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Poe, Edgar Allan (1809-1849)

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Biographie

Une famille de comédiens

Edgar Allan Poe vers 1845. Gravure de John Sartain publiée en frontispice de l'édition de Griswold des Œuvres d'Edgar Allan Poe, J. S. Redfield, 1850, basée sur une peinture à l'huile de Samuel Stillman Osgood.

Il naît le {{date}} dans une modeste pension de famille du 62, Carver Street, à Boston, dans le Massachusetts. Sa mère, Elizabeth Arnold (1787-1811) est la fille de deux acteurs londoniens, Henry (ou William Henry) Arnold et Elizabeth Smith. À la mort de son père, en 1796, elle suit sa mère en Amérique. Arrivée le 3 janvier à Boston à bord de l’Oustram, elle monte sur les planches trois mois plus tard, âgée d'à peine neuf ans. Elle rejoint ensuite avec sa mère, qui meurt quelque temps après, une petite troupe de théâtre, les Charleston Players.

Durant l'été 1802, à Alexandria, en Virginie, elle se marie avec le comédien Charles Hopkins, qui meurt trois ans plus tard, le {{date}}. À 18 ans, déjà veuve, elle épouse un garçon tuberculeux et alcoolique de 21 ans, David Poe Jr., dont le père, le général David Poe Sr., un commerçant patriote de Baltimore originaire d'Irlande, s'était illustré durant la guerre d'indépendance. David Poe Jr. avait abandonné ses études de droit pour s'engager, en {{date}}, dans les Charleston Players. C'est là qu'il a rencontré Elizabeth Arnold Hopkins, qu'il épouse le {{date}}. À l'époque, ils jouent au Federal Street Theater de Boston. Elizabeth est danseuse et chanteuse, mais David est alcoolique, tuberculeux et piètre acteur{{,}}.

Plaque apposée près du lieu de naissance d'Edgar Allan Poe à Boston.

Edgar est le deuxième des trois enfants du couple. Son frère, William Henry Léonard, né le {{date}}, mourra le {{date}}, à l'âge de 24 ans, alcoolique et tuberculeux, tandis que sa sœur, Rosalie, née le {{date}}, contractera à douze ans une maladie inconnue, peut-être une méningite, qui la laissera handicapée mentale et nécessitera une mise sous tutelle durant toute sa vie.

En {{date}}, la famille quitte Boston pour le New York Park Theater. Le 18 octobre, David Poe, qui a sombré dans l'alcoolisme, joue son dernier rôle ; il fugue quelques mois plus tard, en {{date}}. Il meurt sans doute peu après, en {{date}}. La même année, Elizabeth donne naissance à une fille, Rosalie. Elle fait une tournée dans le Sud, accompagnée d'Edgar (William Henry a été confié à son grand-père paternel). Mais malade, elle ne joue que par intermittence{{,}}.

Portrait d'Elizabeth Arnold Hopkins Poe, la mère d'Edgar Allan Poe.

Le {{date}}, à Richmond (Virginie), malade, elle doit s'aliter. Le 25 novembre, un journal local lance un appel à la générosité des citoyens de Richmond, sous le titre « Au cœur humain » : « Mrs Poe, allongée sur son lit de douleur et entourée de ses enfants, demande votre aide et la demande peut-être pour la dernière fois ! ». Le {{date}}, Elizabeth est emportée par le mal qui la ronge, peut-être la pneumonie, à l'âge de 24 ans, après avoir joué près de deux cents rôles, laissant ses enfants orphelins. Deux semaines après ses obsèques, le théâtre de Richmond brûle pendant une représentation, et la troupe, privée de théâtre, quitte la ville après avoir laissé Edgar et Rosalie à la charité de la bourgeoisie de la ville.

Tandis que William Henry demeure avec son grand-père David Poe et sa tante Maria Clemm, Edgar est recueilli par un couple de riches négociants de tabac et de denrées coloniales de Richmond, John et Frances Allan, et Rosalie (1810-1874) par les Mackenzie. Le {{date}}, Edgar est baptisé par le révérend John Buchanan, vraisemblablement sous le nom d'« Edgar Allan Poe » et avec les Allan pour parrain et marraine.

