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Freud, Sigmund (1856-1939)

Contents


Biographie

{{Article détaillé}}

Les biographes de Freud

Freud

L'histoire de la vie de Freud (prononciation allemande : [{{API}}] ; prononciation française [{{API}}] ou [{{API}}]) est celle de la psychanalyse. Elle a fait l'objet de centaines d'articles et de quelques dizaines de biographies dont la plus connue est celle de Ernest Jones (La vie et l'œuvre de Sigmund Freud, 1953 à 1958), proche contemporain de Freud, qui est devenue une référence bien que critiquée pour ses aspects hagiographiques. Le premier biographe fut cependant Fritz Wittels, qui publie en 1924 Freud. L'homme, la doctrine, l'école. L'écrivain Stefan Zweig a aussi écrit une biographie (La Guérison par l'esprit, 1932) de son ami Freud. Le médecin de Freud, Max Schur, devenu psychanalyste, a analysé son rapport à la mort, dans la clinique et la théorie puis face à la maladie qui devait l'emporter en 1939 (La Mort dans la vie et l'œuvre de Freud, 1972).

De nombreux contemporains ou disciples lui ont également consacré une biographie, souvent hagiographique, tels Lou Andreas-Salomé, Thomas Mann, Siegfried Bernfield, Ola Andersson, Kurt Robert Eissler, Carl Schorske. Didier Anzieu a publié une biographie (L'auto-analyse de Freud et la découverte de la psychanalyse, 1998) très détaillée de l'auto-analyse de Freud et du processus créatif qui en a découlé. Marthe Robert est l'auteur d'une biographie littéraire (La Révolution psychanalytique, 2002). Peter Gay a écrit Freud une vie (1991). Henri F. Ellenberger a consacré une partie de son livre au devenir de certains des patients de Breuer et de Freud dans Histoire de la découverte de l'inconscient (1970). Ellenberger est le premier à avoir insisté sur les légendes associées à l'histoire de la psychanalyse (il parle de {{citation}}), arguant même qu'il faudrait, selon lui, développer une {{citation}}.

Freud en 1926

Les derniers ouvrages critiques édités ont pour auteurs : Mikkel Borch-Jacobsen et Sonu Shamdasani (Le Dossier Freud. Enquête sur l'histoire de la psychanalyse, 2006), Jacques Bénesteau (Mensonges freudiens. Histoire d'une désinformation séculaire, 2002) ou encore le philosophe Michel Onfray (Le crépuscule d'une idole, 2010). Dans le même temps, Alain de Mijolla a publié un écrit sur Freud et la France (Freud et la France, 1885-1945, 2010) qui analyse les relations complexes entre Freud et les intellectuels français (analystes et médecins, mais aussi écrivains, journalistes, poètes ou philosophes) jusqu'en 1945. En 2014, Élisabeth Roudinesco a publiée une biographie de Freud intitulée Sigmund Freud en son temps et dans le nôtre.

Enfance et études (1856–1882)

Enfance

Sigmund Freud naît le {{Date de naissance}} à Freiberg en Moravie, dans l'empire d'Autriche. L'histoire de sa famille, originaire de Galicie, est peu connue. Troisième fils de Kalamon Jakob Freud, modeste négociant, certainement marchand de laine, et d'Amalia Nathanson (1836-1931), il est le premier enfant de son dernier mariage. Sigmund est l'aîné de sa fratrie, composée de cinq sœurs (Anna, Rosa, Mitzi, Dolfi et Paula) et d'un frère, Alexander.

La maison natale de Freud, à Příbor

Selon Henri F. Ellenberger, {{Citation}}. Sa famille suit ainsi la tendance à l'assimilation qui est celle de la plupart des Juifs de Vienne, en effet le jeune Sigmund n'est pas élevé dans le strict respect de l'orthodoxie juive. Bien que circoncis à la naissance, son éducation n'est pas traditionaliste et est ouverte à la philosophie des Lumières. Il parle l'allemand, le yiddish et semble connaître l'espagnol à travers un dialecte mêlé d'hébreu alors couramment employé dans la communauté séfarade de Vienne, bien qu'il fût lui-même ashkénaze.

Il passe à Freiberg ses trois premières années puis les Freud s'installent à Leipzig pour s'établir définitivement, en février 1860, dans le quartier juif de Vienne, ancien ghetto de la capitale autrichienne. Il y réside jusqu'à son exil forcé, après l'invasion nazie de 1938. De 1860 à 1865, son père change toutefois à plusieurs reprises d'appartement, pour s'installer enfin dans la {{Lang}}, dans le quartier juif de {{Lang}}. Franz Brentano

Recevant ses premières leçons de sa mère puis de son père, il est d'abord envoyé, d'après le souvenir de sa sœur, dans une école privée. À neuf ans, le jeune Freud réussit l'épreuve d'admission au {{lang}} (plus tard appelé {{lang}}) de {{Lang}}. Le jeune Sigmund fréquente les écoles élémentaires juives du voisinage, puis, de 1866 à 1873, l'école secondaire. Brillant élève, il est le premier de sa classe pendant ses sept dernières années de scolarité secondaire au lycée communal ({{Lang}}). Il a pour professeurs le naturaliste Alois Pokorny, l'historien Annaka, le professeur de religion juive Samuel Hammerschlag et le politicien Victor von Kraus. À l'âge de huit ans, Freud lit Shakespeare, Homère, Schiller ou Goethe{{,}}. Il apprend également l'espagnol, certainement aux côtés d'Eduard Silberstein, son ami d'enfance et avec lequel il entretient par la suite une riche correspondance. Obtenant la mention « excellent » à l'examen de maturité — {{lang}} — Freud quitte le lycée en été 1873. Après avoir brièvement incliné vers le droit sous l'influence d'un de ses amis, Heinrich Braun, qui s'oriente vers la politique sociale, il se montre plus intéressé par la carrière de zoologue. C'est en effet la lecture par Carl Brühl d'un poème intitulé Nature, alors attribué à Goethe, lors d'une conférence publique qui le fait opter pour cette carrière. Cependant, il choisit la médecine et commence ses études à la rentrée d'hiver 1873. Il se passionne pour la biologie darwinienne qui sert de modèle à tous ses travaux.

