Aller au contenu principal

Monfreid, Henry de (1879-1974)

Contents


Biographie

Jeunesse

Henry de Monfreid{{,}} est le fils de George-Daniel de Monfreid, peintre, graveur et collectionneur d'art, et de Marie-Amélie Bertrand (généralement appelée Amélie). Sa jeune enfance s'écoule à la petite station balnéaire de La Franqui (Leucate) où la famille de sa mère exploite un établissement pour vacanciers. Dès cette époque, le jeune Henry développe un goût marqué pour la voile et le large en naviguant avec son père sur les voiliers de ce dernier, d'abord le Follet, puis lAmélie, un yacht de {{unité}}, notamment lors d'une traversée de Port-Vendres à Alger alors qu'il a 5 ans{{,}}. À 7 ans, il va rejoindre ses parents à Paris où on l'inscrit à l'École alsacienne. Son père fréquente assidument la bohème, peintres ou écrivains, qu'il reçoit dans son appartement bourgeois. Monfreid va donc côtoyer des peintres comme Matisse et Gauguin. Durant l'été, et jusqu'à la mort de sa mère en 1902, il continuera de passer ses vacances à La Franqui.

Il a 13 ans lorsque ses parents se séparent et quittent Paris, et le jeune Henry est placé en pension pour qu'il n'ait pas à quitter son école. En 1892, il entre au lycée à Carcassonne où habite alors sa mère. Il passe son premier bac en 1896, retourne à Paris et prépare Centrale au Lycée Saint-Louis où il est interne. Il obtient d'assez bonnes notes et décroche même des distinctions mais il étouffe entre les quatre murs du lycée et se laisse aller à des frasques. Il se fait renvoyer, mais l'examen étant proche, il est réadmis comme externe. Il rate l'examen de peu. Henry de Monfreid ne fera donc pas carrière comme ingénieur des Chemins de fer et devra trouver un autre moyen d'existence. Il lui restera de ses études d'ingénieur un goût et une facilité pour les sciences et les techniques qui lui seront d'une grande utilité en mer Rouge lorsqu'il se mettra à construire des bateaux ou devra réparer en haute mer un moteur en panne. En 1900, Henry, qui vit depuis quelques mois avec sa nouvelle compagne Lucie, se voit contraint d'entamer son service militaire. Il cherche en vain à obtenir un sursis et finalement réussit à se faire réformer en simulant une congestion pulmonaire après avoir aspiré de l'hypochlorite de chaux mélangé à de l'acide chlorhydrique.

Monfreid vit pendant plusieurs années de petits boulots. Il décroche un emploi de colporteur au Planteur de Caïffa, où il se tire assez bien d'affaire et monte même en grade, mais son père lui fait quitter ce métier de « tireur de sonnettes » en lui promettant une rente mensuelle. Après une brève carrière comme chauffeur de maître, il se fait engager à la société Maggi où il devient rapidement un contrôleur de la qualité du lait. Mais Monfreid rêve d'être son propre patron: il démissionne et achète une affaire d'élevage de volaille avec l'argent reçu de son oncle dans le cadre du procès en captation d'héritage. Manque de chance, les poulets meurent tous et l'entreprise fait faillite. Maggi le réengage et il réussit à se faire nommer chef de ramassage à Fécamp, pour être près de la mer. Traficoter avec la qualité du lait et du beurre est un fléau à l'époque et Monfreid s'y laisse prendre. Il est en mer sur sa barque lorsque le représentant juridique de son employeur arrive à Fécamp pour le congédier. Monfreid, qui rêve de plus en plus à une carrière maritime, songe à se présenter à l'examen de capitaine au long cours mais il se laisse convaincre de mettre à profit ses connaissances de l'industrie laitière et il achète une petite laiterie près de Melun. Manque de chance encore un fois: Melun est très touchée par les débordements de le Seine en 1910 et la laiterie, isolée pendant des semaines, perd ses clients. Au même moment, il est gravement atteint de la fièvre de Malte qui manque l'emporter et qui le cloue au lit pendant des mois. La laiterie est vendue à perte. Ses rapports avec Lucie se sont dégradés avec le temps et c'est au cours de sa convalescence chez son père qu'il décide de mettre fin à sa relation de dix ans. C'est aussi durant sa convalescence qu'il fait la connaissance d'Armgart Freudenfeld, une jeune Allemande à qui Georges-Daniel donne des cours de peinture, et qui épousera Henry en 1915.

