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Stéphane Hessel naît à Berlin durant la Première Guerre mondiale. Son père, l'essayiste et traducteur allemand Franz Hessel, est le troisième fils d'Heinrich Hessel, Polonais protestant d'origine juive, ayant fait fortune dans le commerce des grains. La famille est installée à Berlin depuis 1889 et est parfaitement assimilée. Franz est baptisé dans la religion luthérienne. Sa mère, Helen Grund, est la fille cadette d'un banquier d'origine silésienne, dont la famille a eu du mal à accepter l'origine juive de Franz. Helen est l'héroïne anticonformiste de Jules et Jim, le roman autobiographique d'Henri-Pierre Roché racontant l'histoire du trio amoureux formé par Henri-Pierre (« Jim »), Helen (« Kathe ») et Franz (« Jules »). Cette histoire a été popularisée par le film de François Truffaut, où le rôle féminin (« Catherine ») est interprété par l'actrice Jeanne Moreau. Dans l’œuvre, en grande partie inédite, de Roché, Stéphane Hessel est figuré par le personnage de Kadi. Stéphane Hessel voit son père comme un homme merveilleusement bon, sage, érudit mais avec qui il gardera peu de contacts. Il se sent plus proche de sa mère dont il admire l'irrespect et l'ingéniosité. Il la voit comme un être brillant, exigeant et volontaire.
Stéphane Hessel passe son enfance dans la maison familiale à Berlin à {{unité}} du Tiergarten après un séjour à Hohenschäftlarn/ Schäftlarn, près de Munich. Cependant, avec l'inflation, le pouvoir d'achat de la famille diminue, les parents sont contraints de louer des pièces de la maison familiale. Franz Hessel travaille pour l'éditeur Ernst Rowohlt et Helen contribue aux finances de la famille. En 1925, désireuse de s'installer à Paris pour rejoindre Henri-Pierre Roché, elle obtient un travail de correspondante de mode pour le journal Frankfurter Zeitung grâce à Joseph Roth et la famille s'installe près de Paris à Fontenay-aux-Roses. Après un an passé à l'école communale de Fontenay-aux-Roses, Stéphane entre en {{6e}} à l'École alsacienne où il effectuera toute sa scolarité jusqu'au baccalauréat.
La famille emménage, durant l'été de 1927 à Paris même, rue Ernest-Cresson. Durant les années qui suivent, Stéphane a la chance de rencontrer Marcel Duchamp, Man Ray, Le Corbusier, Philippe Soupault, Jules Pascin, Calder, Picasso, Max Ernst et André Breton. Son père Franz partage son temps entre Paris et Berlin jusqu'en 1930 date à laquelle il s'installe de manière durable dans la capitale allemande. Il est rejoint un an plus tard par son fils aîné Ulrich Hessel tandis que Stéphane reste à Paris avec sa mère.
En juin 1933, Stéphane est reçu au baccalauréat de philosophie et en automne de la même année s'installe chez son oncle à Londres pour suivre les cours de la London School of Economics puis il revient à Paris étudier à l’École libre des sciences politiques. En 1935, il est inscrit en hypokhâgne à Louis-Le-Grand et, en 1937, il est reçu à l'École normale supérieure en tant qu'étranger. La même année, il obtient la nationalité française, ce qui le met dans une situation peu ordinaire : ne pouvant plus entrer à l'École normale puisque n'étant plus étranger, il doit se résoudre à repasser le concours. Ce qu'il fera avec succès en 1939, après une licence de philosophie. Au terme d'une « éducation sentimentale » auprès de Jeanne Nys, belle-sœur d'Aldous Huxley de dix-sept ans son aînée, il épouse, au retour d'un voyage commun en Grèce durant l'été de 1939, Vitia, une jeune juive russe, interprète de conférences et fille de Boris Mirkine-Guetzevitch, célèbre professeur de droit constitutionnel en France. Le mariage contrarie sa mère et les relations avec celle-ci s'en ressentiront durablement. Trois enfants naîtront après guerre de cette union, Anne, Antoine et Michel.
