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Vian, Boris (1920-1959)

Contents


Biographie

Enfance

Un des étangs de Ville-d'Avray où les enfants Vian vont pêcher les grenouilles. Malgré son prénom et son physique qui ont longtemps alimenté la légende sur ses origines russes, Boris Vian est issu d'une famille française depuis des siècles. Selon ses biographes, le nom de la famille serait d'origine piémontaise : Viana. Une famille dont la fortune avait été bâtie par un grand-père dans la ferronnerie d'art, qui a réalisé les grilles de la villa Arnaga, résidence d'Edmond Rostand au Pays basque, et qui a épousé Jeanne Brousse, héritière des papeteries Brousse-Navarre. Le père de Boris, Paul Vian, épouse lui aussi le {{date}} une riche héritière, Yvonne Woldemar-Ravenez, et il a assez de fortune pour ne pas avoir besoin de travailler.

Le couple Paul et Yvonne Vian s'installe dans un hôtel particulier de Ville-d'Avray, rue de Versailles. C'est là que naissent le {{Date}} Lélio Vian, et le {{Date}}, Boris. Il y aura deux autres enfants après Boris : Alain né le {{Date}} et Ninon née le {{Date}}. La famille acquiert ensuite une villa, « Les Fauvettes », rue Pradier, non loin du parc de Saint-Cloud{{,}}. Ils sont voisins de la famille de Jean Rostand. La villa des Vian est proche des étangs où les enfants iront pêcher les grenouilles avec François Rostand, le fils de Jean Rostand. Yvonne est musicienne, elle joue Erik Satie, Claude Debussy ou Maurice Ravel à la harpe et au piano. Elle a donné aux deux aînés des prénoms issus d'opéras : Boris pour Boris Godounov et Lélio pour Lélio ou le Retour à la vie d'Hector Berlioz.

Les Vian mènent une vie insouciante : ils ont chauffeur, professeur à domicile, coiffeur à domicile, jardinier. Leur voisin, Jean Rostand, demande parfois aux enfants Vian de lui attraper des grenouilles dans les étangs pour ses recherches. Mais le krach de 1929 ruine Paul Vian qui se voit obligé d'abandonner la maison principale et d'aller habiter avec les enfants et le jardinier dans la maison du gardien qu'il a fait rehausser d'un étage tout en conservant une étroite bande de terrain et un carré de pelouse. La villa est louée à la famille Menuhin avec laquelle les Vian ont d'excellents rapports, les enfants jouent avec leur fils Yehudi Menuhin qui est un prodige et qui invite la famille Vian à venir l'écouter à Paris en concert, ce qui ravit Yvonne, elle-même musicienne. Ce sont les rares sorties où Yvonne ne s'inquiète pas pour ses enfants. De caractère anxieux et autoritaire, elle favorise tous leurs jeux à condition de garder sa nichée à portée de voix.

Paul s'essaie à travailler, il commence à traduire quelques textes que lui procure Louis Labat (lui-même traducteur de Walter Scott et Arthur Conan Doyle), mais les rentrées d'argent sont insuffisantes et il devient représentant-associé pour le laboratoire homéopathique de l'abbé Chaupitre. Paul abandonne sa luxueuse Packard pour une fourgonnette qui lui sert à faire ses tournées chez les commerçants. Il devient ensuite démarcheur pour une agence immobilière de l'avenue de l'Opéra jusqu'à sa mort le {{date-}}.

Mais il reste à la famille Vian un autre « paradis », à Landemer, dans le Cotentin, à l'ouest de Cherbourg, une propriété où sont construits trois chalets en pin situés en haut des falaises où sa mère entretient un jardin luxuriant. C'est cet univers que Boris reproduit dans son roman L'Arrache-cœur en inventant force noms de fleurs : {{Citation}}.

À douze ans, à la suite d'une angine infectieuse, Boris souffre de rhumatismes articulaires aigus, qui provoquent une insuffisance aortique. À partir de là, le garçon est élevé dans du coton, à la manière de Wolf, enfant couvé de L'Herbe rouge où l'on retrouve des passages entiers décrivant la façon dont il était surprotégé. Wolf explique à Monsieur Perle qui l'interroge sur ses parents : {{Citation}}

Paul Vian a par la suite construit une salle de bal où ses fils peuvent organiser des fêtes sur place, ce qui rassure Yvonne, mais a pour conséquence de couper encore davantage Boris et ses frères du monde extérieur. Boris regrettera en partie ce confort de vie qui l'a maintenu dans l'ignorance des faits politiques et sociaux, et il va par la suite se révolter comme Citroën, l'un des « trumeaux »{{,}} de L'Arrache-cœur (avec Joël et Noël).

Les études, la guerre, le jazz

Carte d'élève centralien de Boris Vian. Il fait ses études au collège de Sèvres, puis au lycée Hoche de Versailles jusqu'en 1935. À cette époque, il invente toutes sortes d'instruments fantaisistes parmi lesquels le « peignophone », composé d'un peigne et de papier à cigarette. Sa scolarité est souvent interrompue en raison d'accidents de santé. Malgré une fièvre typhoïde, à l'âge de {{nobr}}, il passe avec dispense son baccalauréat latin-grec, et il fait sa classe de terminale au lycée Condorcet, à Paris en 1936. À {{nobr}}, il obtient le second baccalauréat (philosophie, mathématiques, allemand). Il suit les classes préparatoires des grandes écoles scientifiques du lycée Condorcet et entre à l’École centrale en 1939 où il obtient son diplôme d'ingénieur en 1942.

Le 6 novembre 1939, Boris rejoint l'École centrale repliée à Angoulême. Mais en voyant passer les convois de réfugiés belges, il mesure l'absurdité d'une situation dont, jusque là, les échos ne lui parvenaient que sous forme de rumeurs. Confronté à une réalité qui le dépasse, il écrit par la suite : {{Citation}}

En juillet 1940, fuyant la zone occupée, la famille Vian s'installe dans une villa, rue Laborde à Capbreton. Boris fait partie d’une bande d'amis avec son frère cadet Alain, Jacques Loustalot surnommé « le Major », ainsi que Claude et Michelle Léglise qui sont frère et sœur. Michelle et Boris ont vingt ans tous les deux, ils se retrouveront à Paris et se marieront le {{date-}} à l'église Saint-Vincent-de-Paul de Paris.

