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Quand nait celle qui prendra à vingt cinq ans le pseudonyme de Virginie Despentes, ses parents ont vingt et dix neuf ans. Postiers engagés dans le syndicat CGT, ils participent aux manifestations avec leur fille. À deux ans, elle chante déjà L'Internationale.
Sa mère lui achète les Fantômette de la Bibliothèque rose mais ce sont les subversifs Reiser et Wolinski qu'elle aime lire en cachette. À l'école primaire, elle exaspère ses maîtres par des bagarres incessantes avec les garçons, qu'elle dépasse tous en taille. En grandissant, c'est Marylin Monroe, image de la fragilité féminine, qu'elle se choisit comme idole mais qu'en devenant adolescente, elle renie.
À l'écart des autres élèves de son collège, qui la surnomment pour cette raison « Bulle », elle se fait élire et réélire chaque année déléguée de classe après que son père, qui s'est présenté sous l'étiquette du Parti socialiste, a perdu l’élection municipale de Jarville. Elle échoue toutefois à mobiliser les élèves contre les professeurs dont elle juge l'enseignement réactionnaire et à les entraîner dans des grèves.
Elle découvre l'écriture auprès d'un professeur de français original, amateur du poète compositeur Hubert-Félix Thiéfaine et du groupe de rock post-punk Joy Division. Il lui enseigne que la littérature est une chose cruciale : {{citation}}.
À quinze ans, elle est internée contre son gré en hôpital psychiatrique pendant un peu plus de deux mois. La psychothérapie, en dépit de la sollicitude bienveillante ressentie par la patiente, se heurte à la violence de l'institution et reste un échec que suivent une déscolarisation et une errance à travers les préfectures de France au cours de laquelle l'adolescente est arrêtée de très nombreuses fois par la police.
À dix-sept ans, en faisant du stop, au retour d'un voyage à Londres, elle est victime d'un viol, qui fera en 2006 la matière d'un chapitre de son ouvrage King Kong Théorie . Face à ce traumatisme, elle s'installe dans le déni et répond systématiquement aux psychothérapeutes avec lesquels le lien n'est pas rompu {{Citation}}. Ce rejet du ravalement de la condition de femme fera le ressort du personnage de Manu dans son premier roman, Baise-moi. Ce n'est que vingt ans plus tard qu'elle reconnaitra à propos de ce viol qu'{{Citation}}
Tout en travaillant comme femme de ménage à Longwy, elle passe son baccalauréat en candidate libre, et n'a pas encore dix huit ans quand elle s'inscrit à Lyon dans une école de cinéma, qui deviendra deux ans plus tard l'ARFIS.
Hébergée dans un foyer de La Croix-Rousse mais seule, elle sombre dans un alcoolisme à la bière tout en s'enivrant de la lecture de Bukowski. Elle multiplie les petits boulots, baby sitter, superviseuse pour un réseau Minitel, employée chez Auchan, vendeuse chez un disquaire, puis pigiste pour journaux rocks.... Adepte du groupe de rock alternatif Bérurier noir, elle en fréquente le milieu, celui des Punks et des Autonomes. Le manque d'argent l'amène à « la prostitution volontaire et occasionnelle » via le Minitel rose, dans des « salons de massage » et des peep shows.
En 1992, elle souffre d'un grave eczéma généralisé et se refugie dans la maison que ses parents lui abandonnent pour les vacances. En un mois, elle y écrit le roman de sa vie, Baise moi. À l'automne, la jeune fille rejoint un squat parisien et mène une vie de chef de bandes, de manifestations et de violence. Son manuscrit, des copies, circule dans le milieu post-punk mais il sera refusé par neufs maisons d'édition et même par ceux des libraires qui proposent des ouvrages en dépôt. Son style trash déplait et effraie les professionnels.
En 1993, Virginie Despentes travaille à Paris comme critique de films pornographiques pour un magazine spécialisé et partage le logement d'Ann Scott, autre aspirant écrivain. Les deux jeunes femmes se soutiennent dans leurs ambitions littéraires. À l'occasion, pour vivre, l'une fait le mannequin quand l'autre continue de se prostituer. Elles fréquentent la discothèque Le Pulp, dont le disc jockey, Sextoy, est la maîtresse d'Ann Scott, et son milieu lesbiens et transsexuels.
