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Dans l’Avant-propos de son ouvrage Marivaux dramaturge, Françoise Rubellin précise que nous n’avons que très peu de documents sur la vie de Marivaux et que de nombreuses informations à son sujet sont erronées. Par exemple : sa date de naissance est inconnue (on ne connaît que sa date de baptême, sa date de naissance le {{date de naissance}} étant supposée car à cette époque on baptisait les enfants trois ou quatre jours après leur naissance), le nom « Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux » n’apparaît jamais comme tel. Marivaux est né Pierre Carlet, puis se fait appeler Pierre Decarlet en entrant dans la faculté de droit, puis signe Carlet de Marivaux pour la première fois en 1716, le nom de Chamblain étant accolé dans des catalogues de libraires), le lien entre ses motivations à écrire et la banqueroute de Law sont des spéculations, etc.
Cet article utilise donc des éléments qui peuvent être hypothétiques, et il ne faut pas perdre de vue cette indétermination qui entoure la biographie de Marivaux.
D’une famille d’aristocrates originaires de Normandie, qui avait fourni un sénateur au parlement de cette province, son père Nicolas Carlet est fonctionnaire dans l’administration de la marine, de sa naissance jusqu’en 1698. En 1698, alors que Marivaux est âgé de 11 ans, ce dernier emmène sa famille s’installer à Riom, en Auvergne, où il vient d’être nommé « contrôleur-contre-garde » de la Monnaie avant d'en devenir directeur, puis à Limoges. De sa mère, Marie-Anne Bullet, on sait peu de choses si ce n'est qu'elle est la sœur d'un architecte du roi, Pierre Bullet, ce qui lui permettra d'être introduit dans les milieux de la Cour.
Il fait ses études chez les Oratoriens de Riom. En 1710, ambitionnant de suivre la voie paternelle (charge de contrôleur de la Monnaie dont Marie-Anne Bullet obtient une prorogation à la mort de son mari le 14 avril 1719), il commence des études de droit à Paris. Il est logé chez son oncle, l’architecte du roi Pierre Bullet. Il abandonne ses études en 1713 et les reprend épisodiquement : il obtient sa licence en droit en 1721 et est reçu avocat, mais il n’exercera jamais.
Son premier texte est une comédie d'intrigue en un acte et en vers le Père prudent et équitable, ou Crispin l’heureux fourbe jouée dans un cercle d’amateurs en 1706 et édité en 1712{{note}}. Il édite son premier roman en 1712 Les effets surprenants de la sympathie. Sa rencontre avec Fontenelle, et la fréquentation du salon de la très spirituelle Madame de Lambert, sont déterminantes pour sa formation. Il y rencontre des « Modernes » et s’y initie à une forme de « préciosité nouvelle », qui donnera naissance au « marivaudage ». Il développe alors son observation critique, s’engage dans la bataille contre les classiques et s’essaie à de multiples genres : roman parodique, poème burlesque ou chronique journalistique. Le parodique est alors sa principale voie d’écriture. Il reprend, selon l’esprit néo-précieux qui traite de façon « enjouée » les « grands sujets », tout ce qui fait le patrimoine culturel des écrivains classiques et le travestit en œuvres originales et décalées par rapport à l’usage. C’est ainsi qu’il écrit un Télémaque travesti en 1714-1715 (où il évoque la misère des huguenots), puis une Iliade Travestie en 1716, sa quatrième œuvre publiée et la première signée « M. de Marivaux » en 1718.
Il est considéré comme un brillant moraliste, sorte de nouveau La Bruyère. Il se marie le 7 juillet 1717 avec Colombe Boulogne (union longtemps considérée comme un mariage d'intérêt, alors que son épouse est en fait déjà enceinte){{note}}, fille d’un riche avocat « conseiller du roi », dont la dot permet au ménage de vivre dans l’aisance. Il perd son père en 1719. Mais il est ruiné par la banqueroute de Law en 1720, perd son épouse en 1723, et doit alors écrire pour vivre et élever sa fille.
Sa raison d’être est toute trouvée, ce sera le théâtre. Il s’essaie à la tragédie classique en cinq actes et en vers avec Annibal, joué en 1720 par les comédiens du Roi, mais ce n’est pas une réussite.
Son premier succès, la même année, il le doit à Arlequin poli par l'amour joué par les acteurs italiens de Luigi Riccoboni. Il apprécie le jeu des comédiens italiens et devient l’auteur attitré de la troupe. La jeune et talentueuse Silvia Balletti (étroitement liée à Giacomo Casanova, elle est la mère de Manon Balletti), la {{lang}}, devient son interprète idéale et il écrit spécialement pour elle. Il révolutionne le genre de la comédie sentimentale, qu’il explore au travers des deux Surprises de l’amour ou de La Double Inconstance, mais surtout de ses pièces devenues de grands classiques du répertoire : Le Jeu de l'amour et du hasard (1730) et Les Fausses Confidences (1737).
Il écrit aussi des comédies sociales qui posent des problèmes fondamentaux : la liberté et l’égalité entre les individus (L'Île des esclaves en 1725), la situation des femmes (La Nouvelle Colonie en 1729). Placées dans des cadres utopiques, ces pièces, qui ont eu peu de succès à leur création, développent ses réflexions sur les relations humaines.
Parallèlement, il expose sa réflexion dans les journaux, d’abord Le Spectateur françois (français), inspiré par The Spectator de Joseph Addison et Richard Steele, de 1721 à 1724 (25 numéros), puis L’Indigent Philosophe, en 1727 et Le Cabinet du philosophe en 1734, dont il est l’unique rédacteur, à la fois conteur, moraliste et philosophe. Il y étudie, d’une plume alerte, les multiples aspects de l’existence dans la société cloisonnée et hiérarchisée de son temps et décrit avec humour les travers de ses contemporains. Il y précise ses conceptions esthétiques, son goût pour une écriture spontanée, son droit de rire des hommes en général « et de moi-même que je vois dans les autres », parce que la réalité est toujours plus complexe et fugitive que les cadres rigides dans lesquels on tente de l’enfermer.
Marivaux est, avec l’abbé Prévost, un des écrivains qui ont le plus profondément réfléchi sur le paradoxe de l’écriture romanesque. Sa grande œuvre romanesque est La Vie de Marianne dont la rédaction s’étend sur environ quinze ans (1726-1741). L’héroïne, âgée, raconte sa vie, mais entremêle son récit de réflexions, de méditations, sur l’amour, l’amitié, la sincérité, la reconnaissance sociale du mérite personnel. L’œuvre demeure inachevée.
Ces thèmes sont repris dans Le Paysan parvenu, un roman d'apprentissage de 1735 racontant la montée à Paris et l’ascension sociale de Jacob grâce à ses succès amoureux.
À partir de 1733, il fréquente le salon de Claudine de Tencin, qui devient pour lui une amie précieuse. Grâce à elle, il est élu contre Voltaire à l’Académie française en 1742 (après plusieurs échecs, l'académicien Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet l'accusant de « décomposer » la langue française), et y prononcera plusieurs discours : Réflexions en forme de lettre sur le progrès de l’Esprit humain (1744), Réflexions sur l’esprit humain à l’occasion de Corneille et de Racine (1749), Réflexion sur les Romains et les anciens Perses (1751) . Il ne compose plus alors que quelques pièces à destination de la Comédie-Française, qui sont éditées, mais pas jouées, et un dialogue, L'Éducation d’un prince. Malade depuis 1758, il succombe à une pleurésie le 12 février 1763.