Parallèlement à ses études, Boris apprend à jouer de la trompette. Il s'inscrit au Hot Club de France, présidé par Louis Armstrong et Hugues Panassié, dès 1937. Avec son frère Lelio (à l'accordéon et à la guitare), et son autre frère Alain (à la batterie), il monte une petite formation qui anime d'abord les surprises-parties avant de rejoindre en 1942 l'orchestre amateur de Claude Abadie qui joue du dixieland, et qui s'efforce de sortir des sentiers battus et des sempiternelles jams de règle chez les musiciens amateurs français. Deux ans plus tard, le {{nobr}}, il rencontre Claude Luter et il se joint à lui pour ouvrir un club de jazz le New Orleans Club qui ne fonctionnera que quelques jours à Saint-Germain-des-Prés. Ils vont jouer ensemble, plus tard, au Caveau des Lorientais, et au Tabou. Après la Libération de Paris, on le retrouve avec l'orchestre Abadie qui est considéré comme l'un des meilleurs orchestres de jazz amateur de l'époque.

Le jazz et les fêtes sont un moyen pour Boris de compenser l'ennui que lui procurent ses études à l'École centrale. Il rédige Physicochimie des produits métallurgiques, {{nobr}}, abondamment illustré de graphiques et de dessins techniques, écrit en collaboration avec les élèves du même cours parmi lesquels se trouve Jabès. L'ouvrage est orné d'un avant-propos en alexandrins et en vieux françoys, avec en épitaphe une citation d'Anatole France. Cette brochure ronéotypée de cent soixante pages est la première œuvre écrite de Vian. Toutefois, il préfère les répétitions aux révisions et il exprime violemment le peu de crédit qu'il accorde aux cours « donnés par ces professeurs idiots qui vous bourrent le crâne de notions inutiles, compartimentées, stéréotypées (…) Vous savez maintenant ce que j'en pense de votre propagande. De vos livres. De vos classes puantes et de vos cancres masturbés… » Sa première chanson date de la même époque : La Chanson des pistons{{,}}, chanson gaillarde dans la tradition des grande écoles, qui comporte {{nobr}} où il est beaucoup question de roustons et de zizi.

À l'Association française de normalisation (AFNOR), où il est engagé de 1942 à 1946{{,}}, son travail lui pèse. Mais cela lui laisse assez de temps pour écrire des poèmes et de la musique de jazz. En 1943, il produit Cent sonnets et Trouble dans les andains.

Son travail d'écriture doit beaucoup à son épouse Michelle et à l'ambiance générale de la famille Vian où l'on fabrique jeux de mots, contrepèteries et calembours. Michelle vient de commencer l'écriture d'un roman, et la famille se régale de la manière dont Boris joue à plaisir sur les sonorités. Il passe d'ailleurs beaucoup de temps à compulser l'Almanach Vermot. C'est pour Michelle qu'il a déjà écrit en 1942 un Conte de fées à l'usage des moyennes personnes. Littérature et jazz sont les deux dérivatifs qui permettent au normalisateur de l'AFNOR, de ne pas sombrer dans la mélancolie.

La fabrique de bouts-rimés

Le jeu des bouts-rimés était un exercice auquel se livrait en permanence la famille Vian et son entourage composé de la famille Rostand, la famille Léglise et de certains voisins comme André Martin. Boris Vian qui avait une âme d'archiviste en avait gardé toute la collection, classée dans des sous-chemises découpées dans les bons de commandes du laboratoire de l'abbé Chaupitre. La plupart sont datées de 1940-1941, la dernière date figurant sur une chemise est le {{date-}}. Outre les habitués, on compte des participants occasionnels comme Jean Carmet ou le musicien Jacques Besse.

L'exercice se déroulait ainsi : des mots étaient proposés à partir desquels il fallait fabriquer un petit poème. Exemple : {{Citation bloc}}

Paul Vian n'était pas en reste. Il écrivit entre autres un poème sur la liberté d'esprit qui régnait entre un père et ses enfants. Il possédait un talent capable de rivaliser avec celui de son fils Boris. De cette époque, Boris écrit : « J'étais merveilleusement inconscient. C'était bon »

Le swing et le drame

Costume masculin zazou. Michelle et Boris ne sont peut-être pas des zazous, mais ils ont en commun avec cette population de jeunes gens le goût du swing et des fêtes, où ils emmènent parfois leur enfant, Patrick, né le {{nobr}}. Leurs surprises parties sont encore cantonnées à « Viledavret » : c'est ainsi qu'il orthographie la ville dans sa correspondance et dans son journal intime publié ensuite sous le titre Journal à rebrousse-poil. Dans ces fêtes-là, on trouve les zazous de la périphérie chic, là où la police de la zone occupée ne patrouille pas. Ils ne vont pas encore dans les bars du Quartier latin ni dans les caves. Mais l'attitude de Boris Vian est assez voisine de celle des zazous parce qu'ils sont d'abord « très très swing et qu'ils aiment le jazz. » Dans Vercoquin et le Plancton, il fait une description vestimentaire des zazous : {{Citation}}

Attaqués par les journaux conservateurs, les zazous en rajoutent en investissant d'abord les cafés des Champs-Élysées, puis du Quartier latin. Mais malgré les éditoriaux de La Gerbe, l'occupant ne voit pas en eux des ennemis : ils ne sont ni communistes, ni juifs, ni résistants. Seul le journal L’Illustration en fait un portrait teigneux et tellement surréaliste qu'il ressemble à ceux de Boris Vian dans Vercoquin et le Plancton où l'écrivain a ressemblé toute la bande de ses frères, ses amis et Michelle pour laquelle Boris taille parfois des talons compensés à ses chaussures.