En 1994, Virginie Despentes est vendeuse au rayon librairie du Virgin Megastore des Champs-Élysées et a perdu son propre manuscrit de Baise-moi, renoncé à sa carrière littéraire, lorsqu'un ami, à son insu, en présente une copie à Florent Massot, un éditeur de rares albums qui témoignent de la contre-culture des banlieues. Celui-ci prend le risque de publier pour la première fois un roman, à mille puis deux mille exemplaires. La diffusion ne dépasse pas dans un premier temps le réseau underground du rock alternatif, des fanzines, des squats.
La punkette ne se décourage pas et, désormais attachée à sa condition de salariée, reste résolue à changer de vie. Pour effacer son passé compromettant, elle choisit un nom de plume. Celui-ci fait {{Citation}}, où elle a vécu sa vie de prostituée occasionnelle. Elle adresse son livre à dix personnes choisies.
Au cours d'une intimité de trois jours dans une chambre d'hôtel de Belleville, elle le présente à une de ses idoles, Patrick Eudeline. La chronique qu'en tire le rocker, incrédule, choqué et fasciné, parvient à Thierry Ardisson, qui en fait la promotion dans sa nouvelle émission Paris Dernière diffusée sur la chaîne du câble Paris Première. Les ventes montent à quarante mille exemplaires. À sa suite, le journaliste Laurent Chalumeau fait de même dans l'émission Nulle part ailleurs de Canal+, première chaine de télévision française à diffuser régulièrement des films pornographiques. Baise-moi devient un {{Citation}}. Les ventes passeront à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires.
Au succès et à une critique gênée, qui tantôt en fait {{Citation}}, tantôt jette un voile pudique sur son passé, Virginie Despentes, provocatrice, répond sans fard, {{Citation}}, qu'elle a été pute.
En 1996, Florent Massot publie son deuxième roman. Les Chiennes savantes est, sous la forme d'un roman policier, un portrait noir d'une certaine condition féminine de la France postmoderne, antithèse des « femmes savantes ». Quand la faillite de Florent Massot engloutit la fortune accumulée par Baise moi, elle est approchée par les éditions Grasset.
Elle y publie en 1998 son troisième roman. Les Jolies Choses, « remake grunge des Illusions perdues » écrit {{citation}} reçoit le prix de Flore 1998 et le prix littéraire Saint-Valentin 1999. Son adaptation cinématographique réalisée par Gilles Paquet-Brenner, Marion Cotillard et Stomy Bugsy jouant les rôles principaux, recevra en 2001 le prix Michel-d'Ornano lors du festival de Deauville.
En 1999, Librio publie Mordre au travers, un recueil de nouvelles subversives, pour la plupart inédites. La quatrième de couverture avertit que l'{{citation}}. En 1997, Despentes avait déjà publié une nouvelle, « C'est dehors, c'est la nuit », dans un recueil collectif, Dix, édité sous la direction du magazine Les Inrockuptibles.
Virginie Despentes porte depuis des années le projet de faire de son roman Baise moi un film. Elle veut permettre à des amies hardeuses d'y jouer sans scènes de sexe et par là de faire reconnaître leur talents d'actrices.
En 2000, Philippe Godeau, fondateur d'avant garde de la société Pan-Européenne formé chez Gaumont, accepte de la produire à condition que la caméra, comme dans les films pornographiques, soit portée à l'épaule, que les scènes de sexe du roman ne soient pas autocensurées et que celles-ci ne soient pas simulées. Pour l'aider dans la réalisation, l'ancienne élève de l'école cinématographique de Lyon fait appel à Coralie Trinh Thi, actrice pornographique de vingt cinq ans qui a reçu le Hot d'or 1996 et a la singularité d'{{Citation}}. Les rôles sont confiés à Karen Lancaume et Raphaëla Anderson.
Le film sort dans soixante salles de France en juillet 2000. La critique cinématographique est scandalisée par l'outrance du propos, lequel paraissait acceptable tant qu'il n'était pas mis en images. Les associations féministes, les milieux catholiques conservateurs, les militants d'extrême droite, relayés par une tribune du Nouvel Observateur intitulée « Sexe, violence, le droit d’interdire », obtiennent après trois jours d'exploitation l'interdiction immédiate.
Par une interprétation ad hoc, qui reconnaît aux auteurs du film leur intention de dénoncer la violence subies par les femmes mais constate la lecture pornographique qui en est faite par le spectateur, le Conseil d’État annule le visa d'exploitation. Cette « jurisprudence Baise moi » rétablit la censure pour les « moins de dix huit ans », restée inutilisée depuis 1981, quand les films pornographiques n'ont plus été interdits qu'au moins de seize ans, âge de la majorité sexuelle. L'arrêt soulève une ample polémique mais restera en vigueur et sera utilisé quinze fois.