Une éducation d'aristocrate virginien

Portrait d'Edgar Allan Poe peint par Samuel Stillman Osgood dans les années 1840 (New York Historical Society).

Edgar passe son enfance à Richmond, chez ses parents adoptifs, qui l'élèvent avec tendresse. En 1814, à peine âgé de 5 ans, il commence ses études primaires sous la conduite de Clotilda ou Elizabeth Fisher. L'année suivante, il passe brièvement, à l'école de William Ewing. En 1815, en effet, John Allan (1780-1834), qui est d'origine écossaise, décide de partir en Grande-Bretagne pour y étudier le marché et, si possible, ouvrir à Londres une succursale. La Bible occupe une grande place dans la vie d'Edgar, et ce malgré le rationaliste John Allan. Edgar, qui a six ans, quitte l'école de Richmond et embarque avec ses parents et la jeune sœur de {{Mme}} Allan, Ann Moore Valentine (appelée Nancy) à Norfolk (Virginie) à bord du Lothair.

Débarqués à Liverpool le 29 juillet, les Alan gagnent d'abord l'Écosse. Mais le marché écossais se révèle mauvais, et la famille s'installe bientôt à Londres. Edgar suit, de 1816 à 1818, des études primaires à l'école des demoiselles Dubourg (146 Sloan Street, Chelsea, Londres), où il est connu sous le nom de « Master Allan » et étudie notamment la géographie, l'orthographe et le catéchisme anglican, puis à la Manor House School de Londres, à Stoke Newington, dirigée par le révérend John Bransby (elle pourrait avoir servi de modèle au collège de William Wilson), sous le nom d'« Edgar Allan ». Il suit des études classiques et littéraires solides, apprenant le grec, le latin, le français et la danse. Il fait preuve d'un caractère irritable et parfois tyrannique envers ses camarades, mais obtient de brillants résultats scolaires, en latin et français notamment. L'école mettant également l'accent sur la condition physique des élèves, Edgar devient un athlète accompli{{,}}. En août 1818, les Allan visitent l'île de Wight, probablement à l'occasion de vacances, et peut-être le site de Stonehenge. Mais la situation se dégrade. D'abord, sa mère adoptive, dont la santé a toujours été fragile, tombe sérieusement malade, ce qui a pour effet de la rendre nerveuse, irritable. Par ailleurs, en 1819, John Allan connaît de graves ennuis financiers : la bourse de tabac s'effondre, puis un employé l'escroque. Le jeune Edgar, qui est séparé de sa famille, fait une première fugue.

Sarah Elmira Royster, amour de jeunesse d'Edgar Allan Poe.

Le {{date}}, la famille Allan est à Liverpool, où elle embarque sur le Martha. Arrivée à New York le 22 juillet après 31 jours de trajet, elle prend le 28 un steamboat à destination de Norfolk et se réinstalle à Richmond, le 2 août. Edgar reprend le chemin de l'école, où il obtient, là aussi, d'excellents résultats, mais commence à manifester un certain penchant pour la solitude et la rêverie. En 1823, les affaires de John Allan sont moribondes et la vie à la maison des Allan s'en ressent. Edgar continue à rédiger des poèmes qu'il adresse aux élèves de l'école où se trouve sa sœur.

Les relations avec ses parents adoptifs sont ambivalentes. Il est encouragé par sa mère dans ses travaux d'écritures, mais les tours qu'il joue à certains habitants de Richmond causent le désespoir de son père. Ce dernier prend ombrage du caractère assez fier de l'adolescent, et s'éloigne progressivement de son épouse, toujours malade. Edgar, très attaché à Frances Allan (1784-1829), réprouve l'adultère de son père adoptif. John Allan voudrait voir Edgar devenir marchand, mais le jeune homme ne rêve que de poésie et envisage, à la rigueur, une carrière dans l'armée. Il trouve souvent refuge chez la mère d'un camarade, Jane Stith Stanard, qui est l'inspiratrice du poème À Hélène (1831). Son décès, en 1824, affectera grandement Edgar.

Chambre d'Edgar Allan Poe à l'université de Virginie.

