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Tezuka, Osamu (1928-1989)

Contents


Biographie

Un artiste précoce

Osamu Tezuka est né le 3 novembre 1928 à Toyonaka, dans la préfecture d'Ōsaka. Chose rare pour l'époque, son père possédait un projecteur de films. Les œuvres de Charlie Chaplin et de Disney ont fait très tôt partie de la culture cinématographique du garçon. Très jeune, il est marqué par la vision des dessins animés de Walt Disney et il voue une affection toute particulière au film Bambi. L'influence de Disney apparaît dans le style graphique de Tezuka, rond, généreux et franc, et dans les grands yeux enfantins et très expressifs de ses héros, caractéristique qui sera reprise ensuite par de nombreux dessinateurs japonais{{,}}.

La famille de Tezuka s'établit dans la ville de Takarazuka alors que ce dernier est âgé de quatre ans. L’environnement naturel de cette région a sans doute joué une grande influence sur la passion de Tezuka pour la nature. Sa fascination pour les insectes est née là-bas, alors qu’enfant, il parcourt les alentours.

Sa mère l’introduit très jeune à la vie artistique très riche de la ville, réputée pour son théâtre et sa revue. La Takarazuka Revue est un mouvement moderne de théâtre. En opposition au théâtre traditionnel japonais joué exclusivement par des hommes, occupant tous les rôles, même ceux des personnages féminins, la revue de Takarazuka ne fait jouer que des femmes.

Enfant, il ne cesse de dessiner et gagne l'admiration de ses camarades de classe en reproduisant leurs héros de mangas préférés. Il publie très jeune ses premiers mangas en 1946, et décroche à l'âge de 17 ans une place de rédacteur dans le Shôkokumin Shinbun, où il publiera sa première bande dessinée professionnelle, Le Journal de Mâ-chan, dans l'édition d'Ôsaka.

Une soif d'indépendance et d'innovation

Médecine, manga et cinéma

En parallèle à sa profession de dessinateur, il suit des études de médecine à l'Université d'Ōsaka. On retrouve des traces de cette formation dans son œuvre, particulièrement dans son manga Black Jack (1973), mettant en scène un chirurgien à gages, qui exerce dans l'illégalité. Le personnage du scientifique est une figure que l'on rencontre couramment dans son œuvre.

Dans un Japon détruit par la guerre, Tezuka rencontre le succès dès 1947, grâce à un manga appelé La Nouvelle Île au trésor qu'il réalise en collaboration avec Shichima Sakai. Ce titre se vend à ce moment à plus de 400000 exemplaires. Il mène alors une vie partagée entre la création artistique pour des magazines et ses études. Il travaillera aussi ensuite en tant que critique de cinéma. Il rencontre à cette époque le jeune Yoshihiro Tatsumi qu'il conseille, et qui deviendra plus tard le créateur du gekiga, démarche que Tezuka désapprouvera.

En 1952, Osamu Tezuka donne naissance à un héros qui marquera des générations de japonais : Astro Boy (Tetsuwan Atom). Un petit robot, créé le 7 avril 2003 dans un monde futuriste, ayant l'apparence d'un jeune garçon. Détenteur de grand pouvoirs, sérieux malgré son apparence et fondamentalement bon, ce personnage est un défenseur de la paix et influencera de nombreux artistes et scientifiques, comme le témoigne Tatsuya Matsui, designer du robot enfant Posy : {{Citation bloc}}

Le style de Tezuka rencontre un franc succès en raison des éléments nouveaux qu'il introduit dans ses planches de mangas. Il adopte en effet un découpage cinématographique et un style précurseurs, se jouant des cases de bande dessinée avec beaucoup d'intelligence et de malice. Il est de ce fait présenté comme le père du manga moderne, mais sa contribution à l'art nippon ne s'arrête pas à ce domaine.