Études

Il obtient son diplôme le 31 mars 1881, soit huit années après son entrée à l'université, au lieu des cinq attendues. La raison est que le jeune Freud profite de sa liberté académique en tant qu'étudiant de l'université de Vienne pour effectuer deux séjours durant l'année 1876 dans la station de zoologie marine expérimentale de Trieste, sous la responsabilité de Carl Claus, puis pour travailler de 1876 à 1882 auprès d'Ernst Wilhelm von Brücke, dont les théories rigoureusement physiologiques l'influencent.

Theodor Meynert

À l'institut de Brücke (le {{lang}}), où il entre en octobre 1876, en qualité de jeune physiologiste-assistant, Freud fait la connaissance des docteurs Sigmund Exner et de Fleischl von Marxow, et surtout du docteur Josef Breuer, un {{Citation}} pour lui et qui aiguise sa curiosité avec le cas d'une jeune hystérique connue plus tard sous le pseudonyme d'« Anna O. ». Chez Ernst Brücke, Freud concentre ses travaux sur deux domaines à l'importance reconnue peu après : les neurones (dont certaines assertions sont reprises dans l'article « Esquisse d'une psychologie scientifique ») et la cocaïne. Selon Alain de Mijolla, Freud découvre à ce moment les théories positivistes d'Emil du Bois-Reymond, dont il devient un adepte, et qui expliquent la biologie par des forces physico-chimiques dont les effets sont liés à un déterminisme rigoureux.

Son service militaire, de 1879 à 1880, retarde également la fin de son cursus universitaire. Il en profite pour commencer la traduction des {{lang}} du philosophe John Stuart Mill et continue à approfondir sa connaissance des théories de Charles Darwin. Parallèlement, le jeune étudiant assiste aux cours de Franz Brentano et lit avec avidité Les Penseurs de la Grèce de Theodor Gomperz et surtout les volumes de l’Histoire de la civilisation grecque de Jacob Burckhardt. Il passe ensuite ses deux premiers {{lang}} en juin 1880 et le troisième en mars 1881 et obtient son diplôme le 31 mars 1881, devenant alors à titre temporaire préparateur dans le laboratoire de Brücke. Il travaille ensuite deux semestres dans le laboratoire de chimie du professeur Ludwig. Parallèlement, Freud poursuit ses recherches histologiques. Il est par ailleurs très impressionné par les démonstrations du magnétiseur danois Carl Hansen qui se produit alors à Vienne en 1880.

Ernst Wilhelm von Brücke

Le 31 juillet 1881 il est recruté comme assistant chirurgien auprès de Theodor Billroth à l’Hôpital général de Vienne ; il n'occupe ce poste que deux mois.

En juin 1882, il quitte le laboratoire d'Ernst Brücke pour embrasser une carrière de médecin praticien, sans grand enthousiasme toutefois. Deux explications existent sur ce point. Selon Freud lui-même, Brücke lui a conseillé de commencer à pratiquer en hôpital pour se faire une situation alors que pour Siegfried Bernfeld et Ernest Jones, ses biographes, c'est son projet de mariage qui l'oblige à renoncer au plaisir de la recherche en laboratoire. Sigmund Freud a en effet rencontré Martha Bernays (1861-1951), issue d'une famille commerçante juive, en juin 1882, et, très tôt les conventions familiales alors en vigueur obligent les deux fiancés à se marier, d'autant plus que leur situation financière est très précaire. Néanmoins, le jeune couple ne se marie qu'en 1886, Freud ayant conditionné son alliance avec Martha Bernays à l'obtention de son cabinet de consultation. En octobre 1882, il entre dans le service de chirurgie de l'hôpital de Vienne, alors l'un des centres les plus réputés du monde. Après deux mois, il travaille comme aspirant, sous la responsabilité du médecin Nothnagel et ce jusqu'en avril 1883. Il est nommé le {{1er}} mai 1883 {{lang}} au service de psychiatrie de Theodor Meynert dans lequel il poursuit des études histologiques sur la moelle épinière, jusqu'en 1886.

De l'hystérie à la méthode cathartique (1883–1893)

{{Article détaillé}}

Premières recherches

Après avoir passé cinq années dans le service de Meynert, Freud entre en septembre 1883 dans la quatrième division du docteur Scholtz. Il y acquiert une expérience clinique auprès de malades nerveux. En décembre de la même année, à la suite de la lecture d'un article du docteur Aschenbrandt, il se livre à des expériences sur la cocaïne et en déduit qu'elle a une efficacité sur la fatigue et les symptômes de la neurasthénie. Dans son article de juillet 1884, {{citation étrangère}}, il conseille son usage pour de multiples troubles. Freud, à la suite de la lecture d'un texte qui propose de traiter la morphinomanie par la cocaïne, traite un ami morphinomane, Fleischl, mais l'expérience tourne mal et ce dernier se suicide.

Bien qu'il l'ait nié publiquement à de nombreuses reprises, il fut lui-même consommateur de cocaïne entre 1884 et 1895, comme en atteste sa correspondance{{,}}{{,}}. Il travaille sur sa découverte avec Carl Köller, qui mène alors des recherches sur un moyen d'anesthésier l'œil en vue de pratiquer des opérations peu invasives. Celui-ci informe ensuite Leopold Königstein qui applique cette méthode à la chirurgie. Tous deux communiquent leur découverte lors de la Société des médecins de Vienne en 1884, sans mentionner la primauté des travaux de Freud{{,}}.

Le jeune médecin est ensuite affecté au service d'ophtalmologie de mars à mai 1884, puis dans celui de dermatologie. Il y rédige un article sur le nerf auditif qui reçoit un accueil favorable. En juin, il passe l'examen oral pour le poste de {{lang}}, et y présente son dernier article. Il est nommé le 18 juillet 1885 et, voyant sa demande de bourse de voyage acceptée, il décide d'aller étudier à Paris, auprès de Jean-Martin Charcot. Après six semaines de vacances auprès de sa fiancée, Freud s'installe donc dans cette ville. Admirateur du neurologue français, qu'il rencontre la première fois le 20 octobre 1885, il se propose de traduire ses écrits en langue allemande. Dès lors, le Français le remarque et l'invite à ses somptueuses soirées du faubourg Saint-Germain. Cependant, il semble que Freud n'ait pas passé autant de temps qu'il le dit auprès de Charcot, puisqu'il quitte Paris le 28 février 1886 ; il en retire néanmoins toujours de la fierté et fait de ce séjour à Paris un moment clé de son existence. Il reste en outre en contact épistolaire avec le Français.