À la suite du décès de son oncle William Galt, en {{date}}, John Allan hérite de plusieurs centaines de milliers de dollars. Cette somme lui permet de payer ses dettes et d'acheter un manoir en briques appelé « Moldavia » (pour 14950 dollars). Entre 1821 et 1825, Edgar fréquente les meilleures écoles privées de Richmond, où il reçoit l'éducation traditionnelle des gentlemen virginiens. Il est inscrit à l'English Classical School de John H. Clarke (1821-1822), qui lui fait lire Ovide, Virgile et César, puis Homère, Horace et le De Officiis de Cicéron, puis il fréquente le collège William Burke (1823-{{date}}) et l'école du {{Dr}} Ray Thomas et de son épouse.

À cette époque, il écrit ses premiers vers satiriques, tous perdus aujourd'hui, excepté O Tempora! O Mores! Par ailleurs, il est très influencé par l'œuvre et le personnage de Lord Byron. Bon élève, il se montre excellent nageur et passionné de saut en longueur. En juin ou {{date}}, il nage six ou sept miles le long de la James River, tandis que son maître suit sur un bateau. Du 26 au {{date}}, lors de son voyage aux États-Unis, le général La Fayette visite Richmond. Les volontaires juniors de la ville participent aux cérémonies organisées pour lui souhaiter la bienvenue ; Edgar est lieutenant des volontaires.

Le {{date}}, il entre à la nouvelle université de Virginie, à Charlottesville, que vient de fonder Jefferson (elle a ouvert ses portes le {{date}}), où il suit avec brio des cours de langues ancienne et moderne. Mais M. Allan lui a donné juste assez d'argent pour s'inscrire. Excédé par les dettes de jeu et les frais courants d'Edgar, qui s'élèvent à 2000 dollars, alors qu'il vient de passer avec succès ses premiers examens, John Allan refuse de le réinscrire et le ramène à Richmond en {{date}} pour l'employer dans sa maison de commerce. Par ailleurs, il ruine ses fiançailles avec Elmira Royster (1810-1888) ; le père de la jeune fille s'empresse de la marier à un riche négociant, Alexander Shelton.

Rêves de gloire et pérégrinations

L'engagement de mariage d'Edgar Allan Poe et de Virginia Clemm (Life and Letters of Edgar Allan Poe, James A. Harrison, 1900).

Comme son beau-père refuse de le renvoyer à l'université, il quitte sa famille adoptive, probablement le {{date}}, et s'embarque sous le nom d'Henri Le Rennet sur un bateau qui descend la James River jusqu'à Norfolk. Arrivé à Boston en avril, il espère survivre en publiant ses poèmes. Il y passe deux mois, comme acteur ou soldat, on l'ignore. Le 26 mai, sous le nom d'Edgar A. Perry (pseudonyme qu'il réutilisera pour signer certains contes), après s'être vieilli de quatre ans, il s'engage pour cinq ans comme artilleur de seconde classe dans l'armée fédérale. À la même époque, il fait paraître à ses frais, chez Calvin F.S. Thomas à Boston, une mince plaquette anonyme Tamerlan et autres poèmes sur laquelle est inscrit « A Bostonian » et dont 50 exemplaires à peine sont vendus. Il n'en existe aujourd'hui que 12 exemplaires.

En novembre, sa batterie est transférée à Fort Moultrie, sur l'{{Lien}}, face à Charleston (cette île servira de décor au très populaire Scarabée d'or). Malgré sa rapide promotion au grade d'artificier, puis de sergent-major (le {{1er janvier}} 1829) et l'amitié de ses supérieurs, Edgar s'ennuie. John Allan lui refuse la lettre d'autorisation sans laquelle il ne peut démissionner. Le {{date}}, la batterie d'artillerie où il sert est transférée au Fort Monroe en Virginie.

Maison d'Edgar Allan Poe, au 203 North Amity Street, à Baltimore. La chambre de Poe se serait située sous les toits.

Le {{date}}, Frances Keeling Allan meurt. Elle est inhumée le 2 mars au cimetière de Shockoe Hill. Prévenu tardivement, Edgar n'arrive que le soir du jour des funérailles de cette mère tant aimée. Durant ce séjour, Edgar se réconcilie provisoirement avec son père adoptif, qui accepte de l'aider à démissionner de l'armée et d'appuyer (sèchement) sa candidature à West Point, école des officiers de l'armée américaine. Le 4 avril, Edgar est libéré de l'armée.

