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Baruch Spinoza naît dans une famille judéo-portugaise de la communauté juive portugaise d'Amsterdam. Son prénom « Baruch », qu'il latinise en Benedictus, Benoît (Bento en portugais), signifie « béni » en hébreu. À cette époque, la communauté juive portugaise d'Amsterdam est essentiellement composée de Marranes, c'est-à-dire de juifs de la péninsule Ibérique convertis de force au christianisme, mais ayant, pour la plupart, secrètement maintenu une certaine pratique du judaïsme. Confrontés à la méfiance des autorités, particulièrement de l'Inquisition, et à un climat d'intolérance envers les convertis, un certain nombre d'entre eux ont quitté la péninsule Ibérique et sont revenus au judaïsme, lorsque cela était possible, comme aux Provinces-Unies au {{s-}}. On peut noter que le grand-père de Baruch, Abraham de Espinosa, est venu à Nantes (sa présence est attestée en 1593), mais il n'y est pas resté, sans doute parce que le judaïsme y était officiellement interdit et qu'il y régnait, là aussi, une certaine hostilité envers les Marranes et, plus généralement, envers les Portugais.
Les juifs étaient assez bien tolérés et insérés dans la société néerlandaise. Ceux d'origine portugaise parlaient néerlandais avec leurs concitoyens, mais ils utilisaient le portugais comme langue vernaculaire. En ce qui concerne la réflexion philosophique, c'est en latin que Spinoza écrivit, comme la quasi-totalité de ses collègues européens.
Spinoza fréquente l'école juive élémentaire, le Talmud Torah, de sa communauté, acquérant ainsi une bonne maîtrise de l'hébreu et de la culture rabbinique. Sous la conduite de Rabbi Mortera, il approfondit sa connaissance de la Loi écrite et il accède aussi aux commentaires médiévaux de la Torah (Rachi, Ibn Ezra) ainsi qu'à la philosophie juive (Maïmonide).
À la mort de son père, en 1654, il reprend l'entreprise familiale avec son frère Gabriel.
Le {{date}}, Baruch Spinoza est frappé par un {{lang}}, terme que l'on peut traduire par excommunication, qui le maudit pour cause d'hérésie de façon particulièrement violente et, chose rare, définitive. Peu de temps auparavant, un homme aurait même tenté de poignarder Spinoza, qui, blessé, aurait conservé le manteau troué par la lame pour se rappeler que la passion religieuse mène à la folie. Si le fait n'est pas complètement certain, il fait partie de la légende du philosophe.
L'exclusion de Spinoza n'est pas la première crise traversée par la communauté. Quelques années plus tôt, Uriel da Costa a défié les autorités. Repentant, il a dû subir des peines humiliantes (flagellation publique) pour pouvoir être réintégré. Il réaffirmera cependant ses idées avant de se suicider. Juan de Prado, ami de Spinoza, sera à son tour exclu de la communauté en 1657.
Il est difficile de savoir avec exactitude quels propos sanctionne le {{lang}}, car aucun document ne fait état de la pensée de Spinoza à ce moment précis.
On sait cependant, qu'à cette époque, il fréquente l'école du philosophe républicain et « libertin » Franciscus van den Enden, ouverte en 1652, où il apprend le latin, découvre l'Antiquité, notamment Terence, et les grands penseurs des {{sp-}}s, comme Hobbes, Bacon, Grotius, Machiavel. Il côtoie alors des hétérodoxes de toutes confessions, notamment des collégiants comme Serrarius, des érudits lecteurs de Descartes, dont la philosophie exerce sur lui une influence assez profonde. Il est probable qu'il professe, dès cette époque, qu'il n'y a de Dieu que « philosophiquement compris », que la loi juive n'est pas d'origine divine, et qu'il est nécessaire d'en chercher une meilleure ; de tels propos sont en effet rapportés à l'Inquisition en 1659 par deux Espagnols ayant rencontré Spinoza et Juan de Prado lors d'un séjour à Amsterdam. Quoi qu'il en soit, Spinoza semble accueillir sans grand déplaisir cette occasion de s'affranchir d'une communauté dont il ne partage plus vraiment les croyances. On ne possède aucune trace d'un quelconque acte de repentance visant à renouer avec elle.