La demeure de Freud, à Vienne.

En mars 1886, Freud étudie la pédiatrie à Berlin, avec Baginsky, et revient finalement à Vienne en avril. Il rédige son rapport sur l'hypnotisme tel qu'il est pratiqué à la Salpêtrière devant les membres du Club de physiologie et devant ceux de la Société de psychiatrie, tout en organisant les préparatifs de son mariage. Un article d'Albrecht Erlenmeyer le critique vivement quant aux dangers de l'usage de la cocaïne. Freud finit de traduire un volume des leçons de Charcot, qui paraît en juillet 1886, avec une préface de sa main. Après quelques mois de service militaire à Olmütz comme médecin de bataillon, Freud épouse Martha Bernays le {{date}}, à Wandsbek ; ils passent leur voyage de noces sur la mer Baltique. Dès son retour à Vienne, Freud aménage son cabinet dans l'{{citation étrangère}} (« Premier institut public des malades pour des enfants ») et travaille parallèlement avec l'Institut Max-Kassowitz, un hôpital pédiatrique privé où il est affecté au service neurologique. Il travaille à l'institut de 1886 à 1896.

Le 15 octobre 1886, devant la Société des médecins de Vienne, Freud fait une allocution concernant l'hystérie masculine, discours demeuré célèbre dans la littérature psychanalytique sous le titre de {{citation étrangère}} (publié en deux volumes). Ce sujet est alors polémique, d'autant plus que la conception classique de Charcot oppose l'hystérie post-traumatique à une hystérie dite simulée. S'appuyant sur la distinction entre « grande hystérie » (caractérisée par des convulsions et une hémianesthésie) et la « petite hystérie », et sur un cas pratique examiné à la Salpêtrière, Freud explique que l'hystérie masculine est plus fréquente que ce que les spécialistes observent habituellement. Pour Freud, la névrose traumatique appartient au champ de l'hystérie masculine. La Société s'insurge contre cette opinion qui est, de plus, déjà connue des neurologues viennois. Selon Ellenberger, l'idéalisation de Freud pour Charcot lui vaut l'irritation de la Société, agacée par son attitude hautaine. Blessé, Freud présente alors à la Société un cas d'hystérie masculine afin d'étayer sa théorie. La Société l'entend de nouveau, mais l’éconduit. Contrairement à une certaine légende autour de cet événement, Freud ne se retire pas de la Société ; il en devient même membre le 18 mars 1887.

La rencontre avec Wilhelm Fliess et la première topique

Cette année-là, il fait la rencontre de Wilhelm Fliess, un médecin de Berlin qui poursuit des recherches sur la physiologie et la bisexualité, avec lequel il entretient une correspondance scientifique amicale{{,}}, mais toutefois ambiguë. Par ailleurs, la famille Freud accumule les dettes, le cabinet médical n'attirant pas une abondante clientèle. De plus, Meynert se brouille avec Freud en 1889, à propos de la théorie de Charcot défendue par le Viennois. En 1889, celui-ci se dit très seul ; il ne peut communiquer réellement qu'avec ses amis Josef Breuer et Jean Leguirec. Ainsi il écrit : {{Citation}}. Sa famille, nombreuse, l'aide également à surmonter cette période d'isolement professionnel. Dès cette année, la pensée de Freud évolue. D'abord son intérêt pour Hippolyte Bernheim (dont il traduit le principal ouvrage De la suggestion et des applications thérapeutiques) lui fait aborder la technique de l'hypnose. Il se rend à Nancy, à l'école de Bernheim, et rencontre Ambroise-Auguste Liébeault en 1889 pour confirmer son opinion sur l'hypnose. Il y apprend que les hystériques conservent une forme de lucidité envers leurs symptômes, savoir qui peut être mobilisé par l'intervention d'un tiers, une idée qu'il reprend ultérieurement dans sa conception de l'inconscient, mais il conclut que l'hypnose n'a que peu d'efficacité dans le traitement général des cas pathologiques. Il pressent que le passé du patient doit jouer un rôle dans la compréhension des symptômes. Il décide de préférer à l’hypnose la « cure par la parole » de son ami Breuer{{,}}. Après cette visite, il participe, en juillet, au Congrès international de psychologie de Paris.

Jean-Martin Charcot

En 1891, Freud publie son travail sur les paralysies cérébrales unilatérales chez les enfants, en collaboration avec Oscar Rie, pédiatre viennois, ami intime et médecin de la famille Freud. Puis il travaille à son étude critique des théories sur l'aphasie intitulée {{citation étrangère}} (Contribution à la conception des aphasies). Sa distance avec la pensée de Charcot y est maximale ; il y esquisse un « appareil de langage » ({{citation étrangère}}) permettant de rendre compte des troubles de la fonction langagière. Ce modèle préfigure l'« appareil psychique » de sa première topique. Freud lie ainsi l'inconscient au langage. En 1892, il édite sa traduction de l'ouvrage de Bernheim sous le titre Hypnotisme, suggestion, psychothérapie : études nouvelles ({{citation étrangère}}). La même année, il expose devant le Club médical viennois une conception proche du Français.

En 1893, Freud publie plusieurs articles sur l'hystérie en collaboration avec Josef Breuer et en particulier l'essai « Le Mécanisme psychique des phénomènes hystériques.(Communication préliminaire.) » ({{citation étrangère}}). Il y défend la conception névrotique de l'hystérie, tout en proposant {{Citation}}. En 1894, avec son article « Névro-psychoses de défense » ({{citation étrangère}}), il se focalise sur la phobie. Il souffre de symptômes cardiaques et cesse de fumer. S'occupant de l'hystérie d'une patiente, du nom d'« Emma », Freud, influencé par la théorie de la bisexualité de Fliess, lui demande d'opérer la jeune femme du nez, car il pense que sa névrose y est liée. Mais Wilhelm Fliess commet une erreur médicale en oubliant la gaze iodoformée dans le nez de la patiente. Freud fait ensuite un rêve marquant (le rêve dit de l'« injection faite à Irma ») dans la nuit du 23 au 24 juillet 1895 sur cet accident et entreprend d'en analyser le sens au moyen de la méthode des associations libres ; {{Citation}}{{,}}.