Une nouvelle histoire de dettes entraîne une nouvelle brouille entre les deux hommes. Libéré de l'armée en {{date}}, sans le sou, Edgar va attendre son admission à West Point à Baltimore. Il séjourne auprès de sa tante Maria Clemm (1790-1871), sœur cadette de son père, qui a perdu son mari en 1826 et vit dans un extrême dénuement, entourée de sa mère impotente, Elizabeth Cairnes Poe, d'un fils tuberculeux, Henry (1818-après 1836), et de deux filles, Elizabeth Rebecca (1815-1889) et Virginia (1822-1847), qui est éperdue d'admiration devant son cousin, ainsi que du frère d'Edgar, William Henry. Dans cette ville, il fait paraître un second recueil de poèmes, Al Aaraaf, Tamerlan et poèmes mineurs chez Hatch and Dunning en {{date}}.

Muni de chaleureuses lettres de recommandation de ses anciens officiers et d'une froide supplique de John Allan, il se rend à pied à Washington, pour solliciter son admission dans la prestigieuse académie de John Eaton, Secrétaire à la guerre. Ses démarches n'ayant obtenu aucun succès, il retourne à Baltimore.

Edgar est admis à West Point en {{date}}. Il y fait de brillantes études, meilleures dans les disciplines académiques que dans les exercices militaires. John Allan, cependant, se remarie avec Louisa Patterson, qui lui donnera trois fils. Excédé par l'avarice de John Allan, qui lui refuse à nouveau l'argent nécessaire à ses études, et réfractaire à la discipline, Edgar se fait volontairement renvoyer de West Point (en refusant de se rendre en classe ou à l'église) après jugement de la cour martiale, le {{date}}. Le 6 mars, il quitte l'école avec des lettres de recommandation de ses supérieurs.

Des débuts littéraires difficiles

Couverture du Burton's Gentleman's Magazine, septembre 1839, première publication de La Chute de la maison Usher, d'Edgar Poe.

De retour à Baltimore, chez Maria Clemm, il recherche vainement un emploi. Ses articles et ses contes sont tous refusés. Enfin, il envoie cinq nouvelles au concours du Philadelphia Saturday Courrier, qui promet au gagnant un prix de {{unité}}. Il n'obtient pas le prix, mais ses contes (notamment Metzengerstein) sont publiés, sans son nom, en 1832 par le Saturday Courrier (qui les paie très mal).

Ainsi commence sa carrière de journaliste. Dans l'indigence, il pratique aussi le métier de pigiste nègre et continue son travail d'écrivain, consacrant ses loisirs et ses maigres revenus à l'éducation de sa petite cousine Virginia. En 1831, il fait paraître chez Elam Bliss à New York Poèmes, seconde édition, dédié au « corps des cadets des États-Unis » et précédé du premier manifeste critique d'Edgar, la Lettre à M… (reprise par la suite sous le titre Lettre à B…), qui bénéficie d'un accueil peu favorable.

En 1833, le New England refuse de publier son premier recueil : Contes du club de l'In-Folio. En revanche, en octobre, il gagne le {{1er}} prix du concours du Baltimore Saturday Visiter avec le Manuscrit trouvé dans une bouteille, qui lui apporte une certaine notoriété et l'amitié de John P. Kennedy, membre du jury et célèbre romancier. Grâce à ses recommandations, il peut publier ses premiers comptes rendus de critique littéraire au Southern Literary Messenger.

En {{date}}, il est enfin engagé par Thomas W. White comme directeur de la section littéraire du journal. Toutefois, il n'est pas libre : il doit se conformer au programme de la revue, qui soutient la littérature sudiste, et satisfaire l'admiration infantile de T. W. White pour les discours des gentlemen virginiens. La griffe d'Edgar apparaît dans ses nombreux pamphlets contre les romanciers populaires (du Nord) de l'époque. Il s'attaque notamment au best-seller de Theodore Fay, Norman Leslie, coqueluche de New York et des journaux nordistes tels le Knickerbocker, le Commercial Intelligencer ou la North American Review. Son talent de polémiste éclate, et il rénove l'esprit du Southern. Ses opérations médiatiques, comme la série : « Autobiographies pastiches de lettres d'écrivains », font monter le nombre d'abonnés au journal.

