Contents |
Henri Grouès est né à Lyon ({{IVe}}) dans une famille bourgeoise aisée et pieuse de négociants en soie lyonnais, originaire, du côté paternel, du hameau de Fouillouse à Saint-Paul-sur-Ubaye (son père y est négociant, son grand-père marchand toilier et son arrière-grand-père propriétaire-cultivateur-colporteur), et de Tarare dans le Rhône du côté maternel. Il est le cinquième de huit enfants. Il a été baptisé à l'église Saint-Eucher, dans le {{4e}} de Lyon. Il passe son enfance à Irigny, une commune au sud-ouest de Lyon. À 12 ans, il accompagne son père à la confrérie séculaire des Hospitaliers veilleurs, où les bourgeois se font coiffeurs barbiers pour les pauvres.
Élève à l'internat Saint-Joseph (actuel lycée Saint-Marc), il fait partie des scouts de France, dans lesquels il fut totémisé « Castor méditatif ». Il connaît de son propre aveu une série d'illuminations : en 1928 à 16 ans, à l'occasion d'un pèlerinage à Rome, il est frappé d'un « coup de foudre avec Dieu » selon ses propres mots, à la suite duquel il veut entrer dans les ordres franciscains, cependant il devra attendre d'avoir 17 ans et demi.
En 1931, il fait profession chez les capucins où il prononce ses vœux. Il renonce cette année-là à sa part du patrimoine familial, et donne tout ce qu’il possède à des œuvres caritatives. En religion, Henri Grouès devient frère Philippe. En 1932, il entre sous le nom de frère Philippe au couvent des Capucins de Crest (Drôme), où il passe sept années d’austérité religieuse.
Le samedi 18 décembre 1937, il est ordonné diacre par monseigneur Camille Pic, évêque de Valence (Drôme) dans la chapelle du Grand Séminaire, 75 rue Montplaisir, qui abrite aujourd’hui le lycée privé catholique Montplaisir.
Il est ordonné prêtre le {{date}} en la chapelle du lycée Saint-Marc, en même temps que le jésuite Jean Daniélou, futur cardinal. En accord avec ses supérieurs, il quitte le couvent le {{date}} à cause de sa santé fragile. Le cardinal Gerlier l'invite alors à intégrer le diocèse de Grenoble où il est incardiné le {{date}} et nommé le 14 mai suivant vicaire à la basilique Saint-Joseph de Grenoble par l'évêque {{Mgr}} Caillot.
Il est mobilisé comme sous-officier dans le régiment du train des équipages, en {{date}}, au début de la Seconde Guerre mondiale.
Selon sa biographie officielle issue des archives officielles du ministère de la Défense nationale, « vicaire à la cathédrale Notre-Dame de Grenoble, il recueille des enfants juifs dont les familles ont été arrêtées lors des rafles des Juifs étrangers en zone Sud, en août 1942 ».
En novembre 1943 il fait passer en Suisse le plus jeune frère du général de Gaulle, Jacques, ainsi que son épouse qu’il confie au réseau de l’abbé Marius Jolivet, curé de Collonges-sous-Salève. Il participe à la création de maquis dont il est un des leaders dans le massif du Vercors et le massif de la Chartreuse. C’est à cette époque qu’il rencontre Lucie Coutaz, qui le cache sous un faux nom, et restera sa secrétaire particulière jusqu’à sa mort en 1982. Elle est considérée comme la cofondatrice du Mouvement Emmaüs.
Il aide les réfractaires au service du travail obligatoire (STO). Il prend le nom d’abbé Pierre dans la clandestinité. En 1944, il est arrêté par l’armée allemande à Cambo-les-Bains, dans les Pyrénées-Atlantiques, mais est relâché et passe en Espagne puis rejoint via Gibraltar le général de Gaulle à Alger en Algérie. Il devient aumônier de la Marine sur le cuirassé Jean Bart à Casablanca (Maroc).
Ses actions dans la résistance lui valent la croix de guerre 1939-1945 avec palme à la Libération. De son expérience passée et des drames dont il a été témoin, il doit, comme bien d’autres résistants de tout bord qui l’ont côtoyé, son engagement politique pour restaurer une société digne fondée sur les droits humains fondamentaux, mais aussi sa profonde détermination à agir pour des causes qu’il croit justes, y compris parfois dans l’illégalité, et à mobiliser autour de lui pour faire changer les lois établies et les regards indifférents.