L'invention de la psychanalyse : de l'hypnose à la cure psychanalytique (1893–1905)

{{Article détaillé}}

Freud et Breuer : Études sur l'hystérie

En 1895, Breuer et Freud publient leur Études sur l'hystérie qui regroupent les cas traités depuis 1893, dont celui d'Anna O. (de son vrai nom Bertha Pappenheim). Anna O., patiente de Breuer, est présentée comme un exemple type de cure cathartique. Avant de devenir la cure psychanalytique au sens strict, Freud a en effet dû abandonner la suggestion et l'hypnose, puis la méthode cathartique de Breuer, et prendre en compte le transfert, c'est-à-dire les sentiments du patient projetés sur l'analyste. C'est en effet le transfert qui met Freud sur la voie d'une nouvelle approche, la projection dans le transfert informant sur la nature du conflit psychique dans lequel le patient est pris.

En 1896, considérant que sa théorie a droit de cité en psychologie, Freud la baptise du nom de « psycho-analyse », mais le facteur sexuel n'est pas alors encore prédominant dans celle-ci. Composé du grec {{lang}} (qui désigne la « remontée vers l'originaire », l'élémentaire), et de lysis (la « dissolution »), le terme désigne dès le départ la recherche des souvenirs archaïques en lien avec les symptômes. Dès lors, Freud rompt avec Breuer, demeuré fidèle à la cure cathartique, et rédige un essai laissé inédit : Esquisse d'une psychologie scientifique. C'est dans un autre article, écrit en français : « L'hérédité et l'étiologie des névroses », de 1896, qu'il explique sa nouvelle conception. Enfin, il rédige {{citation étrangère}} (« L’Étiologie de l’hystérie »). Dans les deux articles apparaît pour la première fois sous la plume de Freud le mot « psychanalyse ».

Après la mort de son père, le 23 octobre 1896, Freud est abattu par la douleur. Il s'intéresse exclusivement à l'analyse de ses rêves et se livre à un {{Citation}}. Nourrissant de la culpabilité pour son père décédé, il entreprend une auto-analyse. Il dit tenter d'analyser sa {{Citation}} et ambitionner de mettre à jour la nature de l'appareil psychologique et de la névrose. Lors de cette auto-analyse, et après avoir abandonné sa théorie de l'hystérie, ses souvenirs d'enfance affluent. Sa nourrice lui permet de développer la notion de « souvenir écran » par exemple alors qu'il voit dans les sentiments amoureux pour sa mère et dans sa jalousie pour son père une structure universelle qu'il rattache à l'histoire d'Œdipe et d'Hamlet. Ses analyses de patients lui apportent des arguments dans l'édification d'une nouvelle conception, qui lui permet de revoir et l'hystérie et les obsessions. La correspondance avec Fliess témoigne de cette évolution de sa pensée ; c'est notamment dans une lettre du {{date}} que Freud évoque pour la première fois le « complexe d'Œdipe ». Le neurologue viennois explique ainsi : {{Citation}}

Josef Breuer

Le 2 mai 1896, devant la Société de psychiatrie viennoise, présidée par Hermann Nothnagel et Krafft-Ebing, on lui délivre le titre d’« {{lang}} »{{,}}. Lors du Congrès international de psychologie à Munich en août 1896, le nom de Freud est cité parmi les autorités les plus compétentes dans le domaine alors qu'en 1897 Albert Willem Van Renterghem, psychiatre néerlandais, le cite comme l'une des figures de l'École de Nancy.

L'Interprétation des rêves et autres textes fondateurs

Il annonce à Fliess, au début de l'année 1898, qu'il compte publier un ouvrage sur l'analyse des rêves, et, après une période de dépression, il édite L'Interprétation des rêves ({{citation étrangère}}){{,}}. Il s'agit d'un ouvrage autobiographique qui se base sur le matériel de ses propres rêves. Cette période d'auto-analyse mêlée de névrose est, selon Henri F. Ellenberger, caractéristique de la {{Citation}}, phase de dépression et de travail intense qui a permis à Freud d'élaborer la psychanalyse en dépassant ses problèmes personnels. En novembre 1898, Freud se préoccupe des phases infantiles à dominante sexuelle dans son œuvre {{citation étrangère}} (La sexualité dans l'étiologie des névroses). Dans cet ouvrage, Freud utilise le terme de « psychonévrose » délimité de la « neurasthénie »

Sa situation, tant sociale que financière, s'améliore ; de 1899 à 1900, il exerce les fonctions d'assesseur de la {{lang}} de Londres en psychiatrie et neurologie pour la revue {{Citation étrangère}}. Par ailleurs, il travaille intensément à ses recherches et se dépeint comme un « conquistador ». Il jouit en effet d'une clientèle lucrative et est reconnu par la société viennoise. En septembre 1901, il se sent capable de visiter Rome, en compagnie de son frère Alexander. La « Ville éternelle » l'a {{citation}} et Freud, en raison de sa phobie des voyages{{,}}, a toujours remis à plus tard sa visite de l'Italie. À Rome, il est « impressionné » par le Moïse de Michel-Ange. Quelques années après, en 1914, il publie anonymement, dans la revue Imago, un essai intitulé {{Citation étrangère}} (« Le Moïse de Michel-Ange »), dans lequel il oppose les deux figures, celle historique et celle mythique, du libérateur du peuple juif, Moïse.

Lors d'un passage à Dubrovnik (alors Raguse), Freud suppose que le mécanisme psychique du lapsus est révélateur d'un complexe inconscient. La même année, deux psychiatres suisses, Carl Gustav Jung et Ludwig Binswanger de Zurich, se rallient à la psychanalyse naissante et, grâce à l'« école de Zurich », le mouvement s'amplifie en Europe et aux États-Unis. Auparavant, en 1901, Eugen Bleuler, avec qui Freud commence une correspondance, est extrêmement impressionné par L'Interprétation des rêves. Il a en effet demandé à son second, Jung, de présenter l'ouvrage à l'équipe psychiatrique du Burghölzi. La Suisse devient ainsi une alliée de poids dans le développement du mouvement psychanalytique et ce dès 1900.

Bertha Pappenheim, citée sous le nom de Anna O.

