la fièvre typhoïde, en avril 1883, met un point final à l'épisode : Verlaine, désespéré de la perte de son « fils adoptif », lui consacrera 25 poèmes placés à la fin du recueil Amour (1888).
Paul Verlaine en 1890 (Portrait par Eugène Carrière) Rentré à Paris en 1882, Verlaine essaie en vain de réintégrer l'administration, mais il renoue avec les milieux littéraires et publie en 1884 son essai remarqué sur les Poètes maudits et le recueil Jadis et naguère qui reprend des poèmes écrits une décennie plus tôt et que couronne Art poétique, publié en revue en 1874 où Verlaine revendique un art « Sans rien en lui qui pèse ou qui pose ». Il est alors reconnu comme un maître et un précurseur par les poètes partisans du symbolisme ou du décadentisme, et dans son roman À rebours paru en 1884, J.-K. Huysmans lui réserve une place prééminente dans le Panthéon littéraire de Des Esseintes. À partir de 1887, sa célébrité dépasse même les cercles littéraires : le jeune compositeur Reynaldo Hahn chantera dans le salon d'Alphonse Daudet, devant le poète, son premier cycle de mélodies, les Chansons grises, qui regroupe sept poèmes de l'auteur. En 1894, il est désigné comme « Prince des Poètes », mais en raison de son laisser-aller, il reste marqué, tant sur le plan physique que social, par une forme de déchéance.
Détruit par l'alcool et les crises de violence (il fera un mois de prison en 1885 pour avoir une nouvelle fois tenté d'étrangler sa mère près de laquelle il vit toujours et qui mourra le 21 janvier 1886), vivant des amours « misérables », il a une fin de vie de quasi-clochard, entre cafés et hôpitaux, soutenu par quelques subsides publics ou privés et donnant quelques conférences. Il ne produit plus guère que des textes d'occasion comme des poèmes érotiques, voire pornographiques. Souffrant de diabète, d'ulcères et de syphilis, il meurt d'une congestion pulmonaire le 8 janvier 1896 à 51 ans au 39 rue Descartes dans le {{Ve}} arrondissement de Paris. Ses obsèques ont eu lieu le 10 janvier 1896 en l'église Saint-Étienne-du-Mont et il est inhumé dans la {{20e}} division du cimetière des Batignolles à Paris, une zone qui se trouve actuellement en dessous du boulevard périphérique. En 1989, sa tombe a été transférée dans la {{11e}} division, en première ligne du rond-point central.
Avec cette vie en complète rupture avec la morale bourgeoise de son temps, Paul Verlaine est devenu une figure emblématique du poète maudit, comme Arthur Rimbaud qu'il a fait connaître et qui est mort le 10 novembre 1891.