La villa Tokiwa

Dans les années 1950, pour les besoins de son travail de mangaka, l'auteur s'entoure d'une équipe de dessinateurs pour l'assister dans ses travaux. En 1953, il s'installe pour travailler à Tokyo sur la recommandation d'un éditeur, dans une petite maison de bois appelée Tokiwasō (la villa Tokiwa) où il travaille avec son équipe. Tokiwasō « s'apparente à une sorte d'atelier de la Renaissance, où le maître donne les directives pendant que les « apprentis » font les décors, les trames et le travail de documentation ». Cette bâtisse deviendra célèbre pour avoir abrité depuis une succession d'artistes.

Mushi Productions et Tezuka Productions

En 1962, il fonde ses propres studios danime, Mushi Production. Ils lui donnent l'indépendance nécessaire pour mener ses recherches sur les techniques de l'animation. Des courts métrages expérimentaux seront ainsi réalisés, tel que les Tableaux d'une exposition en 1966, Le Saut (Jumping) en 1984 ou encore La Légende de la forêt en 1987, qui se veut un hommage musical et visuel au cinéma de Disney et un clin d'œil rendu sur l'évolution des techniques du cinéma d'animation.

Le succès rencontré par les œuvres permettront au studio d'employer de jeunes talents, comme Osamu Dezaki ou encore Hayashi Shigeyuki, célèbre sous le pseudonyme Rintarō, qui intègre le studio en 1962. Ce dernier a supervisé l'animation de plusieurs séries originellement publiées en mangas : Princesse Saphir, Le Roi Léo, Astro Boy, et se rappelle le challenge technique et narratif que représentait leur conception : {{Citation bloc}}

Couplée aux techniques d'animation limitée, la force d'innovation de Tezuka lui permet de concevoir la réalisation d'épisodes de séries animées à un rythme hebdomadaire ; un concept et surtout une technicité qui sont très vite adoptés par les plus grands studios et sont à l'origine des séries animées actuelles. Tezuka est ainsi à l'origine de la première série animée japonaise diffusée hebdomadairement, Astro Boy, en 1963, qui narre les aventures animées du robot aux allures de garçon qu'il avait créé en bande-dessinée. Il est aussi l'instigateur de la première série japonaise en couleurs, Le Roi Léo en 1965, adaptation animée d'une autre de ses œuvres phares.

Les studios Mushi font faillite en 1973 et renaissent en 1980 sous un nouveau nom : l'actuel Tezuka Productions.

La disparition du maître, la vie d'une œuvre et d'un studio

Musée Osamu Tezuka dans la ville de Takarazuka. Affaibli par le cancer, son matériel de dessin ne le quitte pas, même dans sa chambre d'hôpital et il poursuit les projets qu'il a entamés (une biographie de Beethoven en manga, l'adaptation animée de la Bible) jusqu'à sa mort en 1989, à laquelle des funérailles nationales sont organisées en son honneur.

{{citation bloc}} Sacré au Japon « Dieu du manga », Osamu Tezuka est apprécié du public, un homme ayant influencé de manière décisive la destinée de l'art de l'animation, de l'industrie du manga et de la culture populaire.

Le studio Tezuka Productions gère désormais le patrimoine du maître et veille à adapter régulièrement ses œuvres sur écran avec le concours de nouvelles générations d'animateurs. C'est ainsi que Black Jack a connu de toutes nouvelles aventures en version animée par Dezaki sous la forme de thrillers médicaux. Son manga Metropolis, inspiré d'images du film homonyme de Fritz Lang, a été adapté en long métrage d'animation en 2001 par Rintarō, l'un de ses disciples, formé dans ses studios.

En 2003, des événements ont été organisés par le studio autour de la figure d'Astro Boy, dont la date de conception imaginée par Tezuka est le 3 avril 2003. Les studios Tezuka Productions ont autorisé le mangaka Naoki Urasawa (Prix Tezuka) à laisser libre cours à ses talents de dessinateurs et de concepteurs de thrillers pour rendre hommage au petit robot dans une aventure particulièrement périlleuse. Le manga est intitulé Pluto, en référence au dieu romain des enfers Pluton. Le scénario est fondé sur une histoire de Tezuka qui avait particulièrement plu à Urasawa quand il était enfant.