De retour à Vienne, Freud rompt tout échange avec Fliess en 1902. Puis, il présente ses opinions scientifiques au cours de plusieurs conférences, devant le {{Citation étrangère}} de Vienne, puis devant le B'nai B'rith, un cercle de juifs laïcs ; elles sont bien accueillies. En automne 1902, sur l’initiative de Wilhelm Stekel, Freud réunit autour de lui un groupe d'intéressés, qui prend le nom de {{citation étrangère}} (« Société psychologique du mercredi ») et qui, chaque mercredi, discute de psychanalyse{{,}}. Selon Ellenberger, à partir de cette date, la vie de Freud se confond avec l'histoire du mouvement psychanalytique{{,}}. En France, ses travaux sont mentionnés lors du Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de Grenoble la même année.

En 1904, il publie {{citation étrangère}} (Psychopathologie de la vie quotidienne). En septembre, il se rapproche d'Eugen Bleuler, de Zurich, et leur correspondance scientifique s'accroît. Les traitements engagés par Freud sur la base de ces hypothèses l'avaient déjà conduit à découvrir que tous ses patients n’ont pas subi de réels traumatismes sexuels dans leurs enfances : ils évoquent des fantasmes et racontent un « roman familial » auquel ils croient. Simultanément, il découvre que certains patients semblent ne pas pouvoir guérir. Ils résistent notamment en répétant et en transposant des sentiments anciens vers l'analyste : mécanisme que Freud appelle le « transfert » qu'il voit encore, et essentiellement, comme un frein à la guérison.

Stanley Hall]], C. G. Jung ; au second : Abraham A. Brill, Ernest Jones, Sándor Ferenczi.

Freud parle de la psychanalyse pour la première fois publiquement en 1904, lors d'une série de conférences à l'université Clark à Worcester, Massachusetts, invité par son président Stanley Hall, en compagnie de Carl Gustav Jung, Ernest Jones et Sandor Ferenczi. Freud et Jung se voient honorés du titre de « LL. D. » (docteur des deux droits). C'est à ce moment qu'il désigne explicitement Jung comme son {{Citation}}. En témoignage de reconnaissance, il déclare lors de cette conférence de 1904 que le mérite de l'invention de la psychanalyse revient à Josef Breuer mais il précise par la suite qu'il considère que le « procédé cathartique » de Breuer constitue une phase préliminaire à l'invention de la psychanalyse et qu’il en est bien l’inventeur à partir du rejet de l’hypnose et de l’introduction de l’association libre.

L'institution psychanalytique (1905–1920)

Approfondissements et publications

En 1905 paraît un ouvrage d'importance pour la psychanalyse : {{citation étrangère}} (Trois essais sur la théorie sexuelle), qui rassemble les hypothèses de Freud sur la place de la sexualité et son devenir dans le développement de la personnalité, {{citation étrangère}} (Le Mot d'esprit et sa relation à l'inconscient) et {{citation étrangère}} (Fragment d'une analyse d'hystérie). Ce dernier est le compte-rendu du cas d'Ida Bauer, qui illustre le concept de transfert psychanalytique. Ce transfert, par lequel le patient crée une névrose (la « névrose de transfert ») dans la relation établie avec son thérapeute, en quelque sorte « expérimentale », est en effet à analyser dans le cadre de la cure, car il en détermine l'issue.

Freud en 1905

Selon certaines thèses, celles d'Ellenberger, d'Ilse Bry et Alfred H. Rifkin, les idées de Freud ont été bien reçues. Pour Ernest Jones et Jean-Luc Donnet, c'est le contraire qui est vrai. Donnet précise que le rejet violent de la psychanalyse par les médecins et surtout par les psychiatres est l'une des causes du fait que Freud s'est tellement réjoui du ralliement d'Eugen Bleuler à la psychanalyse et, de fait, c'est à Zurich que la psychanalyse obtient en premier un droit de cité en psychiatrie. La France s'est montrée d'emblée réfractaire à la psychanalyse{{,}}. Ailleurs, le succès des ouvrages de Freud est important, mais inégal selon les pays ; on le lit par exemple en traductions dès les années 1900, en russe. Les premiers travaux des disciples de Freud apparaissent également : Otto Rank, âgé de 21 ans, lui remet en effet le manuscrit d'un essai psychanalytique qui s'intitule {{citation étrangère}} (L'artiste).

En 1906, Freud s'intéresse à une nouvelle de l'écrivain allemand Wilhelm Jensen, La Gradiva qu'il analyse au moyen de sa méthode d'investigation. L'analogie de la remontée des souvenirs avec l'archéologie est au centre de son étude ; il en tire un ouvrage, {{citation étrangère}} (Le délire et les rêves dans la « Gradiva » de Jensen) dans lequel il applique les principes psychanalytiques à la création littéraire. La même année, Freud se brouille définitivement avec son ami Wilhelm Fliess, qui rédige par la suite un pamphlet, Pour ma propre cause, dans lequel il accuse Freud de lui avoir volé ses idées.

La reconnaissance

En mars 1907, l'isolement de Freud cesse définitivement. Le groupe naissant de psychanalystes tente de créer une collection intitulée les {{citation étrangère}} (« Écrits de psychologie appliquée ») aux éditions Deuticke. Directeur de la publication, Freud y publie le premier, avec Le Délire et les rêves dans la Gradiva de Wilhelm Jensen. La même année, il écrit Actes obsédants et exercices religieux, dans lequel il aborde le sujet de la religion : il y présume qu'il existe un rapport entre une névrose obsessionnelle et les exercices religieux. En 1908, le petit groupe autour de Freud devient la Société viennoise de psychanalyse et, en août, Karl Abraham fonde la Société psychanalytique de Berlin. L'année suivante, la première revue psychanalytique édite leurs travaux ; elle prend le nom {{citation étrangère}} (Annales de recherches psychanalytiques et psychopathologiques), souvent abrégée en {{citation étrangère}}, avec Bleuler et Freud comme directeurs et Jung comme rédacteur en chef. Freud inaugure cette revue avec la publication du cas du petit Hans.

