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Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski est le second fils de Mikhaïl Andréiévitch Dostoïevski, médecin militaire à l'hôpital des Indigents de Moscou et de Maria Fiodorovna Netchaïev. Le père, alcoolique, est d'humeur morose et fait régner une atmosphère insupportable à la maison ; selon l'écrivain : {{citation}} En 1827, Mikhaïl Andréiévitch est nommé « assesseur de collège » et obtient ainsi un titre de noblesse héréditaire. Il fait l'acquisition de deux villages, Darovoié et Tchermachnia, en 1831. En 1832, les deux hameaux sont détruits par un incendie. Après la mort de la mère, le 27 février 1837, la tante maternelle, Alexandra, joue un grand rôle dans la vie de la famille.
Il lit avec ferveur Shakespeare, Goethe, Victor Hugo et surtout Schiller, auteur déterminant dans sa vocation d'écrivain : {{citation}}
À l'initiative de son père, qui y voyait probablement les avantages d'un écolage pris en charge par l'État, Fiodor intègre une formation militaire, alors qu'il n'a ni don ni goût pour la vie de soldat. Après en avoir réussi l'examen d'entrée, Fiodor intègre l'École supérieure des Ingénieurs militaires de Saint-Pétersbourg en 1838. Tant bien que mal, il effectue sa scolarité dans l'indigence, n'ayant parfois pas de quoi se nourrir, car son oncle (qui l'accueille) refuse de lui envoyer suffisamment d'argent. C'est un élève taciturne, au regard mystérieusement mélancolique, qui ne s'intègre pas bien à l'école. Il méprise le matérialisme et le carriérisme de ses camarades.
Selon une rumeur forgée par un riche voisin, P.P. Hotjaïncev, qui lorgnait les terres du village de Darovoié, Mikhaïl Dostoïevski aurait été tué le 8 juin 1839 par les serfs de Darovoié, excédés par les mauvais traitements que leur faisait subir leur maître. En réalité, il meurt victime d'une crise d'apoplexie, comme le confirme son autopsie. Selon la tradition familiale, la nouvelle de la mort de son père tué par ses serfs est l'occasion d'une crise nerveuse, qui pourrait bien être une première crise d'épilepsie. Cette légende familiale, renforcée par le diagnostic de Freud selon lequel cette attaque épileptique était « une autopunition pour le souhait de mort contre le père haï », {{par qui}}, Dostoïevski ayant probablement eu sa première crise d'épilepsie en 1850 à Omsk{{,}}.
En 1842, Fiodor Dostoïevski est nommé sous-lieutenant et entre en tant que dessinateur au département des plans de campagne de la direction du Génie à Saint-Pétersbourg, emploi qui l'ennuie profondément.
À 22 ans, pendant l'été 1844, il démissionne pour se consacrer à son premier roman, Les Pauvres Gens. Porté aux nues par le poète Nikolaï Nekrassov et l'influent critique Vissarion Belinski, le roman est publié en janvier 1846 et connaît un succès public certain. Dostoïevski se retrouve alors propulsé au rang de « nouveau Gogol » et se pavane dans les cercles mondains de Saint-Pétersbourg. Bientôt, l'élite commence à railler son manque de tenue, son air abattu. Ivan Tourgueniev publie une satire en vers, où il le qualifie de {{Citation}} et d'{{Citation}}{{,}}. C'est lors d'une de ces soirées que l'écrivain connaît vraisemblablement une première crise d'épilepsie (non diagnostiquée comme telle). Sa disgrâce est accélérée par la publication de ses romans suivants, Le Double et La Logeuse, qui ne rencontrent pas le succès escompté.
Depuis décembre 1846 ou janvier 1847, il fréquente le cercle fouriériste de Mikhaïl Petrachevski, un fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères, qui combat l'absolutisme de Nicolas {{Ier}}. Il n'adhère pas à un système en particulier (ses opinions se seraient progressivement orientées vers un mysticisme slavophile), mais cherche à maintenir une présence dans les milieux intellectuels progressistes pétersbourgeois. Il ne fréquente pas ces cercles pour fomenter de réelles actions révolutionnaires, mais pour discuter d'idées nouvelles et surtout parler de l'avenir de la Russie. Cette même année, il fait sa première crise d'épilepsie, à 26 ans.
En avril 1849, les membres du cercle de Petrachevski sont arrêtés ; Dostoïevski est emprisonné à la forteresse Pierre-et-Paul. L'empereur Nicolas {{Ier}} voit resurgir le spectre de l'insurrection décabriste, un complot qui s'était propagé dans l'armée et avait abouti à la sanglante émeute du {{date}}. Mikhaïl Dostoïevski est également brièvement arrêté. Après une instruction de plusieurs mois, un procès, une condamnation à mort et un simulacre d'exécution sur la place Semenovski le {{date}}, l'empereur graciant les prisonniers à l'instant même où ils allaient être fusillés, la condamnation à mort est commuée en exil de plusieurs années et la peine en déportation dans un bagne de Sibérie. Fiodor Dostoïevski voit sa peine commuée en quatre ans de travaux forcés et à devoir ensuite servir comme simple soldat.