En 2009, un remake de la série de 1989 du Roi Léo a été produit à l'occasion du {{50e}} anniversaire de Fuji TV. Il réunit des artistes de renom : Gorō Taniguchi pour la réalisation, un scénario de l'écrivain Osamu Suzuki, et au nombre des characters designers le peintre Yoshitaka Amano.

Le musée Osamu Tezuka consacré son œuvre a été inauguré en avril 1994 à Takarazuka, la ville où il a passé son enfance. La vie de l'auteur est retracée le long d'un parcours, dans une salle pleine de grandes capsules transparentes et futuristes abritant les données de l'exposition. À l'extérieur, le public découvre un Walk of Fame des empreintes des différents personnages de Tezuka imprimées dans le béton.

La gare de Kyoto lui rend également hommage : outre un mini-cinéma et un mini-musée, on y trouve un magasin de produits dérivés de ses créations. Plus symboliquement, ses héros les plus familiers apparaissent en haut des panneaux indicateurs, et une horloge à l'image du Phénix rappelle que la vie d'un homme sur Terre est bien courte et qu'il ne tient qu'à lui d'accomplir de grandes choses.

Tezuka hors du Japon : Les États-Unis et l'Europe

Défenseurs et détracteurs américains

Tezuka, bien qu'auteur reconnu au Japon, n'était que très peu connu à l'étranger. Il rencontra pourtant Walt Disney, qu'il admirait énormément, en 1964 à l'occasion de la Foire internationale de New York{{,}}.

Fred Ladd (Fred Laderman, né en 1927), scénariste et producteur de films américains est connu comme étant l’un des premiers professionnels de l’audiovisuel à introduire les productions animées japonaises aux États-Unis. En 1963, la chaîne de télévision NBC Enterprises a acquis les droits de la série japonaise Astro, Tetsuwan Atomu, et a consulté alors Fred Ladd pour élaborer son développement commercial{{,}}.

Dès les années 1960, la société Disney a vu Tezuka et son œuvre comme une menace envers son industrie, et a imposé un chantage aux réseaux (« networks ») de diffusion télévisée : si ces derniers ne renonçaient pas à diffuser Le Roi Léo (qui connaissait un certain succès aux États-Unis) et Astro Boy, Disney ne leur permettrait plus de diffuser ses propres productions.

Pendant des années, les œuvres de Tezuka et les productions japonaises en général, animées ou non, ont subi un véritable blackout aux États-Unis. Il a fallu l'intervention d'une importante base de « fans » — notamment dans le domaine de la bande dessinée —, le délitement de l'autorité de Disney (qui, ayant ses propres chaînes de télévision et réservant à ses dernières la plus grande part de sa production, n'avait plus grand chose à offrir) et la multiplication exponentielle du nombre de chaînes de télé pour que les séries japonaises apparaissent à nouveau sur le petit écran américain, au début des années 1990.

Les États-Unis demeurent cependant réceptifs à l'œuvre de Tezuka puisqu'en 1980 le International Film Festival de Las Vegas décernait alors son prix d'animation à Hi no Tori 2772 et le Comic-Con International de San Diego attribuait à Tezuka un Inkpot Award.

1960–1994 : De Kimba à Simba

{{Article détaillé}} Au Japon, le manga Le Roi Léo est publié de 1950 à 1954 puis adapté en série animée dès 1965, ce qui en fait la première série animée en couleurs du Japon. Une version doublée en anglais est conçue un an après. Le lionceau blanc a perdu son nom d'origine, Léo, pour être baptisé « Kimba » dans la version américaine. Cette série, Kimba the White Lion, rencontra un fort succès sur le sol américain.