En 1944, Boris écrit un scénario (Histoire naturelle) et des poèmes qu'il réunit dans un recueil intitulé après plusieurs avatars Un Seul Major, un Sol majeur, en hommage à son ami Jacques Loustalot, dit Le Major, rencontré à Capbreton pendant la drôle de guerre. En 1944, il envoie une ballade à la revue Jazz Hot (qu'il écrivait Jazote) et signe de son anagramme Bison ravi.

Mais cette même année, le monde des Vian s'effondre : le père, Paul, est assassiné dans sa maison dans la nuit du 22 au {{nobr}}, par deux intrus. {{Citation}} L'enquête de l'hiver 1944-1945 tourne court. Faute de suspect, le dossier est déclaré clos le {{date-}}. Les chalets de Landemer ont été détruits par les Allemand. Et Boris, considéré comme le « plus sage de ses enfants » a reçu de son père la lourde mission de vendre la maison familiale de « Viledavret » qu'il lui a léguée par testament.

Cette année-là, avec Michelle, il se réfugie dans l'appartement parisien des Léglise, rue du Faubourg Poissonnière, cependant que François Rostand confie à son père, qui publie chez Gallimard, le manuscrit de Vercoquin et le Plancton. Jean le transmet à Raymond Queneau, secrétaire général des éditions Gallimard, et le {{date-}}, Boris signe son premier contrat d'auteur. À partir de ce jour, Boris et Queneau (que l'on retrouve dans tous les caveaux de Saint-Germain-des-Prés), deviennent des amis très proches, avec sans doute une relation de type père-fils, et en commun ce goût immodéré du jeu avec les mots.

Le rat de cave et l'écrivain

Rue Dauphine, Paris où se trouvait la cave Le Tabou. Contrairement à une légende, Boris Vian n'a pas créé Saint-Germain-des-Prés, symbole de l'existentialisme et des zazous. S'il connaît le quartier depuis 1944, il ne commence à le fréquenter très régulièrement qu'en 1946 à la création du Caveau des Lorientais. {{Citation}} Si les frères Vian ont drainé le Tout-Paris au Tabou, si l'on surnommait Boris « le Prince du Tabou », à partir de 1947, Boris ne participait que très rarement aux bacchanales qui comportaient l'élection de « Miss Vice » et autres fantaisies. Il préférait organiser Rue du Faubourg-Poissonnière des « tartes-parties » réunissant des musiciens de jazz.

Au Caveau des Lorientais, ouvert en 1946 rue des Carmes, on danse le Lindy Hop ou le bebop avec Claude Luter et son orchestre. Boris Vian, qui joue dans l'orchestre, y imite le style de Bix Beiderbecke, à ses tout débuts, mais il s'inspire plutôt de Rex Stewart par la suite. Il trouve cette population « très très swing » selon l'expression qu'il affectionne. Boris y vient avec ses amis, et après la fermeture des Lorientais, la même population se retrouve au Tabou, au 33 rue Dauphine, où viennent également des intellectuels : Maurice Merleau-Ponty, dont Boris Vian écrit, dans le Manuel de Saint-Germain-des-Prés, {{Citation}}, Jacques Prévert, des journalistes que Vian surnomme les « pisse-copie » et des artistes comme Juliette Gréco, Marcel Mouloudji ou Lionel Hampton.

C'est aussi dans ces caves que Boris retrouve ses amis les plus proches Jean-Paul Sartre (le Jean Sol Partre de L'Écume des jours), Simone de Beauvoir (la Duchesse de Bovouard de L'Écume des jours), le peintre Bernard Quentin et surtout Raymond Queneau qui dirige chez Gallimard la collection La Plume au vent et qui compte y insérer Vercoquin et le Plancton après quelques retouches. Queneau a fait connaître son écœurement devant l'épuration au sein du comité des écrivains, et cela ne plaît pas aux radicaux auxquels Jean Paulhan appartient. Queneau est malgré tout convaincu des qualités d'écrivain de Vian et il lui fait signer un nouveau contrat pour Les Lurettes fourrées dont il n'a lu aucune ligne.

La publication de Vercoquin et le Plancton se fait attendre. Boris est très déçu, d'autant plus qu'il compte quitter l'AFNOR. En attendant, Queneau l'intègre à une joyeuse bande de journalistes de Combat : Alexandre Astruc, Jean Cau le gauchiste, Robert Scipion. Beaucoup font du journalisme pour entrer sans payer là où il faut être vu. Ces jeunes gens sont lancés à l'assaut des lettres, mais aussi du spectacle. C'est avec eux que Boris est invité à se produire, avec l'orchestre Abadie dans le film Madame et son flirt de Jean de Marguenat. De cette expérience, Boris tire une nouvelle, Le Figurant, insérée dans le recueil Les Fourmis édité par Les éditions du Scorpion en 1949.

Le {{nobr}}, Boris quitte l'AFNOR pour entrer à l'Office professionnel des industries et des commerces du papier et du carton. Son salaire est plus élevé, le travail plus léger, ce qui permet à l'écrivain de rédiger son premier « véritable » roman : L'Écume des jours dont l'auteur dit que c'est un mixage de toutes les périodes villdavraisoises. « Il y a beaucoup de bonheur dans l'Écume des jours. Et puis il y a le petit danger de l'homme qui sent pointer quelque chose qui le tenaille à l'intérieur » . En effet, derrière le conte rôde la mort, comme celle qui rôde autour de Boris lui-même, tenaillé par la maladie et dont l'univers au fil des années n'a cessé de se rétrécir.

Rédigé à une rapidité folle, le roman est prêt début {{nobr}} pour être présenté au prix de la Pléiade sur lequel Boris compte beaucoup. Le livre est dédié à Michelle et Queneau, qui trouve Vian très en avance sur son temps, espère beaucoup puisque Jean Paulhan s'est en quelque sorte engagé. Les membres du jury sont André Malraux, Paul Éluard, Marcel Arland, Maurice Blanchot, Joë Bousquet, Albert Camus, Jean Grenier, Jacques Lemarchand, Jean Paulhan, Jean-Paul Sartre, Roland Tual et Raymond Queneau. Mais malgré le soutien de Sartre, Queneau et Lemarchand, tous les autres membres ont suivi l'avis de Paulhan, et Boris n'aura pas le prix de la Pléiade qui est décerné à Jean Grosjean pour contrebalancer les soupçons de collaboration qui pèsent sur la maison Gallimard{{,}}. {{Citation}}. Paulhan a tout simplement procédé à l'un de ces renversements d'alliance dont ses contemporains de la NRF assurent qu'il en a le secret.