Monfreid, qui termine sa convalescence, cherche une piste pour partir et mettre la plus grande distance possible entre son passé, notamment Lucie, et lui. Justement, un ami connaît un négociant en Éthiopie, Gabriel Guigniony. Quelques jours plus tard, Monfreid apprend qu’il est engagé à l’essai comme agent de factorerie au salaire de 150 francs par mois. Cet emploi est loin d’être le pactole, il doit payer son propre voyage pour Djibouti et n’a aucune garantie d’emploi. Mais cela n'a aucune importance: Monfreid veut partir. À la mi-août 1911, il embarque à bord du vapeur lOxus comme passager de troisième classe à destination de Djibouti.

Dans la Corne de l'Afrique

Il fait d'abord le négoce du café et de peaux en Éthiopie puis, attiré par la mer, il s'installe à Djibouti fin 1913 où il achète un boutre, baptisé le Fath-el-Rahman, et avec lequel il amorce la vie aventureuse qui fera l'objet de son premier récit autobiographique : Les Secrets de la Mer Rouge. Plus tard, installé à Obock, il construit ses navires avec ses propres moyens, dont le plus célèbre, lAltaïr, goélette de 25 mètres avec seulement 2 mètres de tirant d'eau et gréé de voiles auriques, lui permettra de fréquenter les rives de la mer Rouge cernée de bancs de récifs. Sa connaissance des mouillages et des ports en fait une source de renseignements utile à la France pendant la Première Guerre mondiale. Il entame ensuite une vie de contrebandier, se convertit à l'islam en 1914, religion de son équipage, se fait circoncire, et prend le nom d'Abd-el-Haï (esclave du vivant). Selon Guillaume de Monfreid, sa « conversion était une conversion de circonstance ». Il continue : « je ne crois pas qu'il fût plus attaché à un rite qu'à un autre, parce que de toute façon, ce n'était pas un homme pour qui le spirituel avait beaucoup d'importance. Il était trop noyé dans l'action. Et puis, ayant découvert la vraie liberté, il ne veut plus de carcan ». De même, Henry de Monfreid a été enterré selon le rite catholique.

Il vit de différents trafics, perles (il arrête vite ce commerce qui n'est plus lucratif après que les Japonais inventent la perle de culture), armes, haschisch, et même morphine (qu'il achète en gros en Allemagne au laboratoire pharmaceutique qui produit la drogue, et qu'il revend aux riches Égyptiens), ce qui lui vaut des démêlés avec la justice et mêmes quelques brefs séjours en prison. Monfreid s'est toujours défendu d'avoir pratiqué la traite des Noirs entre l'Afrique et l'Arabie, qui persistait encore en 1925. Cependant dans sa correspondance il explique avoir des femmes asservies. Dans son journal de bord, il raconte que pendant la Première Guerre mondiale, les autorités françaises lui demandent d'aller espionner les positions turques sur la côte du Yémen en prenant des photographies. Vers la fin de la guerre, il s'installe définitivement avec sa famille à Obock, loin des regards inquisiteurs des gouverneurs et autres coloniaux de Djibouti ; sa maison est près du rivage, ce qui permet à sa femme de disposer des lumières sur la terrasse si la vedette des gardes-côtes est à l'affût. Entièrement absorbé dans ses projets, Monfreid est presque toujours absent et sa femme souffre de ses longues absences et de la chaleur accablante des lieux. Elle et les enfants se réfugient fréquemment aux monts Mabla dans l'arrière-pays d'Obock, qui offrent un peu de fraicheur. Au début des années vingt, il se fait construire une petite maison à Araoué, près de Harar en Éthiopie et il y passe la saison chaude avec sa famille. Avec ses trafics, en particulier la vente de hashish en Égypte, il a fait assez de bénéfices pour acheter une minoterie et construire une centrale électrique a Diré Dawa, ville-champignon surgie au pied de Harar lors de la construction du premier tronçon du chemin de fer Djibouti-Addis Abeba. Monfreid fait la connaissance de Paul Vaillant-Couturier ainsi que de Joseph Kessel, fascinés par sa personnalité. Kessel lui conseille d'écrire. Monfreid tire de ses aventures dans la mer Rouge, les eaux littorales de la Corne de l'Afrique et le détroit de Bab-el-Mandeb (« Porte des Pleurs » en arabe) des romans et nouvelles captivants, où les observations maritimes et ethnologiques {{non neutre}} voisinent avec les descriptions cyniques d'exploits de contrebande exercés (livraisons d'armes, de haschich ou de morphine).