{{Infobox Politicien}}
Après la guerre, sur les conseils de l’entourage du général de Gaulle, et l’approbation de l’archevêque de Paris, il est élu député de Meurthe-et-Moselle aux deux {{page h'}} (1945-1946), comme indépendant apparenté au Mouvement républicain populaire (MRP) de résistants démocrates-chrétiens, puis à l’Assemblée nationale de 1946 à 1951, où il siège d’abord au sein du groupe MRP. Sa profession de foi affiche un programme proche du populisme (ni capitaliste, ni collectiviste).
En 1947, il est vice-président de la Confédération mondiale, mouvement fédéraliste universel de promotion de la mondialisation démocratique. Avec Albert Camus et André Gide, il fonde le comité de soutien à Garry Davis, fondateur du mouvement des citoyens du monde, qui s’oppose à la remontée rapide des égoïsmes nationaux et déchire son passeport devant l’ambassade américaine.
Il se désolidarise du parti politique après « l’incident sanglant » de Brest d’avril 1950, ayant provoqué la mort de l’ouvrier Édouard Mazé. Dans sa lettre de démission du 28 avril 1950, Pourquoi je quitte le MRP, il dénonce les positions politiques et sociales du Mouvement. Il rejoint ensuite la Ligue de la jeune République, mouvement chrétien socialiste. Mais, il ne se représentera plus à l’Assemblée à la fin de son mandat : sa courte carrière politique se termine en 1951 et l’abbé Pierre retourne à sa vocation première de prêtre-aumônier et s’investit, avec sa petite rente d’ex-député, dans ses actions caritatives.
Il participe néanmoins à certaines campagnes, en parrainant par exemple, lors de la guerre d'Algérie, le comité pour la défense du droit à l'objection de conscience créé par Louis Lecoin, aux côtés d'André Breton, Albert Camus, Jean Cocteau et Jean Giono. Ce comité obtient un statut, restreint, en décembre 1963 pour les objecteurs.
{{article détaillé}} Il fonde en 1949 le Mouvement Emmaüs (en référence à Emmaüs, village de Palestine apparaissant dans un épisode du dernier chapitre de l'Évangile selon saint Luc). Ce mouvement est une organisation laïque de lutte contre l'exclusion, présente aujourd'hui dans 36 pays du Monde. Il commence ainsi dès l'été 1949 par fonder la communauté Emmaüs de Neuilly-Plaisance, au 38 avenue Paul Doumer, au départ auberge de jeunesse.
La rencontre avec George, désespéré qui a perdu toute raison de vivre, et à qui l'abbé Pierre demande « Viens m'aider à aider » marque cependant le véritable acte fondateur du Mouvement Emmaüs.
Les communautés Emmaüs se financent par la vente de matériels et d’objets de récupération et construisent des logements : {{début citation}}Emmaüs, c'est un peu la brouette, les pelles et les pioches avant les bannières. Une espèce de carburant social à base de récupération d'hommes broyés.{{fin citation}}
Non réélu en 1951 en raison du système des apparentements, il perd ses {{unité}} d'indemnités de député et est réduit à mendier ou vendre des publications à la dérobée pour subvenir aux besoins d'Emmaüs. Dans le même temps, les compagnons d'Emmaüs systématisent la chine qui est complétée à partir de février 1952 par la « biffe sur le tas ».
Le {{date}}, il participe au jeu « Quitte ou double » animé par Zappy Max sur Radio Luxembourg pour alimenter financièrement son combat, où il gagnera {{unité}} de l'époque (ce qui correspond à près de {{unité}} actuels)
{{article connexe}}
L’abbé Pierre acquiert sa notoriété à partir du très froid hiver de 1954, meurtrier pour les sans-abri.
Il lance le {{date}} un appel mémorable sur les antennes de Radio-Luxembourg (future RTL), qui deviendra célèbre sous le nom d'« Appel de l'abbé Pierre ».