Il épouse clandestinement Virginia le {{date}}. Le {{date}}, il l'épouse publiquement, et la jeune fille, qui n'a que 13 ans, le rejoint à Richmond avec sa mère{{,}}.

Toutefois, il s'estime, à juste titre, mal payé et ne supporte plus les reproches (sur son supposé alcoolisme, notamment) dont l'accable, en public, T. W. White, pour empêcher son brillant rédacteur de prendre trop d'ascendant et garder le contrôle de son journal. Aussi décide-t-il de quitter le Southern.

En {{date}}, il s'installe à New York, où la New York Review lui a fait une proposition. Mais le journal a cessé de paraître quand il arrive. Mrs Clemm ouvre une pension à Manhattan, où Edgar s'installe avec Virginia. Il y achève Les Aventures d'Arthur Gordon Pym et y révise Les Contes de l'In-Folio.

Un écrivain reconnu

Fac-similé d'une lettre d'Edgar Allan Poe écrite à Philadelphie le {{date}} et publiée dans le prospectus du Penn Magazine (édition de Dodd, Mead & Co, 1898).

En 1838, il se fixe à Philadelphie pour reprendre ses activités régulières de journaliste appointé. Il tente d'y vivre de sa plume, mais ses quelques piges ne le sortent pas de la misère. La même année paraissent Les Aventures d'Arthur Gordon Pym, qui n'ont aucun succès.

En {{date}}, William Burton offre à Edgar la place de rédacteur en chef adjoint au Burton's Gentleman's Magazine. Il y est encore moins libre qu'au Southern, car il doit servir l'opportunisme de Burton, qui lui a recommandé de faire preuve d'indulgence dans ses comptes rendus critiques. Toutefois, il s'entend bien avec Burton, et leur collaboration permet au Gent's Mag, qui publie La Chute de la maison Usher, Le Diable dans le beffroi et William Wilson, de devenir le mensuel le plus en vue de Philadelphie. En revanche, la publication en volume des Contes du grotesque et de l'arabesque, en 1840, n'obtient qu'un succès d'estime. La même année, Edgar se livre à une critique de Longfellow, auquel il reproche le manque d'unité de ses textes, et inaugure une série de dénonciations de plagiats.

En {{date}}, il entreprend la publication en livraisons successives d'un roman de l'Ouest, Le Journal de Julius Rodman, médiocre fiction restée inachevée et pleine d'emprunts aux journaux de voyage contemporains. En juin, il quitte Burton pour fonder le Pen Magazine, revue littéraire dont il serait le seul maître. Il fait circuler des tracts aux plus grandes célébrités littéraires américaines, mais le projet échoue lorsque le commanditaire, George Graham, se retire. En octobre, Graham, qui possède le Saturday Evening Post et le mensuel Casket achète pour 3500 dollars le Burton's Gentleman's Magazine (qui compte alors 3500 abonnés) et le rebaptise Graham's Gentleman's Magazine. Dans le premier numéro paraît le conte L'homme des foules.

En {{date}}, Edgar est engagé comme rédacteur associé par son ami George Graham. Il touche un salaire annuel de {{unité}}. Pour la première fois, il jouit d'une réelle indépendance. La plupart de ses grands articles et l'essentiel de son œuvre critique ont paru dans les pages du Graham's Magazine. C'est également la période la plus heureuse de sa vie. Il poursuit ses attaques contre les « cliques » et les « coteries » de New York et de Boston, qui dictent leur loi aux éditeurs et aux journalistes des grands centres urbains. Le tirage de la revue passe à 25000 exemplaires, chiffre exceptionnel pour l'époque.

Un malheur vient cependant frapper sa famille. Un soir de {{date}}, alors qu'elle chante pour des amis, Virginia est victime d'une hémorragie causée par la rupture d'un vaisseau de la gorge. Elle reste plusieurs mois entre la vie et la mort.