Daniel Paul Schreber

Le 26 avril, le premier Congrès international de psychanalyse à Salzbourg réunit 42 membres de six pays (Autriche, Allemagne, Hongrie, Suisse, Angleterre et États-Unis). Freud y présente ses {{citation étrangère}} (Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle). En 1909 paraît les {{citation étrangère}} (Cinq leçons sur la psychanalyse). Freud s'interroge par la suite sur la nature de la pratique psychanalytique dans un essai, {{citation étrangère}} (À propos de la psychanalyse dite sauvage ou « analyse profane »). L'année 1910 marque un sommet dans l'histoire de la psychanalyse et dans la vie de Freud ; lors du second Congrès international à Nuremberg organisé par Jung, les 30 et 31 mars, est créée l'{{citation étrangère}} (Association psychanalytique internationale, « API »), dont le premier président est Carl Gustav Jung, ainsi qu'une deuxième revue, le {{citation étrangère}}. L'IPA rassemble sous son égide les groupes locaux ({{Lang}}), ceux de Zurich (qui en est le siège), de Vienne et de Berlin ; son but est de défendre la cohésion du mouvement psychanalytique. Une patiente de Jung avec qui ce dernier était passé à l'acte, Sabina Spielrein, le met sur la voie de la théorisation du transfert amoureux envers l'analyste, ainsi que du contre-transfert (de l'analyste envers le patient) et que Freud intègre à sa théorie. Alfred Adler

Lors de ses vacances aux Pays-Bas, en 1910, Freud analyse le compositeur Gustav Mahler, lors d'un après-midi de promenade à travers la ville. Freud voyage ensuite à Paris, Rome et Naples, en compagnie de Ferenczi. La psychanalyse naissante se heurte à sa première opposition d'importance : en octobre, répondant à l'appel d'Oppenheim, lors du Congrès de neurologie de Berlin, les médecins allemands d'Hambourg mettent à l'index la pratique psychanalytique au sein des sanatoriums locaux.

Dissensions

Freud publie {{citation étrangère}} (Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci) en 1910, dans lequel apparaissent pour la première fois les concepts de « narcissisme » et de « sublimation ». Il y examine aussi les raisons psychiques de la créativité. La même année, la psychanalyse est la cible de nouvelles critiques émanant de certains milieux médicaux. Par ailleurs, les premiers schismes en son sein se font jour. L'opposition de Freud à la théorie de Jung, qui devient, en 1914, la « psychologie analytique », l'occupe en effet ces années-là. Toujours en 1910, Freud, dans un texte intitulé « Le trouble psychogène de la vision dans la conception psychanalytique », formule pour la première fois un dualisme pulsionnel : les « pulsions sexuelles » y sont opposées aux « pulsions d'autoconservation ». Ce dualisme préfigure, dans le contexte de tension que connaît l'Europe avant la première Guerre mondiale, la mise à jour des pulsions de vie et de mort (qui interviendra en 1920).

En 1911, Freud écrit un texte connu sous le titre « Le Président Schreber » mais par la suite intitulé {{citation étrangère}} (Remarques psychanalytiques sur un cas de paranoïa (Dementia paranoïdes) décrit sous forme autobiographique). Freud y retrace l'analyse du juriste et homme politique Daniel Paul Schreber. Il publie aussi un court texte métapsychologique : {{citation étrangère}} (Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques) dans lequel il décrit le principe de plaisir et le principe de réalité.

Lettre de la brouille entre Freud et Carl Gustav Jung, en 1913

La direction des revues et des travaux théoriques de l'Association internationale de psychanalyse, celle des séminaires également, occupent Freud à cette période, d’autant que parmi ceux qui travaillent avec lui des rivalités se font jour ainsi que des dissensions théoriques qu'il combat lorsqu'elles remettent en question les rôles de la sexualité infantile et du complexe d'Œdipe comme le font celles de Jung, Adler et Rank. Ainsi, il refuse la mise en avant de l’agressivité par Alfred Adler, car il considère que cette introduction se fait au prix de la réduction de l’importance de la sexualité. Il refuse également l'hypothèse de l’inconscient collectif au détriment des pulsions du Moi et de l’inconscient individuel, et la non-exclusivité des pulsions sexuelles dans la libido que propose Carl Gustav Jung. En juin 1911, Alfred Adler quitte Freud le premier, pour fonder sa propre théorie. L'année suivante c'est au tour de Wilhelm Stekel, alors qu'en 1913, en septembre, Freud se brouille avec Carl Gustav Jung, pourtant annoncé comme son {{citation}}.

{{Congrès international de psychanalyse (1911)}}

En 1913, {{citation étrangère}} (Totem et Tabou) permet à Freud de présenter la portée sociale de la psychanalyse{{,}}. Secrètement, depuis 1912, sur l'idée d'Ernest Jones, Freud a réuni autour de lui un petit comité de fidèles partisans (Karl Abraham, Hans Sachs, Otto Rank, Sandor Ferenczi, Ernest Jones, Anton von Freund et Max Eitingon) sous le nom de {{citation étrangère}} (la « Cause ») et ce jusqu'en 1929. Chaque membre reçoit de Freud une intaille grecque de sa collection privée, qu'il porte sur un anneau d'or. Après la Première Guerre mondiale, en 1924, le mouvement psychanalytique freudien voit le départ d'Otto Rank et en 1929 celui de Sandor Ferenczi.

La seconde topique psychique

Pendant la guerre, Freud n'exerce que peu. En 1916, il rédige ses cours universitaires, rassemblés sous le titre de {{citation étrangère}} (Cours d'introduction à la psychanalyse, édité en français sous le titre Introduction à la psychanalyse). Le sort de ses fils, sur le front, le préoccupe. La guerre paralyse par ailleurs l'extension du mouvement psychanalytique ; en effet le congrès de Dresde, prévu en 1914, n'a pas lieu. En 1915, il se lance dans la rédaction d’une nouvelle description de l’appareil psychique dont il ne conserve cependant que quelques chapitres. Ce qu’il prépare est en fait une nouvelle conception de la topique psychique. La même année, il est proposé au prix Nobel par le médecin viennois Robert Bárány. Freud publie {{citation étrangère}} (Deuil et Mélancolie) en 1917. Helene Deutsch, Magnus Hirschfeld puis Sigmund Freud font état dans leurs écrits de femmes combattantes. En janvier 1920, il est nommé professeur ordinaire. À partir de 1920, et alors que le contexte politique et économique s’améliore, Freud publie tour à tour : {{citation étrangère}} (Au-delà du principe du plaisir, 1920), qui introduit à travers un nouveau dualisme pulsionnel, les pulsions agressives, nécessaires pour expliquer certains conflits intra-psychiques et {{citation étrangère}} (Psychologie des masses et analyse du Moi, 1921) qui ajoute à la problématique de Le Bon, les rapports entre psychisme individuel et comportements collectifs. Freud, durant ces années de guerre, travaille à une métapsychologie qui lui permette de décrire les processus inconscients sous un triple angle, à la fois dynamique (dans leurs relations entre eux), topique (dans leurs fonctions au sein de la psyché) et économique (dans leurs utilisations de la libido).