À l'automne de 1939, Stéphane Hessel est mobilisé et part faire ses classes à Saint-Maixent comme trois promotions de normaliens et, en mars 1940, il est affecté dans la Sarre. Envoyé au front, il assiste, sans avoir l'occasion de combattre, à la débâcle et, après une longue errance avec son unité, il dépose les armes à Saint-Dié et se retrouve dans le camp de prisonniers militaires de Bourbonne-les-Bains d'où il s'évade en compagnie du capitaine Segonne qui lui parle de l'appel du général de Gaulle. Il rejoint Vitia à Toulouse puis se rend à Marseille via Montpellier et Aziz. C'est là qu'il rencontre Varian Fry, qui est mandaté par Eleanor Roosevelt pour organiser, via le consulat des États-Unis, l'évasion de deux cents (qui seront finalement plus de deux mille) intellectuels en danger.
Plaque commémorative pour les exilés allemands et autrichiens de Sanary.
Franz Hessel, fuyant les persécutions nazies et revenu en France peu avant la Nuit de Cristal, est interné une première fois en septembre 1939 au camp de Colombes en tant qu'Allemand. Libéré grâce à l'intervention de Gabrièle Picabia, il est à nouveau interné en mai 1940 avec son fils Ulrich au camp des Milles d'où il est libéré grâce aux démarches de sa femme. La famille se retrouve pour Noël à Sanary-sur-Mer, village de la Côte d’Azur où sont réfugiés des intellectuels et artistes allemands depuis 1933. Mais, usé par les épreuves, Franz s'y éteint le {{date}} et Stéphane assiste à son enterrement, avec sa mère et son frère, en compagnie d'amis intellectuels et artistes exilés, comme les peintres Erich Klossowski et Anton Räderscheidt, ou encore les écrivains Hans Siemsen et Alfred Kantorowicz.
Stéphane Hessel rejoint alors Londres en passant par Oran, puis Lisbonne où il retrouve Vitia sur le départ pour les États-Unis. À Londres, il rencontre Christian Fouchet, qu'il a connu à l'École alsacienne et qui le convainc d'entrer dans l'aviation. En juin 1941, il est élève navigateur et en mars 1942, il obtient son brevet. Cependant une rencontre avec Tony Mella le conduit à préférer un poste au Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), comme agent de liaison avec l'état-major britannique, dans la section R. En novembre 1942, sa femme Vitia quitte les États-Unis pour le rejoindre.
En mars 1944, il est déposé à Saint-Amand-Montrond dans le cadre de la mission Gréco pour organiser la dispersion des émetteurs de la résistance. Dénoncé sous la torture par un compagnon de lutte, il est arrêté à Paris le 10 juillet et, sous le supplice de la baignoire, il parle à son tour. Le 8 août, il est déporté, en même temps que trente-six autres agents secrets britanniques, français et belges, en train, à Buchenwald, où ils sont détenus au bloc 17. Seize d'entre eux sont pendus le 11 septembre, onze autres sont exécutés le 5 octobre. Grâce à l'idée de l'agent secret du SOE, Forest Yeo-Thomas, deux prisonniers, l'opposant allemand Eugen Kogon, et le résistant Alfred Balachowsky, qui avaient été affectés aux expériences médicales (essais cliniques de médicaments contre le typhus avec injections de l'agent pathogène), obtiennent la complicité du kapo Arthur Dietzsch et du médecin du camp pour opérer des substitutions entre des agents secrets condamnés à mort et des prisonniers morts du typhus. Trois prisonniers sont ainsi sauvés : Forest Yeo-Thomas lui-même et il choisit Harry Peulevé et Stéphane Hessel. Stéphane Hessel prend alors l'identité de Michel Boitel, mort du typhus le 20 octobre 1944. Il est transféré à Rottleberode dans le Harz comme comptable dans l'usine de trains d'atterrissage. En janvier 1945, après une tentative d'évasion ratée, il est transféré à Dora où il échappe de peu à la pendaison et où il est affecté au nettoyage du camp. L'avancée des armées américaines provoque, le 4 avril, le transfert du camp vers Bergen-Belsen. Dans le train en marche, il démonte deux lattes du plancher, glisse entre les bogies, rejoint les lignes américaines à Hanovre. C'est de son régiment américain qu'il est renvoyé à Paris, où il arrive le 8 mai 1945
Selon l'historien Sébastien Albertelli, Stéphane Hessel sera par la suite l'une des deux personnes à trier les archives du BCRA avant leur ouverture partielle.