Après son exclusion de la communauté juive, Spinoza gagne sa vie en taillant des lentilles optiques pour lunettes et microscopes, domaine dans lequel il acquiert une certaine renommée.
Vers 1660-1661, il s'installe à Rijnsburg, centre intellectuel des collégiants. C'est là qu'il reçoit la visite de Henry Oldenburg, secrétaire de la {{lang}}, avec lequel il établit ensuite une longue et riche correspondance. En 1663, il quitte Rijnsburg pour Voorburg et commence à enseigner à un élève nommé Casearius la doctrine de Descartes. De ces cours, il tire Les principes de la philosophie de Descartes, dont la publication donne lieu à une correspondance centrée sur le problème du mal, avec Willem van Blijenberg, un marchand calviniste qui formulera des objections de l'Éthique et du Traité théologico-politique. Il est probable que le début de la rédaction de deux ouvrages ait précédé la publication des Principes : le Traité de la réforme de l'entendement (inachevé et publié avec les œuvres posthumes) et le Court traité (publié seulement au {{s-}}).
Dans les années 1660, Spinoza est de plus en plus fréquemment attaqué comme athée. Si aucun procès ne lui est intenté, contrairement à d'autres de ses contemporains, c'est probablement parce qu'il écrit en latin et non en néerlandais. Dans ce contexte de tensions, il interrompt l'écriture de l'Éthique pour rédiger le Traité théologico-politique, dans lequel il défend « la liberté de philosopher » et conteste l'accusation d'athéisme. L'ouvrage paraît en 1670, sous couvert d'anonymat, et avec un faux lieu d'édition. Il suscite de vives polémiques, y compris de la part d'esprits « ouverts », comme Leibniz, ou de la part d'hommes que Spinoza rencontre occasionnellement en privé, comme l'entourage calviniste de Condé. Pour ceux-ci, il convient de bien distinguer la nouvelle philosophie (Descartes, Hobbes) de la réflexion plus radicale de Spinoza. Quant aux autorités religieuses, elles condamnent unanimement l'ouvrage. En avril 1671, sur requête des synodes provinciaux, la Cour de Hollande juge même qu'une ordonnance doit être prise pour interdire la diffusion du Traité et d'autres œuvres jugées blasphématoires, comme le Léviathan de Hobbes. Elle demande également que des poursuites soient engagées contre les auteurs et autres responsables de la publication de ces ouvrages. Néanmoins, les États de Hollande rechignent à suivre la décision de la cour et à interdire des œuvres écrites en latin. Ce n'est qu'en 1674, après la chute du régent de Witt, que les livres visés seront effectivement interdits par les autorités séculières.
Le contexte politique, avec l'invasion française, devient alors moins favorable encore pour Spinoza. La mainmise de Guillaume d'Orange sur les Provinces-Unies met définitivement fin à une période de libéralisme quasi républicain. Après l'assassinat des frères de Witt (1672), l'indignation de Spinoza est telle qu'il souhaite afficher dans la rue un placard contre les assassins (« {{lang}} », les derniers des barbares), ce dont l'aurait dissuadé son logeur. Cependant, le philosophe, qui a abandonné Voorburg pour La Haye vers 1670, ne quitte pas le pays. Ainsi refuse-t-il en 1673, par souci d'indépendance, l'invitation de l'Électeur palatin qui proposait de l'accueillir à l'Université d'Heidelberg.
En 1675, Spinoza tente de publier l'Éthique - reculant devant les risques encourus - et commence à rédiger le Traité politique. Sa pensée audacieuse lui vaut la visite d'admirateurs ou de personnalités comme Leibniz. Il meurt deux ans plus tard, le 21 février 1677. Malgré son image d'ascète isolé, il n'a jamais cessé d'être au sein d'un réseau d'amis et de correspondants, dont Lambert Van Velthuysen, qui contredisent, au moins partiellement, sa réputation de solitaire. Ce sont eux, en particulier le médecin Ludovic Meyer, qui publient ses œuvres posthumes : l'Éthique, la plus importante, et trois traités inachevés (Traité de la réforme de l'entendement, le Traité politique et l’{{lien}}).