Cette immense déception provoque la colère de Boris dont on trouve des traces dans L'Automne à Pékin où il fustige « l'abominable contremaître Arland », « Ursus de Jeanpolent » (Jean Paulhan) et « l'abbé Petitjean » (Jean Grosjean). Il lui reste, pour se consoler, le jazz et la peinture, ainsi que sa grande amitié avec le couple Sartre-Beauvoir, et toute la bande des sartriens. Le {{date}}, Michelle et Boris donnent une « tartine-partie » dans l'appartement des Léglise où Boris assiste, éberlué, à la rupture entre Maurice Merleau-Ponty et Camus, ainsi qu'à la première brouille entre Sartre et Camus.

Vercoquin et L'Écume paraissent de façon très, trop rapprochée, sans gros effort de promotion, et ne bénéficient pas de {{cita}} C'est un échec commercial. Tirés à quatre mille quatre-cents exemplaires chacun, il s'en est vendu quelques centaines, et il n'y a pas de revue de presse, malgré la proposition de Gaston Gallimard qui s'est engagé à lui accorder autant de promotion qu'à l'ouvrage de Jean Grosjean.

Boris Vian, peintre

rue de l'Université]] à Paris au {{n°}} en 1946 se tenait la Galerie de la Pléiade où Boris Vian a exposé des peintures L'écrivain considère qu'il n'existe pas de hiérarchie dans l'art. {{Citation}} À partir du 8 juin 1946, il se mit à peindre sans interruption pendant une semaine {{Citation}}

Il suit en cela l'exemple de son ami Queneau et produit une dizaine de tableaux {{Citation}}

Le {{date}} il accroche ses toiles à la Galerie de la Pléiade. Leur nombre pour cette même exposition varie selon les sources. Boggio avance le chiffre de une, la BNF en annonce 4. Cette Galerie est située dans une annexe de la NRF, au 17 rue de l'Université. L'exposition était intitulée Peintres écrivains d'Alfred de Musset à Boris Vian.

Elle avait été lancée sur une plaisanterie de Raymond Queneau qui annonçait : {{Citation}} qui y montrait ses propres aquarelles en compagnie d'auteurs prestigieux classés par ordre alphabétique, commençant par Apollinaire et se terminant par Vian, auteur alors inconnu mais dont le nom figurait sur les cartons d'invitation.

Le 17 rue de l'Université qui correspond à l'ancien hôtel particulier Bochart de Saron bâti en 1639 pour François Lhuillier était toujours occupé par Gallimard en 1988.

En 2011, la BNF a présenté une exposition du {{date-}} au {{date-}} consacrée à Boris Vian, dans laquelle on a pu voir deux exemples des peintures de Boris. À la page 6 du dossier de presse de l'exposition, figurent deux tableaux : Passez vos vacances à Cannes cet été, collection particulière, cliché Patrick Léger/Gallimard, archives de la Cohérie Boris Vian, et L'Homme enchaîné, collection privée, archives de la Cohérie Boris Vian.

J'irai cracher sur vos tombes

Au début de l'été 1946, Boris fait la connaissance d'un jeune éditeur, Jean d'Halluin, un assidu du Flore qui vient de créer Les éditions du Scorpion. Jean demande à Boris de lui faire un livre dans le genre de Tropique du Cancer de Henry Miller, qui plaît beaucoup. En quinze jours, du 5 au {{nobr}}, Vian s'amuse à plagier la manière des romans noirs américains, avec des scènes érotiques dont il dit qu'elles « préparent le monde de demain et frayent la voie à la vraie révolution. »

L'auteur est censé être un Américain nommé Vernon Sullivan que Boris ne fait que traduire. D'Halluin est enthousiaste. Boris, en introduction du livre, prétend avoir rencontré le véritable Vernon Sullivan et reçu son manuscrit de ses mains. Il y voit des influences littéraires de James Cain, il met en garde contre la gêne que peuvent occasionner certaines scènes violentes. Jean d'Halluin a même prévu de publier des bonnes feuilles dans Franc-Tireur. Tous deux espèrent un succès sans précédent. Les premières critiques indignées leur donnent l'espoir que le scandale sera égal à celui soulevé par la publication du roman de Miller, et la critique du roman par Les Lettres françaises, qui le traite de « bassement pornographique », fait monter les enchères.

{{cita}}. Le {{1er}} février, lorsque Vercoquin sort en librairie, Samedi Soir titre {{Citation}} Et il lui faut bien vite déchanter. D'une part, France Dimanche et l'hebdomadaire L'Époque réclament des poursuites pénales identiques à celles qu'a connues Henry Miller. D'autre part, on annonce la parution d'un deuxième Vernon Sullivan. Mais déjà, Jean Rostand, l'ami de toujours, se déclare déçu. Boris a beau se défendre d'être l'auteur du livre, un certain climat de suspicion règne chez Gallimard, qui refuse du même coup L'Automne à Pékin. Selon Philippe Boggio, seul Queneau a deviné qui était l'auteur et trouve le canular très drôle.

« L'honneur » réservé à Henry Miller touche aussi, malheureusement, Boris Vian, qui est attaqué en justice par le même Daniel Parker et son « Cartel d'action sociale et morale ». Boris risque deux ans de prison et {{unité}} d'amende. Il est accusé d'être un « assassin par procuration », parce qu'on rapporte dans la presse un fait divers où un homme a assassiné sa maîtresse en laissant J'irai cracher sur vos tombes à côté du cadavre. Boris doit prouver qu'il n'est pas Vernon Sullivan et, pour cela, il rédige en hâte un texte en anglais qui est censé être le texte original. Il est aidé pour ce travail par Milton Rosenthal, un journaliste des Temps modernes.