Le condamné Dostoïevski est mis aux fers. Le convoi part pour la Sibérie le jour de Noël et passe par Tver, Nijni Novgorod, Kazan, Perm et enfin Tobolsk, où il arrive le 9 janvier 1850. Dostoïevski dissuade un de ses compagnons d'infortune de se suicider. À Tobolsk, les prisonniers reçoivent la visite de plusieurs femmes des décabristes condamnés en 1826 qui avaient accompagné leur maris en exil. Nathalie Fonvizine remet à Dostoïevski une bible dont il ne se séparera jamais.
Le 23 janvier 1850, Dostoïevski arrive à Omsk (Souvenirs de la maison des morts). En sa qualité de noble, certaines punitions et certains mauvais traitements lui sont épargnés, ce qui lui vaut d'être détesté par les autres détenus. Les punitions corporelles lui sont épargnées sur l'intervention de M. de Grave, un officier d'origine française ; le médecin du camp le prend en sympathie et lui accorde des séjours à l'infirmerie.
Dans les baraquements, il partage sa vie avec des forçats de droit commun. Il écrit dans sa correspondance : {{citation}}. L'intellectuel de salon qu'il était commence alors son évolution : {{citation}} Il rencontre au bagne {{Citation}}, et se rapproche ainsi du « peuple russe » orthodoxe, rapprochement qui nourrira plus tard son slavophilisme.
Durant sa captivité, Dostoïevski tente d'obtenir qu'on lui épargne les fers. Ses vaines demandes déclenchent l'ironie à Pétersbourg, où l'on raille la faiblesse du « révolutionnaire » Dostoïevski, demandant la grâce de l'empereur qu'il voulait abattre...
Cette période déterminante trouve échos dans plusieurs passages importants de ses livres, dont l'épilogue de Crime et Châtiment.
Sa peine se termine le 23 janvier 1854 et il est affecté comme simple soldat dans un régiment de Semipalatinsk en Sibérie. Après deux mois de vie de caserne, Dostoïevski obtient le privilège rarissime de pouvoir habiter en ville. Il fréquente les notable locaux et y fait la connaissance d'un petit fonctionnaire, Alexandre Ivanovich Issaïev, et de sa jeune épouse poitrinaire, Maria Dimitrievna. Trompé par l'intérêt charitable et sans doute purement mondain que lui porte la jeune femme qu'il prend aussitôt pour de l'amour, Dostoïevski tente de la faire quitter son mari et l'épouser. Sa condition de banni ne joue pas en sa faveur, l'écrivain entreprend alors toutes sortes de démarches auprès de l'empereur en vue d'obtenir une grâce (la guerre de Crimée vient de commencer). Les milieux littéraires pétersbourgeois se moquent de l'obséquiosité du « révolutionnaire » Dostoïevski.
Cependant, la situation personnelle de Dostoïevski s'améliore grandement avec la nomination du baron Wrangel comme procureur de Semipalatinsk. Son ode sur le couronnement lui vaut d'être promu, le {{Date}}, aspirant, premier grade d'officier. Les frasques d'Alexandre Ivanovich Issaïev ont conduit sa famille dans la pauvreté, et Dostoiëvski cherche à leur venir en aide. Il parvient à faire nommer Alexandre Ivanovitch comme inspecteur des débits de boissons à mille kilomètres de Semipalatinsk. Mais la situation amoureuse de l'écrivain ne s'améliore pas malgré la mort de l'encombrant mari, car un autre homme dispute les faveurs de Maria Dimitrievna .
Après de nombreuses atermoiements de sa « fiancée », Dostoïevski épouse enfin Maria Dmitrievna Issaïeva le 15 février 1857. En avril 1857, Dostoïevski est rétabli dans ses titres de noblesse et obtient à nouveau le droit de publier librement. Il recommence à écrire : les Souvenirs de la maison des morts, récit romancé de sa vie au bagne, puis un roman plus léger - car il redoute toujours la censure -, Le Bourg de Stépantchikovo et sa population.
En 1859, il obtient sa retraite comme sous-lieutenant et l’autorisation de rentrer vivre à Saint-Pétersbourg, sous la surveillance de la police secrète. Il renoue alors avec les libéraux et fonde avec son frère Mikhaïl une revue modérée et nationaliste, Le Temps, où paraît notamment Souvenirs de la maison des morts. Cette revue est interdite en 1863, car un article publié, à propos de l'insurrection polonaise, est jugé trop contestataire par la censure. Pour la remplacer, les deux frères fondent la revue L'Époque, mais qui rencontre moins de succès. L'arrivée au pouvoir du nouvel empereur Alexandre II en 1855 a amené de nombreuses réformes en Russie : ainsi, le servage est aboli en 1861. Malgré ces ouvertures politiques, on assiste assez vite à l'émergence de mouvements révolutionnaires violents, ce qui inquiète beaucoup Dostoïevski. Il commence déjà à polémiquer de plus en plus sévèrement avec les socialistes qui considèrent l'homme comme raisonnablement et « fondamentalement bon » et que la science conduit obligatoirement vers la lumière. Dostoïevski raille sa {{citation}}.