En 1994, les studios Disney connaissent le plus grand succès de leur histoire avec Le Roi lion, dans lequel le lionceau porte le nom de Simba. Si le scénario de Disney ne fait pas figurer l'intervention de l'homme, les similitudes avec l'œuvre de Tezuka sont nombreuses, tant sur le plan du scénario, des personnages, que du découpage de certaines scènes phares. Les studios Disney nient cependant la référence à Tezuka ; ils indiquent que les ressemblances ne sont que pures coïncidences et déclarent même ne pas connaître l'auteur. La société de production gérant les droits des œuvres de Tezuka ne porta pas plainte devant les tribunaux internationaux, jugeant que le mangaka, grand admirateur des œuvres de Walt Disney qui l'avaient inspiré à de nombreuses reprises, aurait été flatté que le studio américain s'inspire à son tour de l'une de ses œuvres{{,}}.

Les réticences européennes

En France, au Canada, en Espagne ou en Italie, les séries japonaises ont commencé à connaître un certain succès dès la fin des années 1970. Les séries Astro, le petit robot, Princesse Saphir et Le Roi Léo seront diffusées à la télévision française dans les années 1980. Cette dernière a d'ailleurs été traduite en anglais et en espagnol dès 1966, témoignant la volonté d'exporter l'œuvre à travers le monde.

De 1978 à 1981, Le Cri qui tue est l'un des premiers magazines de bande dessinée à traduire et publier en France des mangas d'auteurs célèbres, dont le manga Ignis de Tezuka. Le créateur de la revue, un jeune japonais du nom d'Atoss Takemoto, désirait faire découvrir à l'Europe la bande dessinée japonaise. Il prévoit dès les années 1980 l'avenir du manga en France: {{citation}}. Sa revue a publié des mangas aux styles très différents. Le Cri qui tue est {{citation}}.

Ces publications, dans des magazines dédiées à la bande dessinée au sens large (européenne ou japonaise) que sont Le Cri qui tue ou les Humanoïdes Associés, ont marqué leurs lecteurs de l'époque mais n'ont pas remporté le succès escompté. Les titres japonais ont été abandonnés et ne retrouveront les grâces du public qu'avec des auteurs plus modernes, des œuvres au marketing abouti, à une époque où le Japon sera considéré par la majorité des Français comme un modèle de réussite économique.

C'est le domaine de la bande dessinée qui, en Europe, a résisté le plus longtemps à l'arrivée des productions japonaises. Des bandes dessinées adaptées de séries étaient diffusées en France : les cases étaient réalisées sur place, issues du découpage des scènes de dessins animés japonais, illustrant un scénario réduit au minimum, sans rapport avec les œuvres originales. Pour cette raison, la bande dessinée japonaise a mis énormément de temps à faire savoir son existence en Europe, tandis que les dessins animés étaient eux très largement diffusés, jusqu'à la fin des années 1980, période à laquelle ils ont à nouveau disparu des écrans, sous la pression de personnalités politiques comme Ségolène Royal qui accusaient ces dessins animés de plusieurs maux (moralité douteuse, manque de qualités artistiques, violence, etc).

C'est dans un contexte d'ignorance vis-à-vis du dessin animé et de la bande dessinée japonais qu'Osamu Tezuka s'est présenté à la {{9e}} édition du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême, en 1982, pour projeter son film Hi no Tori 2772, dans une {{citation}}. À cette occasion, il se lie cependant d'amitié avec Moebius qui sera un des premiers « passeurs » du manga en France. Cependant, les critiques les plus avancés étaient déjà au fait de l'importance de Tezuka dans le patrimoine mondial de la bande dessinée.

C'est bien après la disparition de Tezuka que le festival d'Angoulême propose Ayako pour le « prix patrimoine » lors de sa {{31e}} édition, en 2004, puis, pour la même récompense, Prince Norman lors de la {{33e}} édition deux ans plus tard, sans succès dans les deux cas.

Les mangas de Tezuka comptent parmi la première vague de mangas traduits en France, avec notamment les classiques Astro, le petit robot, Le Roi Léo, Black Jack et Bouddha, aux éditions Glénat, Tonkam puis Asuka et Delcourt. Depuis les années 2000, la traduction d'œuvres de Tezuka a fortement augmenté en France et les premières œuvres traduites de Tezuka ont fait l'objet de rééditions.

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