En octobre 1945, il se présente au concours du quai d’Orsay, concours ouvert aux anciens combattants, résistants ou déportés. Reçu quatrième, il entame une carrière dans la diplomatie, qui durera près de quarante ans.
Pour sa première affectation, il choisit un poste de diplomate en Chine mais un séjour préalable aux États-Unis chez les parents de sa femme le fait changer d'avis. C'est auprès d'Henri Laugier, secrétaire général adjoint dans la toute nouvelle ONU, qu'il demande à travailler. En 1946, il est donc secrétaire dans la troisième commission de l'assemblée générale chargée de préparer la rédaction de la charte des droits de l'homme, affecté à la section chargée de réunir les documents concernant les questions sociales et les droits de l'homme{{,}}. Il est ainsi un témoin privilégié de la rédaction du premier volet de la charte des droits de l'homme dont il assiste à la signature à Paris en 1948{{,}} (Stéphane Hessel : « J'ai assisté à sa rédaction (…). Mais de là à prétendre que j'en aurais été le corédacteur ! » « Ce travail auquel j'ai été très modestement associé »). Stéphane Hessel considère le vote de cette déclaration en décembre 1948 à Paris comme « un des instants les plus émouvants de [sa] vie » car représentant un des ultimes consensus de la communauté internationale alors que commence la guerre froide.
En 1951, il obtient un poste au ministère des Affaires étrangères, représentant la France aux institutions internationales sur les droits de l'homme et les questions sociales, poste qu'il occupe jusqu'en 1954. Il découvre l'Afrique noire pour la première fois en 1953, lorsqu'il est amené à préparer l'installation d'un bureau régional de l'OMS, à Brazzaville. En juin 1954, Pierre Mendès France devient président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Stéphane Hessel, qui fait partie de la même famille politique, quitte le secrétariat des conférences pour le cabinet de Georges Boris et lorsque Pierre Mendès France quitte les Affaires étrangères pour Matignon, l'équipe dont Stéphane Hessel fait partie le rejoint.
À la chute de Mendès France, Henri Hoppenot invite Stéphane Hessel à l'accompagner au Vietnam pour préparer son unification. Il se rend alors à Saigon avec femme et enfants et y reste deux ans (de 1955 à 1957). De retour en France, il est détaché à l'Éducation Nationale comme directeur de la coopération à Paris. Il occupe ce poste pendant 5 ans (de 1958 à 1963). De 1963 à 1969, il est en poste à Alger comme diplomate à l'ambassade, où il est chargé de la coopération. En 1969, Pompidou lui propose le poste de directeur aux Nations unies et aux organisations internationales, où son rôle est de s'assurer que les représentants soient bien informés des désirs du ministre. À l'automne 1970, {{lien}} l'invite à New York pour travailler à ses côtés comme administrateur adjoint au programme des Nations unies pour le développement, où il s'occupe de la politique et de l'évaluation. Il y reste jusqu'à l'arrivée de Rudolph A. Peterson en 1972. Il est alors sans poste à Paris et se trouve à la tête de la délégation française à la Commission économique et sociale pour l'Asie et le Pacifique. En 1974, il est recruté par Pierre Abelin pour entamer une réforme sur la coopération. Il organise des missions de dialogue chargées de se rendre dans les 18 pays signataires des accords de Yaoundé, pour porter un regard critique sur la coopération. Sa connaissance supposée de l'Afrique fait qu'il est choisi en mai 1975 comme négociateur dans l'affaire Claustre. Peu au fait des mécanismes associés à ce rôle, il accumule les erreurs et sa mission est un échec cuisant. Il devient persona non grata dans la coopération africaine, notamment à Ndjamena. En 1976, il travaille à l'Office National pour la promotion culturelle des immigrés, office chargé de promouvoir les cultures de l'immigration, en collaboration avec les pays d'origine. Après l'arrivée de Lionel Stoléru, cet office disparait.