Le lendemain, la presse titra sur « l’insurrection de la bonté ». L’appel rapportera {{unité}} de francs en dons (dont {{unité}} par Charlie Chaplin qui dira à cette occasion : {{citation}}), une somme énorme pour l’époque et complètement inattendue, des appels et courriers qui submergèrent complètement le standard téléphonique de la radio, et des dons en nature d’un volume si immense qu’il fallut des semaines pour simplement les trier, les répartir et trouver des dépôts pour les stocker convenablement un peu partout en France.
Avec l'argent rassemblé à la suite de son appel à la radio, il fait construire des cités d'urgence (dont celle de Noisy-le-Grand ressemble à un bidonville car elle s'inspire du projet de l'architecte américain Martin Wagner, les bâtiments sont en forme de demi-bidon métallique). Ces cités appelées à être provisoires se transformèrent progressivement, dans le meilleur des cas, en cités HLM.
Le combat de l’abbé Pierre a aussi permis l’adoption d’une loi interdisant l’expulsion de locataires pendant la période hivernale.
Les événements de l'hiver 1954 ont donné lieu, en 1989, à un film de Denis Amar, Hiver 54, l'abbé Pierre, avec Claudia Cardinale et Lambert Wilson.
L’appel de 1954 attira des bénévoles de toute la France pour aider d’abord à la redistribution, mais aussi fonder les premiers groupes se réclamant de cet appel. Rapidement, il dut organiser cet élan inespéré de générosité, et le 23 mars 1954 il fonde, avec ces dons, l'Association Emmaüs, ayant pour objectif de regrouper l'ensemble des communautés Emmaüs. Cependant, l'association Emmaüs perdra rapidement ce rôle de fédération des groupes Emmaüs, pour se concentrer sur la gestion des centres d'hébergement et d'accueil Emmaüs de Paris et sa région.
À l'époque, ces communautés construisent des logements pour les sans-abri, et les accueillent en leur procurant non seulement toit et couvert en situation d’urgence mais aussi un travail digne. Nombre de compagnons d’Emmaüs seront ainsi d’anciens sans-abri, de tous âges, genres et origines sociales, sauvés de la déchéance sociale ou parfois d’une mort certaine et rétablis dans leurs droits fondamentaux, par les communautés issues de cet élan de générosité à qui ils retournent leurs remerciements par leur propre engagement caritatif.
Le Mouvement Emmaüs se développe ensuite rapidement dans le monde entier, au gré des voyages de l'abbé Pierre, principalement en France et en Amérique Latine.
En 1963, il est victime d'un naufrage dans le Río de la Plata (Argentine). Annoncé mort pendant quelques jours, l'abbé Pierre prend alors conscience que sa mort signifierait la disparition du seul lien entre les groupes Emmaüs du monde, ce qui aurait pu mener à la disparition du mouvement. C'est donc à la suite de cet événement que l'abbé Pierre décide de préparer la fondation d'Emmaüs International, qui verra le jour en 1971.
Ainsi, d'abord très désorganisé et très spontané, le mouvement Emmaüs se structure progressivement jusqu'à acquérir sa forme actuelle. En 1985 est créée l'association Emmaüs France, qui regroupe alors tous les groupes Emmaüs français, alors que l'association Emmaüs se focalise sur Paris et ne joue plus son rôle initial de fédération.
Plus tard, en 1988, l'abbé Pierre crée avec son ami Raymond Étienne la Fondation Abbé Pierre, chargée de poursuivre son combat. Reconnue d'utilité publique en 1992, la Fondation Abbé Pierre a pour objet la lutte contre le mal-logement.
L'abbé Pierre est, avec sa secrétaire Lucie Coutaz, à l'origine d'Emmaüs. Cependant, il n'en a jamais été un dirigeant opérationnel. D'un caractère spontané, il est peu porté vers l'organisation. Ainsi, il préférera toujours créer de nouvelles structures, initier de nouveaux projets, que de gérer celles qui existent.
Par exemple, il marquera à plusieurs reprises son opposition à la création de l'Union centrale de communautés Emmaüs, qui en 1958 se donne pour objet de professionnaliser la gestion des communautés Emmaüs, et qui selon l'abbé Pierre voulait donner une « trop rigide définition de tout ».
Cependant, l'abbé Pierre a bien conscience de la nécessité d'une telle structuration, même si elle ne correspond pas à son penchant naturel. Il encouragera ainsi la fondation d'Emmaüs International en 1971 (voir la section Développement d'Emmaüs).