Finalement, en août 1947, le tribunal suspend les poursuites.

Le jazz et le déclin

Flore]] où Boris Vian retrouve ses amis. Deux Magots]], l'autre café de Boris. Boris se réfugie maintenant dans le jazz, notamment au Club Saint-Germain où il approche son idole Duke Ellington. Il va bientôt être directeur artistique chez Philips et en attendant, il donne régulièrement des chroniques dans le journal Jazz Hot où il tient une « revue de la presse » jusqu'en 1958 . Henri Salvador disait de lui : « Il était un amoureux du jazz, ne vivait que pour le jazz, n'entendait, ne s'exprimait qu'en jazz ».

Malgré sa préférence pour un jazz plutôt classique, Boris prend tout de même parti pour Charles Delaunay dans la bataille des anciens et des modernes qui l'oppose à Hugues Panassié en 1947. La querelle porte sur le bebop qui n'est pas du jazz selon Panassié et que Delaunay a été un des premiers à faire découvrir en France avec Dizzy Gillespie. Boris soutient le bebop ce qui ne l'empêche pas d'aimer le jazz traditionnel, notamment celui de Duke Ellington.

Duke Ellington est arrivé à Paris sans son orchestre qui est retenu à Londres par les lois syndicales. Boris le suit partout, fait sa promotion, et le premier concert de Duke au Club Saint-Germain est un tel succès qu'il donne ensuite deux concerts à la salle Pleyel. On retrouve encore Boris au café de Flore ou aux Deux Magots, où se rassemblent intellectuels et artistes de la rive gauche, ou bien au Club du Vieux Colombier où il suit Claude Luter à l'ouverture du Club fin 1948. Puis en 1949, on le retrouve aussi à Saint-Tropez où son ami Frédéric Chauvelot vient d'ouvrir une annexe du Club Saint-Germain. Mais bientôt, Boris est obligé de renoncer à la trompette (qu'il appelait la trompinette) à cause de sa maladie de cœur.

C'est à cette époque qu'il écrit frénétiquement pour le jazz. Outre les articles de presse pour Combat et Jazz Hot, il anime une série d'émissions de jazz pour la station de radio américaine WNEWqui porte les initiales américaines WWFS signifiant W We're FreSh, le mot fresh, en argot américain signifiant depuis 1848 : insolent, irrespectueux ou impudent. Les textes de ces émissions, dont ni Radio France ni la station de radio américaine n'ont gardé de trace, ont été publiés chez Fayard en 1986 par Gilbert Pestureau et Claude Rameil, puis en livre de poche sous le titre Jazz in Paris.

Côté littérature, les choses ne vont pas fort. Jean d'Halluin peine à vendre les remakes de romans américains que produit Boris Vian sous son pseudonyme. Elles se rendent pas compte signé Vernon Sullivan, ne porte pas le nom du « traducteur » (Vian). Ce roman est un échec commercial, tout comme L'Automne à Pékin et les Fourmis qui ne se vendent pas du tout.

En novembre 1948, après la loi d'amnistie de 1947, Boris Vian a officiellement reconnu être l'auteur de J'irai cracher sur vos tombes sur les conseils d'un juge d'instruction, pensant être libéré de tout tracas judiciaire. C'est compter sans Daniel Parker et son cartel moral qui attend la traduction en anglais de l'ouvrage sous le titre I shall spit on your graves et le deuxième tirage de l'ouvrage pour lancer cette procédure. Cette fois, le livre de Boris est interdit en 1949. Le fisc lui réclame des indemnités faramineuses. L'écrivain est endetté et le couple se délite, non pour des questions d'argent, mais parce qu'une certaine lassitude s'est installée et la jalousie de Boris Vian résiste mal à la liberté sexuelle, fréquente dans ce milieu à la sortie de la guerre, que s'accorde le couple. Le 22 avril de cette même année, l'adaptation théâtrale du roman est un désastre et Boris condamné à une amende. En 1950, les représentations de la pièce de théâtre L'Équarrissage pour tous qui n'a pas de succès, s'arrêtent.

Invité à un cocktail par Gaston Gallimard le 8 juin 1950, Boris rencontre une jeune femme « avec la figure en triangle » Ursula Kübler, danseuse suisse qui a participé aux ballets de Roland Petit. Ursula a la réputation d'une femme de caractère, très indépendante. Elle est hébergée chez un ami de son père, le diplomate américain Dick Eldrige qui habite rue Poncelet où Boris vient lui rendre visite selon les règles des convenances. Il tombe amoureux d'elle, mais il est intimidé, abattu par sa situation conjugale, c'est Ursula qui fait le premier pas vers lui. Déjà, Michelle a envisagé le divorce. Elle est depuis 1949 la maîtresse de Jean-Paul Sartre. Boris et Ursula vont vivre ensemble les années difficiles jalonnées de maladie pour Boris, et de manque d'argent pour le couple.

Les années difficiles et la fin du tunnel

Le roman de Boris L'Arrache-cœur, d'abord intitulé Les Fillettes de la reine a été officiellement refusé par Gallimard. Il est publié finalement en 1953 aux éditions Vrille et n'a aucun succès. À partir de là, Boris renonce à la littérature.

1951 et 1952 seront des années sombres. Boris Vian vient de quitter son épouse Michelle Léglise, dont il a eu deux enfants, Patrick en 1942 et Carole en 1948, et vit difficilement de traductions dans une chambre de bonne, au 8, boulevard de Clichy où il s'installe avec Ursula, qu'il surnomme « l'Ourson » dans un inconfort total.

Pour le moment, Boris n'a plus un sou, mais le fisc s'acharne à lui réclamer des impôts anciens qu'il ne peut payer. Il vit essentiellement de piges. Albert Camus l'a engagé à Combat en 1949, il travaille aussi pour Samedi Soir, France Dimanche ainsi qu'une publication considérée comme le refuge des mercenaires de la plume : Constellation.