Écrivain désormais reconnu, Virginie Despentes veut s'évader du rôle caricatural de provocatrice dans lequel le scandale l'a enfermée. Deux ans passés, elle en prend le contre pied en donnant un quatrième roman, Teen Spirit. Elle y aborde les thèmes optimistes de la réussite sociale, tel que la paternité. La même année, elle publie en collaboration avec Nora Hamdi, au Diable Vauvert, un roman graphique, Trois étoiles, sorte de manga sur la violence physique et sociale faite aux femmes.
Pour ce même éditeur, elle traduit deux textes anglais : Plastic Jesus de Poppy Z. Brite et Mort aux Ramones (Poison Heart: Surviving the Ramones), autobiographie de Dee Dee Ramone, un ancien membre du groupe Ramones. Le groupe de rock Placebo la sollicite en 2003 pour traduire en français un titre de leur album Sleeping with Ghosts : Protect Me from What I Want, qui devient Protège-moi.
En 2004, elle participe au deuxième numéro intitulé « Toujours aussi pute » de la revue Bordel que publie Flammarion. Elle rédige pour le magazine Rock & Folk une biographie de Lemmy Kilmister, musicien du groupe Motörhead, et publie Bye Bye Blondie, roman de l'aliénation, de la douleur qu'est l'exclusion sociale, du renoncement de soi que suppose la réussite sociale. De 2004 à 2005, Virginie Despentes tient un blog sur lequel elle poste chaque jour un billet d'humeur. Le blog est piraté en 2005, ce qui entraîne sa fermeture.
Après avoir vécu avec le dirigeant du magazine Rock & Folk Philippe Manœuvre, Virginie Despentes est, comme elle le déclarera en forme de coming out, {{citation}}. Elle devient la compagne de la philosophe Beatriz Preciado, théoricienne et adepte de la déconstruction du sexe. Elle expliquera à propos de leur relation, qui durera dix ans, jusqu'en 2014, et de son propre changement d'orientation sexuelle : {{citation bloc}}
En 2005, elle rédige trois titres pour l'album Va chercher la police du groupe A.S. Dragon, ainsi que deux préfaces, l'une pour Roland Cros et son ouvrage sur le groupe Bérurier Noir et l'autre pour J'assume de Nina Roberts, actrice pornographique. En 2006, elle réalise le clip de la chanson Mauvaise étoile pour Patrick Eudeline.
Cette même année 2006 parait King Kong Théorie, livre par lequel elle aborde le genre proprement autobiographique, mais sous la forme d'un essai. L'œuvre est présentée comme un « manifeste pour un nouveau féminisme ». Le magazine féministe belge Axelle organise auprès des lecteurs une collecte de leurs réactions.
Après un silence relatif de trois années passées dans l'anonymat à Barcelone auprès de Paul B. Preciado, Virginie Despentes prend un appartement en lisière du parc des Buttes Chaumont et revient au premier plan de la scène littéraire française en produisant une suite d'œuvres qui, à travers la peinture d'un « malaise de la société », ne cessent de déranger.
En 2009, elle réalise son premier documentaire, Mutantes (Féminisme Porno Punk), diffusé sur Pink TV et édité l'année suivante en DVD chez Blaq Out. Elle écrit également une nouvelle sur l'érotisme féminin pour le magazine Psychologies.
2010 marque son retour au roman : elle publie Apocalypse bébé, toujours chez Grasset. Le roman reçoit le prix Trop Virilo le {{date-}} et le prix Renaudot le {{date-}}. Le Diable Vauvert édite aussi une nouvelle traduction établie par Virginie Despentes : Déséquilibres synthétique de l'anglais Will Work for Drugs de Lydia Lunch. La même année, Cécile Backès et Salima Boutebal proposent une adaptation théâtrale de King Kong Théorie, durant le « Off » du Festival d'Avignon.
Elle réalise l'adaptation cinématographique de Bye Bye Blondie avec Béatrice Dalle et Emmanuelle Béart, qui sort en mars 2012.
En 2015, elle entame la publication de la série « Vernon Subutex », composée de trois volumes qui paraissent en janvier 2015 (Vernon Subutex, 1), juin 2015 (Vernon Subutex, 2) et janvier 2016 (Vernon Subutex, 3).
Le 5 juin 2015, elle devient membre du jury du prix Femina.
Le 30 novembre 2015, elle est parmi les signataires de lAppel des 58 : « Nous manifesterons pendant l'état d'urgence »{{,}}.
Le 5 janvier 2016, elle est élue à l'Académie Goncourt.