L’abbé Pierre meurt le lundi {{Date}}, tôt le matin (5 h 25 heure locale), à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris, des suites d’une infection du poumon droit consécutive à une bronchite. Il était âgé de 94 ans{{,}}.
Il affirmait : « J’ai passé ma vie à prier Dieu pour mourir jeune », et ajoutait : « Vous voyez, c’est raté ! ». L'abbé Pierre faisait également régulièrement allusion à sa mort en évoquant son départ en « grandes vacances ».
L’ensemble de la classe politique française ne tarit d’éloges et reconnaît le travail réalisé par l’abbé Pierre, notamment le président de la République Jacques Chirac, le Premier ministre Dominique de Villepin, la candidate socialiste Ségolène Royal et le candidat de l'UMP Nicolas Sarkozy.
De très nombreuses associations et fondations françaises ou internationales qui ont milité avec l’abbé Pierre dans des causes communes en faveur des plus démunis lui rendent le jour même un vibrant hommage par des communiqués officiels.
L’ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing demande que soient célébrées « des obsèques nationales » en l’honneur de l’abbé Pierre. La présidence de la République se prononce le jour de sa mort pour savoir si un « hommage national » ou un « deuil national » (la plus haute distinction funéraire française) serait rendu. Conformément aux souhaits de la Fondation Abbé Pierre et la famille qui semble s’opposer à la seconde option, c’est la première option qui est choisie (réservée tout de même à des personnalités telles que Jean-Paul II et le Commandant Cousteau), plus conforme au testament de l’abbé qui préférait que tout l’argent serve plutôt à la collecte au profit des œuvres de sa Fondation, à laquelle il a donné tout au long de sa vie l’ensemble de ses droits ainsi que les dons personnels faits à son nom.
Une chapelle ardente est ouverte à tous, les mercredi 24 et jeudi 25 janvier 2007, toute la journée, à l'église du Val-de-Grâce à Paris, où son cercueil simplement surmonté de sa canne et son béret est exposé aux remerciements du public ; un hommage populaire à l’abbé Pierre est organisé par le Mouvement Emmaüs le jeudi 25 janvier au Palais omnisports de Paris-Bercy, de 19 à 23 heures. Par ailleurs, des livres d’or collectent les hommages populaires à Paris, Metz et dans plusieurs communautés Emmaüs du Sud de la France ; face aux demandes, d’autres communautés Emmaüs en France ou dans le monde recueillent aussi les hommages du public.
À Lyon, sa ville de naissance, une messe commémorative est dite par l'archevêque de Lyon et Primat des Gaules, le Cardinal Philippe Barbarin en la Primatiale Saint-Jean (l'église Saint-François de Sales, associée à l'Abbé Pierre, a d'abord été envisagée, mais sa taille n'aurait pas permis d'accueillir le public dans des conditions de sécurité suffisantes). Lors de cette messe, l'évangile est proclamé par un diacre, neveu de l'abbé Pierre.
À la suite de la demande de la famille, les drapeaux français n'ont pas été mis en berne lors de l’hommage national. Les obsèques se sont déroulées le vendredi 26 janvier à 11 heures, dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Diverses personnalités de tous bords se sont jointes à la cérémonie, placées derrière Jacques Chirac, de nombreux membres du mouvement Emmaüs et la famille : Valéry Giscard d'Estaing, Dominique de Villepin, de nombreux ministres français, des artistes… ainsi qu’une immense foule anonyme. Fait rare en France, le cortège funéraire a été applaudi par le public, ainsi que dans la cathédrale.
Durant la cérémonie, les représentants officiels de différentes religions étaient présents et lui ont remis symboliquement des cadeaux placés sur son cercueil, posé à même le sol.
Son cercueil a ensuite été transféré vers le village d’Esteville dans la Seine-Maritime, où l’abbé Pierre a résidé pendant plusieurs années, et où se trouve désormais un lieu de mémoire, propriété de la Fondation Abbé Pierre. Son enterrement s'est déroulé dans la plus stricte intimité.
Plusieurs personnalités politiques se prononcent déjà pour le transfert de sa tombe au Panthéon, malgré le souhait de l’abbé dans son livre-testament et ses déclarations.