Raymond Queneau est maintenant à l'Académie Goncourt, il est chanté par Juliette Gréco ; il maintient ses distances avec le couple pendant un temps, avant de revenir et de s'en excuser.

Boris est « au fond du trou », mais il possède une étonnante faculté à rebondir. Sa pièce Cinémassacre composée de sketches et jouée par Yves Robert et Rosy Varte à La Rose rouge remporte un très grand succès. Ensuite, le « 22 merdre 70 », c'est-à-dire le {{date-}}, il est nommé « Équarisseur de première classe » au Collège de 'Pataphysique où il retrouve Raymond Queneau puis le « 22 Palotin 1980 » ({{date-}}), satrape.

Dans ce groupe, il donne libre cours à son imagination pour fournir des communications et des inventions baroques telles que le gidouillographe ou le pianocktail. Son titre exact est « Satrape et promoteur Insigne de l'ordre de la grande Gidouille, avec les Sublimes privilèges que de droit ». Dans ce collège, on retrouve d'autres célébrités comme Jean Dubuffet, Joan Miró, Max Ernst, Marcel Duchamp, Eugène Ionesco, Noël Arnaud, René Clair, François Caradec.

Dès le mois de février 1954, Boris a déposé ses textes et ses musiques à la SACEM. Un de ses textes avait déjà été enregistré par Henri Salvador. Accompagné d'Ursula, il fait le tour des music-halls, tous deux prennent des leçons de chant, cependant que Marcel Mouloudji chante Le Déserteur pour la première fois au théâtre de l'Œuvre. La chanteuse Renée Lebas le reçoit et lui demande de retravailler ses titres et de les faire arranger par un vrai compositeur pour les mettre à son répertoire. Philippe Clay, Suzy Delair et Michel de Ré lui demandent aussi des chansons. Mais comme Zizi Jeanmaire refuse de les chanter, Vian déclare : « On peut vous refuser une chanson, mais peut-on vous empêcher de la chanter ? ».

Le Déserteur, chanson pacifiste de Boris en réaction contre la guerre d'Indochine, s'achevait tout d'abord par un quatrain plutôt menaçant : {{citation}} Mais lorsque Mouloudji lui fait remarquer que cette chute ne colle pas avec l'idée de pacifisme, Vian rectifie le texte ainsi : que je n'aurai pas d'armes, et qu'ils pourront tirer. La chanson, créée pour la première fois en 1954 à La Fontaine des Quatre-Saisons, connaît un certain succès au Théâtre de l'Œuvre, puis à l'Olympia l'année suivante. Le scandale viendra plus tard, au moment de la défaite de Diên Biên Phu. Lorsque Boris entame une tournée dans les villes de France aux côtés du comique Fernand Raynaud, sa chanson considérée comme antimilitariste est sifflée notamment à Perros-Guirec où un commando d'anciens combattants veut l'empêcher de chanter, car ils voient en lui un bolchevik piétinant le drapeau français. À Dinard, le maire lui-même prend la tête des anti-Vian. Boris doit parlementer dans chaque ville, jusqu'à finalement obtenir qu'un groupe de militaires du contingent reprennent la chanson en chœur. Pendant ce temps, à Paris, tandis que le journal Le Canard enchaîné prend la défense de l'artiste, l'éditeur Jacques Canetti reçoit des injonctions et le disque sera retiré de la vente après {{unité}} vendus. La censure reste discrète dans l'immédiat, elle sera plus ferme au moment de la guerre d'Algérie. Ce qui n'empêche pas Boris de poursuivre son tour de chant.

{{Citation}} La véritable censure va tomber en 1958 en pleine guerre d'Algérie. Boris ne chante d'ailleurs plus, il laisse Mouloudji et Serge Reggiani défendre la chanson pendant les guerres françaises et pendant les guerres américaines, ce sera Joan Baez. Mais ce n'était plus la peine, la chanson était déjà boycottée par les radios et les maisons de disques.

Le 4 janvier 1955, Boris monte sur la scène des Trois Baudets (64 boulevard de Clichy) et chante La Complainte du progrès, J'suis snob, les Lésions dangereuses, les Joyeux bouchers, le Déserteur. Son accompagnateur et arrangeur est Alain Goraguer. Dans la salle, le succès est mitigé, mais Léo Ferré et Georges Brassens sont venus l'écouter, ils lui trouvent du talent. Et le Canard enchaîné ne tarit pas d'éloges sur La Java des bombes atomiques.

Jacques Canetti lui propose alors de s'occuper du catalogue de jazz pour les disques Philips. Il est chargé des rééditions, d'écrire des commentaires et de corriger les dates d'enregistrement et les noms des musiciens. C'est un véritable emploi, avec horaires et patron.

Seule plage de récréation : Michel Legrand rapporte des États-Unis quelques disques de Rock 'n' roll. Aussitôt, Boris Vian est inspiré et il crée avec ses complices Salvador et Michel Legrand Rock and Rol Mops qu'il édite sous le nom d'Henry Cording (Henri Salvador), le parolier étant Vernon Sinclair. Avec des sonorités anglo-saxonnes, le disque se vend jusqu'aux Pays-Bas. Boris est engagé avec un cachet relativement important. Mais il ne chante plus. En revanche il produit plusieurs autres Rock 'n' roll parodiques.

Le club des Savanturiers

Fondé le 26 décembre 1951 par Raymond Queneau, Pierre Kast, France Roche, François Chalais et Boris Vian au bar de la Reliure chez Sophie Babet, rue du Pré-aux-Clercs, le club des Savanturiers, considéré comme une « secte » par Philippe Boggio, a des activités tenues secrètes. Tous ses membres partagent avec Stephen Spriel (Michel Pilotin) la même passion pour la science-fiction. Dans les années 1950 les amateurs de science-fiction ne sont pas nombreux en France, tandis que les Américains raffolent de ce genre de littérature.