Dostoïevski en 1863. En 1862, il voyage pour la première fois en Europe occidentale, où il rencontre Apollinaria Souslova, qui devient sa maîtresse.
Sa femme Maria puis son frère Mikhaïl meurent en 1864. Il commence Les Carnets du sous-sol alors qu'il veille le corps de sa femme défunte. Cette longue nouvelle sert de « laboratoire aux grands romans »: en réponse au roman Que faire ? du révolutionnaire Nikolaï Tchernychevski, il y développe une réflexion théologique sur la place de l'homme moderne et les limites de sa liberté dans la Création.
Il revoit la jeune Apollinaria Souslova, qui refuse sa demande en mariage. Il épouse sa sténographe, la jeune Anna Grigorievna Snitkine, en février 1867. Il est malade, couvert de dettes et doit fournir de quoi vivre à la veuve et aux enfants de son frère qu'il a adoptés. Au printemps 1867, pour échapper à ses créanciers, il voyage en Allemagne, en Suisse (il séjourne à Genève, où il vit la naissance puis la mort quelques semaines plus tard de sa fille) et en Italie (Milan, Florence), désespéré, tente une nouvelle fois sa chance à la roulette. On trouve des échos de sa passion maladive du jeu dans Le Joueur (1866) et L'Adolescent (1875). Il publie en parallèle son Journal d'un écrivain.
Ces années d'errance et de troubles marquent profondément Dostoïevski. Son aversion pour l'Europe et la démocratie grandit. Selon Dostoïevski, l'égalité démocratique n'efface pas la violence des rapports humains mais l'exacerbe au contraire. En outre, en détruisant Dieu et la monarchie, l'homme crée selon lui un monde dominé par le matérialisme, l'individualisme et l'égoïsme. Sa pensée le conduit alors à revenir dans le giron de l'Église orthodoxe et à développer sous forme de roman une philosophie religieuse orthodoxe.
Il s'oppose à la démocratie bourgeoise parce qu'elle donne une place trop importante à l'argent. Il admire en revanche la liberté de la presse, lui qui a souffert de la censure en Russie. De son incarcération en 1849, jusqu'à la publication de Les Frères Karamazov en 1879, Dostoïevski se trouve placé sous la surveillance des services secrets de l'empereur qui révisent son courrier, surveillent ses relations et contrôlent ses bagages aux frontières, et même au-delà.
Politiquement, d'abord fervent occidentaliste, il devient nationaliste et presque chauvin. Il aime le peuple russe avec passion et hait profondément les usuriers qui saignent les pauvres gens. Crime et Châtiment s'ouvre d'ailleurs sur l'assassinat d'une prêteuse sur gage par un étudiant pauvre, et dépeint longuement les milieux très pauvres de Saint-Pétersbourg et les ravages que l'alcoolisme y produit.
Portrait par Vassili Perov (1872)
Grâce à l'esprit pratique et à la volonté de son épouse, la situation du ménage s'améliore considérablement. Dostoïevski finit par renoncer au jeu. Son roman Les Démons est inspiré d'un fait divers tragique : l'assassinat par les siens d'un des membres du groupe révolutionnaire de Serge Netchaïev.
Son œuvre romanesque s'achève par Les Frères Karamazov, qu'il publie à l'âge de 59 ans. Cette œuvre incarne l'apogée de Dostoïevski. Le roman synthétise ses deux plus grands thèmes de réflexion : la force irrationnelle de la passion et l'existence de Dieu. Ce livre connaît un succès immense et assoit la place de Dostoïevski parmi les grands écrivains russes. En 1880, son Discours sur Pouchkine, où il évoque sa vision sur le rôle de la Russie dans le monde, fait de lui un héros national acclamé tant par la jeunesse, les femmes russes que par ses anciens ennemis (Ivan Tourgueniev au premier rang).
Ses dernières années restent marquées par des discours enflammés sur l'âme et le peuple russes ainsi que sur la supériorité du « génie russe » sur les autres nations. Il attribue un rôle messianique au peuple russe, seul peuple capable de comprendre tous les autres et d'avoir ses spécificités nationales. Selon lui, le peuple russe a pour mission d'apporter le bonheur à l'humanité.
À la fin de sa vie, Dostoïevski est devenu un fervent croyant et a abandonné l'agnosticisme de ses premières années.
Il succombe à une hémorragie le {{date}}. Ses obsèques nationales ont lieu le {{date}} et sont suivies par trente mille personnes{{,}}. Il est enterré au cimetière Tikhvine à Saint-Pétersbourg.