En 1977, Valéry Giscard d'Estaing le nomme ambassadeur auprès de l'ONU à Genève, ce qui est sa première et seule ambassade. Il s'intéresse principalement au problème du développement et tente d'exercer une influence sur les décisions de la CNUCED. Il élabore un traité, mort né, pour la création d'un fonds commun pour les produits de base, au bénéfice des pays pauvres. Il reste à ce poste jusqu'en 1981.
À son arrivée au pouvoir, en 1981, François Mitterrand, que Stéphane Hessel a connu ministre de l'Intérieur dans le cabinet Mendès, l'élève à la dignité d'ambassadeur de France. Il est appelé à Paris par Claude Cheysson pour travailler sur la réforme de la politique française au développement et est nommé délégué interministériel pour la coopération et l'aide au développement. Quand la question du rattachement de Mayotte à la République des Comores est soulevée en 1982, il est envoyé sur place pour une mission d'observation. Son rapport, favorable au désengagement de la France, n'est pas suivi. La démission de Jean-Pierre Cot de son poste de ministre délégué à la coopération signe le départ de Stéphane Hessel. Le président de l'Assemblée nationale, Louis Mermaz, le choisit le 22 août 1982 pour être un des neuf membres de Haute Autorité de la communication audiovisuelle chargée, sous la présidence de Michèle Cotta de préserver la liberté de l'information dans le complexe dossier de l'attribution des fréquences aux toutes nouvelles radios locales privées. Ce mandat expire le 10 août 1985.
Sa femme Vitia meurt en 1986 et il épouse, en 1987, Christiane Chabry, pour qui il éprouve depuis trente ans une profonde affection tout en revendiquant un amour indéfectible pour sa première femme.
En 1988, Lionel Stoléru exhibe le rapport d'un groupe de travail sur l'immigration que Stéphane Hessel avait présidé quelques années auparavant et dont il choisit le titre : « Immigrations : le devoir d'insertion ». En 1990, appelé par le premier ministre Michel Rocard, il siège au Haut Conseil à l'intégration, nouvellement créé, poste qu'il occupe jusqu'en 1993. Dans un rapport commandé par celui-ci, intitulé « Les Relations de la France avec les pays en développement » et remis en 1990, Stéphane Hessel écrit que la politique française devrait être {{Citation}}. Il critique la conception des rapports avec les chefs d'État africains, le gaspillage des crédits et des aides depuis les indépendances. Ce rapport, peu apprécié à l'Élysée, est retiré de la circulation et enterré, comme la plupart des études visant à une transformation de la politique française de coopération en Afrique.
En 1993, il est choisi pour représenter la France à la Conférence mondiale sur les droits de l'homme des Nations unies, qui se tient à Vienne.
À la retraite, Stéphane Hessel reste un ardent défenseur des droits de l'homme et milite pour la paix et la dignité{{,}}{{,}}.
Stéphane Hessel a été membre de la Commission française consultative des droits de l'homme, que René Cassin avait fondée, ainsi que du Haut Conseil de la coopération internationale.