Peu après, le 6 mars, Edgar rencontre Charles Dickens, en tournée aux États-Unis, avec lequel il discute de l'instauration d'un copyright international. Dickens lui promet de lui trouver un éditeur en Angleterre. En mai, Edgar quitte le Graham's Magazine, repris par le projet de fonder sa propre revue, baptisée cette fois The Stylus.

Espérances et errances

Portrait d'Edgar Allan Poe reproduisant un daguerréotype qui appartenait à Sarah Anna Lewis, réalisé pendant le séjour à Lowell, Massachusetts, probablement au début de l'été 1849.

En {{date}}, il se porte candidat à un poste de l'administration qui lui laisserait le temps d'écrire, grâce aux contacts de son ami F. W. Thomas. Toutefois, malgré le soutien de Robert Tyler, le fils du président des États-Unis, il ne peut obtenir aucun poste. Pendant la campagne présidentielle de 1840, il avait rédigé plusieurs pamphlets politiques opportunistes contre le candidat démocrate Martin Van Buren (Le Diable dans le beffroi) et son colistier Richard Mentor Johnson (L'Homme qui était refait), pour obtenir les bonnes grâces du parti whig. De retour à Philadelphie le 13 mars, il vit à nouveau de maigres piges.

En 1844, Edgar s'installe dans le nord de Manhattan, à la ferme Brennan, où il travaille avec acharnement à une Histoire critique de la littérature américaine qui ne verra jamais le jour. Par ailleurs, il écrit des Marginalia, brèves notes journalistiques souvent tirées de ses articles antérieurs. Enfin, il accepte un emploi subalterne au New York Mirror de son ami Nathaniel Parker Willis et remet à plus tard son projet du Stylus.

Le {{date}}, il publie Le Corbeau, qui a un succès extraordinaire. Paru dans lEvening Mirror, le poème est repris dans de nombreux journaux. Sa renommée grandit. Une sélection de ses contes paraît chez les prestigieux éditeurs Wiley et Putnam à New York, puis un recueil de poèmes, Le Corbeau et autres poèmes en {{date}}.

Plusieurs de ses comptes rendus critiques sont publiés dans le Broadway Journal de Charles Frederick Briggs et John Brisco, hebdomadaire d'information artistique et culturelle. Le {{date}}, il devient collaborateur permanent du journal et lance une campagne célèbre à New York sous le nom de « Guerre Longfellow » : Edgar et « Outis », un correspondant anonyme (Edgar lui-même selon certaines hypothèses), échangent de violentes diatribes, l'une ridiculisant Longfellow, l'autre accusant Le Corbeau de plagiat. En juillet, Edgar parvient à éliminer Briggs, l'un des deux actionnaires du journal. En octobre, Brisco cède ses parts à Edgar, qui concrétise alors son rêve, en devenant l'unique propriétaire de l'hebdomadaire. Toutefois, il s'aliène les journalistes et le public bostonien lors d'une conférence, volontairement obscure, sur son poème Al Aaraaf. Le {{date}}, Edgar dépose le bilan du Broadway Journal pour cause de dettes.

Cottage des Poe à Fordham.

En mai, Virginia étant de plus en plus malade, la famille s'installe à Fordham, quartier du Bronx, dans la grande banlieue de New York. Il apprécie les jésuites de l'université de Fordham et flâne fréquemment dans son campus, conversant avec les étudiants et les professeurs. La tour du clocher de l'université de Fordham lui inspire le poème « Bells. » À cette époque, Edgar tombe gravement malade et, ne pouvant plus écrire, sombre dans la misère. Le foyer est soutenu par une amie, Marie Louis Shew, mais leur pauvreté est telle qu'un entrefilet dans le New York Express du 5 décembre appelle les amis du poète à l'aide.

Chambre de Virginia Poe dans le cottage des Poe à Fordham.