Boris et Stephen Spriel publient en 1951 un article dans Les Temps modernes dans lequel Boris affirme qu'une nouvelle de science-fiction intitulée Deadline décrivait avec une exactitude totale la bombe H (Ivy Mike) qui allait être employée un an plus tard sur l'atoll d'Eniwetok dans les îles Marshall le {{Date}}.

Outre Ray Bradbury et H. G. Wells, Boris admire aussi A. E. van Vogt, écrivain canadien qui s'est inspiré des théories d'Alfred Korzybski : {{Citation}}. Raymond Queneau, qui est aussi un admirateur de van Vogt, appuie les propositions de Boris qui signe deux contrats chez Gallimard pour la traduction des deux premiers titres du Cycle du Ā. Dans le cercle très fermé des amateurs de science-fiction, on trouve aussi André Breton et Léo Malet.

Le club des Savanturiers s'est engagé à faire connaître et à imposer ce genre de littérature, mais les éditeurs hésitent à se lancer dans la science-fiction, et malgré les efforts de France Roche, le cinéma français ne s'y intéresse pas. Le club des Savanturiers se saborde le {{Date}} dans le plus grand secret pour aboutir à une société encore plus secrète, la « Société d'Hyperthétique », qu'il est interdit de mentionner devant toute personne étrangère au cercle des initiés et dont les activités consistent à s'échanger des livres de science-fiction. Boris retrouve là des amitiés solides qui n'ont plus rien à voir avec les mondanités de Saint-Germain-des-Prés. De son amitié avec Pierre Kast naissent des projets de cinéma, et une éphémère société de production. Boris écrit des scénarios, mais la société de production à laquelle Marcel Degliame apporte aussi son financement fait faillite, et tout se termine par un échec.

Les automobiles de Boris

Morgan]] de Boris Vian Panhard X 77]] achetée à Peiny Brasier 1911]], voiture légendaire de Vian

{{Citation}}

En 1947, l'Administration des domaines bazarde les rebuts de l'armée allemande. Dans ces tas de ferrailles, Boris sélectionne une BMW 6 cylindres qu'il achète pour une somme dérisoire, qui lui coûte très cher en réparations, mais qui va lui permettre de faire la connaissance des Casseurs de Colombes. Il avait le projet d'enregistrer leurs propos dans un roman Les Casseurs de Colombes qui va rester à l'état d'ébauche et que Noël Arnaud a réussi à décrypter parce qu'il a participé de très près à cet épisode de la vie de l'écrivain. Boris s'y présente lui-même sous le nom du personnage : Ivan Doublezon et il évoque les casseurs de Colombes comme Le Corps des Casseurs dans lequel le personnage central devait être Thomas, mécanicien de Ménilmontant. Le roman ne sera jamais achevé, il reste des textes datés de 1949 à 1950.

C'est aussi avec la BMW qu'il va réussir son premier « coup » de vendeur de voitures d'occasion. Alors que la voiture est prête à rendre l'âme (elle a été accidentée dans le garage de Peiny qui l'a fait entrer en marche arrière), Boris la répare sommairement avec son ami Maurice Gournelle. Et Peiny, qui ne veut pas se charger d'une transaction douteuse, l'emporte en dépanneuse chez un revendeur place Pereire qui la rachète à Vian, mais qui s'aperçoit trop tard que c'est une ruine. C'est le premier exploit de Boris qui a réussi à rouler un vendeur de voitures d'occasion… Plus tard, il achète à Peiny une Panhard X 77 grand luxe qui tombe en panne à Lyon lors du premier essai et que Peiny va lui réparer inlassablement. Peiny, son garage et ses mécanos deviennent alors un lieu de bamboche régulier pour Boris et la « fine équipe de Charlebourg ».

Avec l'Austin-Healey blanche, Boris fait la tournée des casinos. Elle ne marchait pas très bien, mais Boris y tenait et c'est avec regret qu'il achète sur les conseils de Claude Léon une Morgan bleue (il n'y avait pas de Morgan blanche) avec laquelle il termine sa carrière. {{Citation}} et elle avait un dispositif technique qui enchantait Boris : il fallait appuyer sur une pédale tous les cent kilomètres pour envoyer un coup de graisse.

La Brasier est sans doute restée la plus célèbre et la plus souvent citée dans les biographies de Vian. C'est la voiture qui lui a coûté le plus cher et qui lui a donné le plus de peine. C'était une Brasier 1911 qu'il avait achetée pour {{unité}} à un vieil homme de {{nobr}} le {{date-}}. {{Citation}}

Grâce à un vieux sellier rencontré chez les « Casseurs de Colombes », Boris avait fait refaire entièrement l'intérieur du véhicule qu'il a continué d'entretenir alors qu'il possédait aussi l'Austin-Healey, puis la Morgan. Il l'avait remisée chez Peiny à Colombes et il lui rendait visite régulièrement. Elle fut vendue finalement et laissée en plein air recouverte d'une bâche sous laquelle elle se décomposa à cause des intempéries et des dégradations dues aux garnements du coin.

Les dernières années

Place Blanche, vue sur le Moulin rouge derrière lequel se trouve le 6 bis cité Véron où Boris Vian et Ursula Kübler habitaient. En 1955, après avoir longtemps refusé tout mariage, Boris épouse Ursula Kübler. Le père d'Ursula, qui est un des intellectuels suisses les plus raffinés, à la fois peintre, illustrateur, grand journaliste et animateur d'une des meilleures revues culturelles de l'après guerre écrit au jeune couple, dans une lettre pleine d'humour datée du {{nobr}} : {{Citation}}. Ursula trouve un petit appartement au 6 bis Cité Véron, près de la place Blanche qui leur paraît très vaste comparé à l'étroite chambre de bonne qu'ils occupaient jusqu'alors. Ils auront pour voisins Pierre et Jacques Prévert. Boris aménage de ses mains ce logement dont la terrasse domine le Moulin rouge. C'est une manière pour lui de prendre ses distances avec Saint-Germain-des-Prés, mais il ne coupe pas totalement les ponts. Son frère Alain a installé rue Grégoire-de-Tours un magasin d'instruments de musique anciens, exotiques ou étranges, avec pour associé son autre frère Lélio Vian, dont Boris est un des clients principaux. Et Boris continue à rencontrer ses amis à la discothèque du 83 rue de Seine.