Sigmund Freud entouré de ses plus proches partisans (Sandor Ferenczi, Hanns Sachs (debout), Otto Rank, Karl Abraham, Max Eitingon, et Ernest Jones).

En 1920, Freud élabore la seconde topique de l'appareil psychique composée du Moi, du Ça et du Surmoi. Elle se superpose à la première (inconscient, préconscient, conscient). Le développement de la personnalité et la dynamique des conflits sont alors interprétés en tant que défenses du Moi contre des pulsions et des affects, plutôt que comme conflits de pulsions ; les pulsions en cause sont celles de la mort. L’ambivalence et la rage étaient perçues dans la première topique comme consécutives de la frustration et subordonnées à la sexualité. Freud complète ainsi sa théorie par un nouveau dualisme pulsionnel, composé de deux types de pulsions antagonistes : la pulsion de vie (l'Éros) et la pulsion de mort{{,}} (qu'il se retient toujours de nommer Thanatos). Plus fondamentales que les pulsions de vie, les pulsions de mort tendent à la réduction des tensions (retour à l’inorganique, répétition qui atténue la tension) et ne sont perceptibles que par leur projection au-dehors (paranoïa), leur intrication avec les pulsions libidinales (sadisme, masochisme) ou leur retournement contre le Moi (mélancolie). Freud défend par là une vision double de l'esprit.

Extension de la psychanalyse et dernières années (1920–1939)

Freud, chef de file de la psychanalyse

Pendant le conflit mondial, Freud peut mesurer les effets de la névrose traumatique chez son beau-fils et voir l'impact de cette pathologie dans une famille. Il a ainsi une connaissance directe de ces troubles et indirecte par des disciples qui côtoient la clinique de Julius Wagner-Jauregg comme Victor Tausk où qui y ont travaillé pendant la guerre comme Helene Deutsch. En octobre 1920, le professeur de médecine légale, Alexander Löffler, invite Freud à témoigner par un exposé devant une commission médico-légale sur les névroses de guerre et les pratiques de soins. Il s'oppose à Julius Wagner-Jauregg qui, lui, prétend que les patients atteints de névrose de guerre sont des simulateurs. Puis, du 8 au 11 septembre, se tient à La Haye le {{5e}} congrès de l'IPA, présidé par Ernest Jones. Freud y intervient en lisant {{citation étrangère}} (Suppléments à la théorie des rêves). D'autre part, la création d'un comité secret y est décidée, avec Jones comme coordinateur.

La psychanalyse se développe de manière importante en Grande-Bretagne et en Allemagne. Max Eitingon et Ernst Simmel créent en effet à Berlin une polyclinique psychanalytique alors que Hugh Crichton-Miller fonde la Tavistock Clinic à Londres.

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Freud et sa fille Anna en 1913.
La famille Freud
Mathilde Freud, mariée à Robert Hollitscher (1887-1978) sans enfant
Jean-Martin Freud, marié à Esti Drucker (1889-1967) 2 enfants (Walter Freud : 1921-2004 et Sophie Freud : née en 1924)
Oliver Freud, marié à Henny Fuchs (1891-1969) 1 enfant (Eva Freud : 1924-1944)
Ernst Freud, marié à Lucie Brasch (1892-1970) 3 enfants (Stephen Freud : né en 1921, Lucian Freud : 1922-2011 et Clement Freud : 1924-2009)
Sophie Freud, mariée à Max Halberstadt (1893-1920) 2 enfants (W. Ernest Freud : 1914-2008 et Heinz Halberstadt : 1918-1923)
Anna Freud (1895-1982) sans enfant

La première traduction d’un texte de Freud en France, Introduction à la psychanalyse, par Samuel Jankélévitch, est publiée en 1922. Le mouvement psychanalytique acquiert une clinique psychanalytique à Vienne, l’« Ambulatorium » (centre de soins ambulatoires), consacré au traitement des psychoses et dirigé par trois élèves de Freud (qui n'y participe que peu) : Helene Deutsch, Paul Federn et Eduard Hitschmann. En 1923, Freud apprend qu'il est atteint d'un cancer de la mâchoire, qui le fait souffrir tout le restant de sa vie. La même année il choisit de se soumettre à une vasectomie afin, espérait-il, de mieux lutter contre son cancer. Il écrit {{citation étrangère}} (Le Moi et le Ça) à un moment où le mouvement psychanalytique atteint une réputation internationale, notamment en Angleterre et aux États-Unis. Il songe à constituer une édition complète de ses écrits, les {{citation étrangère}} (« Écrits réunis »).

Le Congrès de Salzbourg, en 1924, se déroule en l’absence de Freud. La même année, Otto Rank quitte le mouvement. En Angleterre, les membres de la Société britannique de psychanalyse, fondée en 1919, créent l’{{citation étrangère}} qui ancre le mouvement psychanalytique en Europe.

L'année suivante, en 1925, Freud écrit {{citation étrangère}} (Inhibition, symptôme et angoisse) ainsi qu'une esquisse autobiographique. Le {{9e}} congrès de l’IPA à Bad-Homburg, en Allemagne, se tient du 2 au 5 septembre. Anna Freud y lit le texte de son père : {{citation étrangère}} (Quelques conséquences psychiques de la différence des sexes au niveau anatomique). Freud ne peut en effet plus voyager, en raison de sa maladie. Il rencontre en 1925 la princesse Marie Bonaparte, petite-nièce de Napoléon, qu'il prend en analyse et qui devient son amie. Plus tard, celle-ci traduit la majorité de ses textes en France.