Ses romans remportent un franc succès dans les années 1930. Il est également correspondant de presse pour plusieurs journaux parisiens.

Peu avant la Seconde Guerre mondiale, il soutient les Italiens, notamment pendant leur conquête de l'Éthiopie en 1935. Proche conseiller du général Rodolfo Graziani, Henry de Monfreid fait tout pour rencontrer le Duce Mussolini afin de pouvoir se joindre aux troupes italiennes. Il participe à quelques missions aériennes italiennes sur les territoires éthiopiens et manque d'être blessé en vol (Les Guerriers de L'Ogaden, 1935).

Après la débâcle de l'armée du Duce en Éthiopie devant les armées alliées en 1941, Monfreid est arrêté par les Britanniques et déporté au Kenya. Il raconte cette épopée dans le livre Du Harrar au Kenya. Libéré, il vit de chasse et de pêche sur les pentes du Mont Kenya, épisode qui lui inspirera d'autres romans comme Karembo.

Après la Seconde Guerre mondiale

Il retourne en France en 1947 et s'installe dans une grande maison à Ingrandes, dans l'Indre, où il peint, joue du piano, et surtout écrit. Les habitants de ce petit village de la « France profonde » resteront en plusieurs circonstances perplexes devant le mode de vie de Monfreid, patriarche sans complexes. Ainsi, étant un opiomane d'habitudes régulières, il va à l'épicerie locale pour peser et diviser en doses journalières les têtes de pavots qu'il fait pousser dans son jardin. L'épicier n'y voit pas matière à s'alarmer, d'autant que Monfreid est un bon client : il achète de grosses quantités de miel, qui lui permettent de combattre la constipation opiniâtre entraînée par l'usage quotidien de l'opium. Quelqu'un s'avise cependant un jour de dénoncer Monfreid à la gendarmerie. L'affaire est abandonnée, l'opium n'étant à l'époque utilisé que par des artistes non conventionnels, tel que son ami Jean Cocteau. Par ailleurs Monfreid se flatte à plusieurs reprises dans son œuvre de savoir à merveille décourager et amadouer les officiels trop curieux, par la flatterie, le mimétisme, et l'étalage d'une apparente bonne foi. En 1958, à l'âge de 79 ans, Monfreid entreprend un voyage à La Réunion où réside son fils Daniel. Après une visite de l'île, il fait la connaissance de Guézé, un marin qui lui propose de rejoindre l'île Maurice à bord de son bateau portant le nom créole de Rodali ; Monfreid accepte à condition d'équiper le vaisseau d'une voile. Monfreid, son fils Daniel, Guézé et un matelot nommé Fanfan composent l'équipage, qui prend la mer le dimanche 3 août 1958. Malgré l'expérience du capitaine, le bateau dérive pendant plusieurs jours avant d'être finalement secouru au large de Tamatave, à Madagascar, plus de 8 jours après le départ de La Réunion. Monfreid et son équipage sont accueillis par M. Bossuet, un agent des Messageries maritimes. Après quelques jours de visite à Madagascar qui les conduisent de Tananarive où ils visitent le palais de la Reine et sont invités à dîner par le Haut Commissaire, André Soucadaux, puis à Mantasoa, Monfreid et son fils regagnent La Réunion. L'écrivain relate ce périple dans Mon Aventure à l'île des Forbans (Grasset, 1958).

À la mort de Monfreid, on se rend compte que les tableaux de maîtres qu'il disait tenir de son père, et qu'il hypothéquait quand le revenu tiré de ses livres était insuffisant, étaient des faux, peut-être peints par lui-même.

couverture du document
LivreNon disponible
Veuillez vous connecter pour réserver
couverture du document
LivreNon disponible
Veuillez vous connecter pour réserver