Cependant, les activités de Boris l'épuisent. Alain Robbe-Grillet envisage de rééditer l'Automne à Pékin et l'Herbe rouge aux éditions de Minuit, mais Boris se méfie. « Depuis le temps que le sort s'acharne sur lui, il est las, fatigué de la connerie ambiante, de ce succès qui lui échappe depuis toujours », dit Robbe-Grillet.

Fatigué, le moral en berne, en {{nobr}}, Boris s'effondre : il est frappé d'un œdème pulmonaire, résultat de son surmenage et de ses problèmes cardiaques. Il lui faut un lourd traitement et il se remet lentement aux côtés d'Ursula. Il accepte de tourner un petit rôle, le cardinal de Paris dans Notre-Dame de Paris de Jean Delannoy, par défi. Mais il sait qu'il a « un pied dans la tombe et l'autre qui ne bat que d'une aile ».

L'Automne à Pékin, réédité aux éditions de Minuit, n'a encore une fois, aucun succès. Mais Boris continue d'écrire des chansons pour Henri Salvador, Magali Noël, Philippe Clay. La maison Philips lui propose de diriger une petite collection Jazz pour tous, mais c'est un énorme travail.

En 1957, est créé à l'Opéra de Nancy Le Chevalier de neige, un opéra sur un livret de Boris Vian d'après le mythe des Chevaliers de la Table ronde, dont Georges Delerue a écrit la musique. Comme la fonction de directeur artistique lui pèse, Boris cherche un dérivatif. C'est son amie France Roche qui lui en offre l'occasion en lui passant commande d'un livre sur le sujet de son choix. La collection de France Roche aux éditions Amiot-Dumont s'arrête peu après et Boris n'est plus obligé de livrer l'ouvrage. Pourtant il poursuit l'écriture pour le plaisir. Le livre traite du monde de la chanson, ne ménageant pas les éditeurs de musique, il propose d'inventer un appareil qui permet d'analyser les chansons et d'en composer. Il a conçu les plans d'une machine à écrire la musique à partir d'une machine à écrire IBM et préconise la création d'émetteurs de radios libres. Publié en septembre 1958 En avant la zizique… et par ici les gros sous s'arrache, mais uniquement dans les bureaux de Philips et Fontana, par dizaine d'exemplaires.

Malgré les avertissements de son médecin, Boris continue de se surmener, multipliant piges, traductions, écriture de chansons. Et la Société Océan-Films à laquelle il a vendu ses droits le somme de produire une adaptation de J'irai cracher sur vos tombes. Entre-temps, Boris écrit le livret d'une comédie musicale-ballet et les chansons de Fiesta, mis en musique par Darius Milhaud, et il entame une collaboration avec Le Canard enchaîné qui l'a soutenu pendant l'affaire du Déserteur. Le {{date-}}, il publie son premier article sous le titre Public de la chanson, permets qu'on t'engueule, ceci pour défendre le nouveau disque de Georges Brassens qui n'a pas de succès. Son deuxième article est consacré au lancement de Serge Gainsbourg, en particulier à l'éloge du Poinçonneur des Lilas.

Au cours de l'hiver 1958, il part se reposer en Normandie avec Ursula qui voudrait chanter elle aussi. Mais Boris lui répond de se débrouiller par elle-même et il donne des chansons à la chanteuse allemande Hildegard Knef qu'il fait venir cité Véron et qu'il raccompagne devant Ursula avec une certaine muflerie. C'est aussi un des aspects de Boris Vian que sa légende a occulté. Sa timidité naturelle ne l'empêche pas de séduire. Pour lui, l'acte sexuel et l'érotisme sont les pendants sains de l'amour.

Au début de l'année 1959, Boris rentre à Paris dans sa Morgan après plusieurs mois de repos en Normandie. La société SIPRO qui avait acheté le droits d'adaptation à l'écran du roman J'irai cracher sur vos tombes l'a plusieurs fois mis en demeure de présenter le scénario qu'il était chargé d'écrire et qu'il tarde à donner à ses « nouveaux maîtres » au cinéma. Rentré à Paris, Vian se fait un plaisir de leur remettre ce qu'on lui réclame : un script de cent dix-sept pages d'ironie et de bouffonneries que la Sipro n'apprécie guère. La société lui répond sur papier bleu : {{Citation}} Considéré par les producteurs comme un scénario-bidon, le texte est remanié de façon à s'éloigner le plus possible du roman d'origine dont on a « élagué les incongruités faciles. » Le scénario original de Boris Vian sera publié dans Le Dossier de l'affaire « J'irai cracher sur vos tombes », textes réunis et présentés par Noël Arnaud, Christian Bourgois éditeur, 1974.

Le matin du {{Date}}, J'irai cracher sur vos tombes, film inspiré de son roman, est projeté au cinéma Le Marbeuf près des Champs-Élysées. Il a déjà combattu les producteurs. Il est convaincu que l'adaptation n'est pas de style, et il a publiquement dénoncé le film, annonçant qu'il souhaitait faire enlever son nom du générique. Michelle est venue, tous les amis sont là. Mais Boris, que son éditeur Denis Bourgeois (adjoint de Jacques Canetti et directeur du secteur « variétés » chez Philips) a convaincu d'aller à la projection malgré ses hésitations, ignorera ce qu'est devenu son roman à l'écran : accompagné de Denis Bourgeois et Jacques Dopagne à la projection, il s'effondre dans son siège quelques minutes après le début du film et, avant d'arriver à l'hôpital Laennec, meurt d'une crise cardiaque. Le Collège de 'Pataphysique annonce la mort apparente du « Transcendant Satrape ».

Il est enterré dans le cimetière de Ville-d'Avray. Rien sur sa tombe qu'il a voulue sobre n’indique son identité, hormis des témoignages d’affection laissés par les fans (portraits, poèmes).

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