Freud demeure le chef de file de la psychanalyse, dont il oriente l'évolution. Ses dernières réflexions écrites sont consacrées à étudier et renforcer la psychanalyse sur le plan théorique et clinique. Dans un article, {{citation étrangère}} (Psychanalyse et médecine), paru en 1925 dans son autobiographie « Selbstdarstellung » (Ma vie et la psychanalyse, traduit de Marie Bonaparte en 1930), il invite les non-praticiens à utiliser la psychanalyse. À ce sujet, Freud parle de psychanalyse {{citation}} ou {{citation}}. Il revient aussi sur l'évolution de sa pensée dans son autobiographie. En 1927, sa fille Anna publie {{citation étrangère}} (Introduction à la psychologie des enfants, texte lu et approuvé par son père).

Dans les dernières années de sa vie, Freud essaye d’extrapoler les concepts psychanalytiques à la compréhension de l’anthropologie et de la culture. Sa vision pessimiste de l'espèce humaine s'exacerbe, notamment après la dissolution du comité secret formé par Ernest Jones, à la suite de querelles d'héritage, des jalousies et des rivalités internes. Il rédige donc un certain nombre de textes dans ce sens, en particulier sur la religion comme illusion ou névrose. En 1927, il publie {{citation étrangère}} (L'Avenir d'une illusion), qui porte sur la religion d'un point de vue psychanalytique et matérialiste. En 1930, il publie {{citation étrangère}} (Malaise dans la civilisation) dans lequel Freud décrit un processus de civilisation qui est une reproduction à plus large échelle du processus d'évolution psychique individuel.

Derniers travaux, exil et mort

Ne se considérant pas comme un écrivain, Freud est surpris d'obtenir le prix Goethe de la ville de Francfort, en août 1930. Puis, il retourne l'année suivante dans sa ville natale de Freiberg pour une cérémonie en son honneur. Dans une lettre du 3 janvier, l'écrivain Thomas Mann s'excuse auprès de Freud pour avoir mis du temps à comprendre l'intérêt de la psychanalyse. En 1932, Freud travaille à un ouvrage de synthèse présentant des conférences devant un public imaginaire, {{citation étrangère}} (Nouvelle introduction à la psychanalyse). La même année, il publie, en collaboration avec le physicien Albert Einstein, leur pensée sur la guerre et la civilisation, issue de leur correspondance, dans un essai intitulé {{citation étrangère}} (Pourquoi la guerre ?). À Vienne, Thomas Mann, prononce le 8 mai 1936 un éloge et un soutien public à Freud (intitulé « {{lang}} » : « Freud et l’avenir ») où il explique : {{Citation}}, justifiant par ce discours la remise du prix Goethe de Francfort à l'inventeur de la psychanalyse. Freud et Thomas Mann se sont liés d’amitié depuis la publication par l'écrivain de Freud et la pensée moderne (1929) et Chevalier entre la mort et le diable (1931). À propos du dernier ouvrage de Freud, {{citation étrangère}} (Moïse et le monothéisme, 1936), Jacques Le Rider explique qu'il {{Citation}}.

En mai 1933, les ouvrages de Freud sont brûlés en Allemagne lors des autodafés nazis. Il refuse de s'exiler jusqu'en mars 1938, lorsque les Allemands entrent à Vienne (Anschluss, le 12 mars). La Société psychanalytique de Vienne décide alors que chaque analyste juif doit quitter le pays, et que le siège de l'organisation doit être transféré là où réside Freud. Ce dernier décide finalement de s'exiler lorsque sa fille Anna est arrêtée le 22 mars, pour une journée, par la Gestapo. Grâce à l'intervention de l'ambassadeur américain William C. Bullitt et à une nouvelle rançon versée par Marie Bonaparte, Freud obtient un visa valable pour seize personnes et peut quitter Vienne par l’Orient-Express avec sa femme, sa fille Anna et la domestique Paula Fichtl, le 4 juin. Au moment de partir, il signe une déclaration attestant qu'il n'a pas été maltraité: {{citation}} Selon son fils Martin, il aurait ajouté, ironique : {{citation}}. Pour Michel Onfray, ceci relève du {{citation}} et de la légende hagiographique. Pour sortir d'Autriche, Freud aura bénéficié en outre du soutien d'Anton Sauerwald, le commissaire nazi chargé de prendre le contrôle de sa personne et de ses biens : ancien élève de {{lien}}, un professeur et ami de Freud, Sauerwald facilitera le départ de Freud et de ses proches pour Londres, où il ira d'ailleurs ensuite le visiter. Des rumeurs sont nées sur la liste soumise par Freud concernant les seize personnes qu'il était autorisé à faire sortir d'Autriche, car il y avait inscrit les noms de son médecin et de sa famille, de ses infirmières, de sa servante et même son chien alors que n'y figuraient pas ses quatre sœurs, Rosa, Marie, Adolfina et Paula qui finiront déportées et tuées en camp de concentration, mais ce sont ces dernières, trop âgées, qui ne voulaient pas partir, pensant être protégées par leur âge des nazis.

Le Freud Museum de Londres aujourd'hui

La famille Freud gagne d'abord Paris, où Freud est accueilli par la princesse Bonaparte de son mari, puis Londres, où elle est reçue avec tous les honneurs, notamment par l'ambassadeur américain William Bullit, que Freud connaît depuis quelques années déjà, lorsque les deux hommes avaient travaillé ensemble à une étude sur le président américain Woodrow Wilson intitulée {{citation étrangère}} (publiée en 1966). Freud et sa famille s'installent dans une maison au {{lang}}. Il est nommé membre de la Société royale de médecine. Freud reçoit la nomination chez lui, ne pouvant se déplacer, abattu par son cancer et par trente-deux opérations et traitements successifs.

Freud meurt dans sa maison de Londres à Hampstead le {{date}}, à {{unité}} du matin, d’un carcinome verruqueux d’Ackerman, à l'âge de 83 ans. À sa demande, et avec l’accord d’Anna Freud, Max Schur, son médecin personnel, lui a injecté une forte dose, sans doute mortelle, de morphine. Son corps est par la suite incinéré au cimetière de {{lang}} et les derniers hommages lui sont rendus par Ernest Jones, au nom de l'Association psychanalytique internationale, et par l'écrivain Stefan Zweig, le 26 septembre. Après la mort d'Anna Freud, en 1982, la maison des Freud de {{Lang}} devient le {{lang}}. En 2002, une {{Lang}} fut apposée sur le musée.

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