Le {{date}}, Virginia décède à Fordham, à l'âge de 24 ans. Edgar, gravement malade, est soigné par Mrs Shew et Maria Clemm. À cette époque, il est très occupé par son projet de poème en prose, Eureka ou Essai sur l'univers matériel et spirituel. Il s'engage dans une quête frénétique d'amitiés féminines avec Mrs Lewis, dont il corrige les poèmes sentimentaux contre rétribution, avec Mrs Nancy Locke-Richmond (qui habite à Lowell, dans le Massachusetts), dont il s'éprend et qui sera l'Annie des derniers poèmes, enfin, avec Mrs Sarah Whitman (qui vit à Providence, dans le Rhode Island), poétesse spiritualiste à qui il adresse le second poème À Hélène et qu'il demande en mariage. En {{date}}, dans des circonstances assez obscures, il absorbe une forte dose de laudanum qui manque de l'empoisonner. De plus, il s'est mis à boire, lors de la maladie de Virginia, entre 1842 et 1847, et il est victime de crises d'éthylisme. Il souffre même un moment d'une attaque de paralysie faciale.

Le 13 novembre, Mrs Whitman accepte de l'épouser s'il renonce à l'alcool. Le 23 décembre, à Providence, il donne devant deux mille personnes sa célèbre conférence sur Du Principe poétique (qui ne sera publiée qu'après sa mort). Deux jours plus tard, 25 décembre, doivent être célébrées les noces avec Mrs Whitman. Toutefois, le lendemain, celle-ci reçoit une lettre anonyme lui apprenant de prétendues « relations immorales » entre Edgar et une de ses amies. De plus, on lui apprend que son fiancé a passé la nuit à boire avec des jeunes gens dans une taverne de la ville. Aussitôt, elle décide de rompre avec lui.

De retour à Fordham, Edgar reprend son projet de revue littéraire avec E.H.N. Patterson. Après une visite à Mrs Richmond, il entreprend un voyage dans le Sud pour rassembler des fonds en faveur de sa revue. Parti de New York le {{date}}, il séjourne tout l'été à Richmond, où il retrouve Elmira Royster Shelton, veuve depuis la mort de son mari en 1844, avec laquelle il songe à se marier, et redonne sa conférence sur Le Principe poétique, qui rencontre un très grand succès. Il la refait également à Norfolk (Virginie).

Une mort mystérieuse

Portrait de Virginia Poe sur son lit de mort, peint en 1847.

Le 27 septembre, Edgar quitte Richmond en bateau pour Baltimore, où il débarque le lendemain. On perd alors sa trace pendant quatre jours.

Le {{date}}, Joseph W. Walker envoie un message au {{Dr}} James E. Snodgrass : « Cher Monsieur, — Il y a un monsieur, plutôt dans un mauvais état, au {{4e}} bureau de scrutins de Ryan, qui répond au nom d'Edgar A. Poe, et qui paraît dans une grande détresse et qui dit être connu de vous, et je vous assure qu'il a besoin de votre aide immédiate. Vôtre, en toute hâte, Jos. W. Walker. » L'endroit où Edgar réapparaît, plus connu sous le nom de « Gunner's Hall », était une taverne, qui (comme souvent à l'époque) servait de lieu de vote pendant les élections.

Le {{Dr}} Snodgrass et Henry Herring, l'oncle d'Edgar, viennent chercher l'écrivain, qu'ils présument ivre. D'après les différents témoignages, au lieu de son costume de laine noir, il portait un manteau et un pantalon d'alpaga de coupe médiocre, vieillis et salis, et dont les coutures avaient lâché en plusieurs points, ainsi qu'une paire de chaussures usées aux talons et un vieux chapeau tout déchiré, presque en lambeaux, en feuilles de palmier. La chemise était toute chiffonnée et souillée, et il n'avait ni gilet ni faux-col.

Copie photographique du portrait d'Edgar Allan Poe, peint par Oscar Halling à la fin des années 1860 à partir du daguerréotype « Thompson », l'un des derniers portraits de Poe réalisés en 1849.

Conduit au Washington College Hospital, il alterne entre des phases de conscience et d'inconscience. Aux questions qu'on lui pose, il répond par des phrases incohérentes. Son cousin, Neilson Poe, venu lui rendre visite, ne peut le voir. Edgar meurt, officiellement d'une « congestion cérébrale », le dimanche 7 octobre, à 3 h ou 5 h du matin. Il est inhumé dans le cimetière presbytérien de la ville, le Westminster Hall, maintenant intégré à l'école de droit de l'université du Maryland.

Plusieurs théories ont été émises pour expliquer la mort d'Edgar. On a prétendu, ainsi, qu'il serait mort des suites d'une trop grande consommation d'alcool. D'autres mettent en avant des ennuis de santé. En 1847, il avait été victime d'une longue maladie qui lui aurait causé une lésion au cerveau. De même, en 1848, le {{Dr}} John W. Francis aurait diagnostiqué une maladie du cœur, diagnostic qu'Edgar Poe aurait d'ailleurs rejeté. Enfin, dans ses lettres à Maria Clemm, les 7 et 14 juillet, il indique qu'il est malade, parlant d'une amélioration de son état le 19. Parmi les maladies qui auraient pu causer sa mort, on a parlé de la tuberculose, de l'épilepsie, du diabète ou de la rage.

Autre hypothèse mise en avant : il aurait retrouvé des anciens de West Point, qui l'auraient invité à boire. Rentrant seul, dans un état d'ivresse, il aurait été volé et battu par des brutes et aurait erré dans les rues pendant la nuit avant de sombrer, inconscient.

Cependant, la théorie la plus largement admise est qu'il aurait été victime de la corruption et de la violence, qui sévissaient de manière notoire lors des élections. De fait, la ville était alors en pleine campagne électorale (pour la désignation du shérif, le 4 octobre) et des agents des deux camps parcouraient les rues, d’un bureau de vote à l’autre, pour faire boire aux naïfs un cocktail d’alcool et de narcotiques afin de les traîner ainsi abasourdis au bureau de vote. Pour parfaire le stratagème, on changeait la tenue de la victime, qui pouvait être battue. Le faible cœur d'Edgar Poe n'aurait pas résisté à un tel traitement.

La tombe d'Edgar Poe

Monument placé en 1913 à l'emplacement originel de la tombe d'Edgar Poe, dans le cimetière presbytérien de Baltimore. Poe est enterré lors d'une cérémonie réduite à sa plus simple expression et placé dans une tombe non marquée qui progressivement sera recouverte d'herbes.

En 1860, sa famille se mobilise pour offrir une pierre tombale de marbre blanc au poète négligé de Baltimore, portant l'épitaphe : « Hic Tandem Felicis Conduntur Reliquae Edgar Allan Poe, Obiit Oct. VII 1849 » et sur l'autre face l'inscription : « Jam parce sepulto », mais la pierre est détruite accidentellement avant même sa mise en place.

Grâce à une souscription initiée en 1865 et relayée par les élèves de l'université du Maryland, Poe est réinhumé le {{date}} sur un nouvel emplacement, et une véritable cérémonie est organisée sur sa nouvelle tombe le 17 novembre qui mentionne cette fois une date de naissance erronée (20 janvier au lieu du 19). Le nouveau monument n'a aucune épitaphe, même si plusieurs suggestions ont été faites, en particulier par Oliver Wendell Holmes. La pierre tombale mentionne seulement les noms et les dates de ses occupants. En 1885, les restes de Virginia Poe, enterrés en 1847 à New York, ont été apportés à Baltimore et inhumés avec ceux de Poe et de Maria Clemm, désormais réunis. Ce monument sera dégradé par le temps, remplacé par un monument en bronze, lui-même volé et remplacé.

Ce n'est finalement qu'en 1913 qu'une autre pierre commémorative est repositionnée, d'abord au mauvais endroit, puis finalement à l'emplacement originel de la tombe d'Edgar Poe, dans le cimetière presbytérien de Baltimore, avec l'épitaphe suivante, tirée du poème Le Corbeau : « Quoth the Raven, "Nevermore." » (Le corbeau dit : « Jamais plus ! »){{,}}.

Depuis 1949, les admirateurs de Poe se réunissent chaque année sur sa tombe, à l'anniversaire de sa naissance, le 19 janvier.

À l'occasion du bicentenaire de sa naissance, des funérailles solennelles, présidées par John Astin, ont été organisées par le Poe House and Museum de Baltimore le {{date}}, son enterrement n'ayant pas été annoncé publiquement en 1849 et l'assistance autour de son cercueil s'étant alors résumée à dix personnes.

Chaque 19 janvier de 1949 à 2009, une mystérieuse personne a déposé sur sa tombe trois roses et une bouteille de cognac.

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