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Émile-Auguste Chartier est né le 3 mars 1868 à Mortagne-au-Perche de Étienne Chartier, vétérinaire et de Juliette-Clémence Chaline. Ses grands-parents maternels Pierre-Léopold Chaline et Louise-Ernestine Bigot sont des commerçants de Mortagne connus et très présents dans la vie communale. Alain a également pour cousin l’abbé Chaline, grâce à qui le sujet de la religion aura une place toute particulière dans son étude et sa réflexion philosophique. Il tient fondamentalement une grande part de son radicalisme de son père et de son grand-père.
En 1881, il entre au lycée d'Alençon où il passe cinq ans.
Se destinant d'abord à l’École polytechnique, il opte finalement pour une préparation littéraire qu'il effectue comme externe au lycée Michelet. Là, il fait la rencontre décisive de Jules Lagneau, qui l’oriente vers la philosophie.
Après l'École normale supérieure, il est reçu à l'agrégation de philosophie puis est nommé professeur successivement aux lycées Joseph-Loth à Pontivy, Dupuy de Lôme à Lorient, à Rouen (lycée Corneille de 1900 à 1902) et à Paris (lycée Condorcet puis au lycée Michelet). Il s'engage politiquement du côté républicain et radical, donnant des conférences pour soutenir la politique laïque de la République. En 1902, après l'échec du candidat Louis Ricard dont il organise la campagne à Rouen, il se retire du militantisme politique, se consacrant aux universités populaires qui se sont créées à la suite de l'Affaire Dreyfus et à l'écriture. À partir de 1903, il publie (dans La Dépêche de Rouen et de Normandie) des chroniques hebdomadaires qu'il intitule « Propos du dimanche », puis « Propos du lundi », avant de passer à la forme du Propos quotidien. Plus de 3000 de ces « Propos » paraîtront de février 1906 à septembre 1914. Devenu professeur de khâgne au lycée Henri-IV en 1909, il exerce une influence profonde sur ses élèves (Simone Weil, Raymond Aron, Georges Canguilhem, André Maurois, Julien Gracq, etc.). Alain a également enseigné à partir de 1906 au Collège Sévigné, à Paris.
À l'approche de la guerre, Alain milite dans ses Propos pour la paix en Europe et refuse la perspective d'un conflit avec l'Allemagne dont il pressent qu'il serait d'une violence inédite. Lorsque la guerre est déclarée, sans renier ses idées, il devance l'appel et s'engage, fidèle à un serment prononcé en 1888 lorsque la loi de l'époque permettait aux enseignants d'être dispensés de service militaire. Acceptant le bénéfice de la dispense, il avait juré de s'engager si une guerre survenait, ne supportant pas l'idée de demeurer à l'arrière quand les « meilleurs » sont envoyés au massacre.
Brigadier au {{3e}} régiment d'artillerie, il refuse toutes les propositions de promotion à un grade supérieur. Le 23 mai 1916, il se broie le pied dans un rayon de roue de chariot lors d'un transport de munitions vers Verdun. Après quelques semaines d'hospitalisation et de retour infructueux au front, il est affecté pour quelques mois au service de météorologie, puis il est démobilisé en 1917.
Vésinet]] où vécut Alain de 1917 à 1951.
Ayant vu de près les atrocités de la Grande Guerre, il publie en 1921 son célèbre pamphlet Mars ou la guerre jugée. Sur le plan politique, il s’engage aux côtés du mouvement radical en faveur d'une république libérale strictement contrôlée par le peuple. En 1927, il signe la pétition (parue le 15 avril dans la revue Europe) contre la loi sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre, qui abroge toute indépendance intellectuelle et toute liberté d’opinion. Son nom côtoie ceux de Lucien Descaves, Louis Guilloux, Henry Poulaille, Jules Romains, Séverine… et ceux des jeunes normaliens Raymond Aron et Jean-Paul Sartre. Jusqu'à la fin des années 1930, son œuvre sera guidée par la lutte pour le pacifisme et contre la montée des fascistes. La rédaction des Propos reprend, mais sous forme de revue, de 1921 à 1936, avec une interruption de 1924 à 1927, où ils sont accueillis par la revue Emancipation de Charles Gide. En 1934, il est cofondateur du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA).
À partir de 1937, Alain se consacre pour l'essentiel à l'écriture privée de son Journal tandis que sont publiés plusieurs recueils thématiques rassemblant des Propos antérieurs, et poursuit sa collaboration à la Nouvelle Revue française y compris après que Drieu La Rochelle en a pris la direction sous l'Occupation nazie.
En 1936, alors qu'il est depuis longtemps atteint de crises régulières de rhumatismes qui l'immobilisent, une attaque cérébrale le condamne au fauteuil roulant. Il participe néanmoins, mais de loin, aux travaux du Comité de Vigilance des Intellectuels antifascistes, milite ardemment pour la paix, rassemble les deux volumes de Propos qu'il intitulera Convulsions de la Force et Échec de la Force, soutient un moment les efforts pacifistes de Giono, même si, partisan de toujours de la guerre défensive, il désapprouve toute idée de désarmement. Il soutient en revanche les accords de Munich, heurté par les appels à l'Union sacrée des bellicistes en France où il lui semble retrouver la volonté de censure des opinions dissidentes et pacifistes qui ont puissamment contribué au développement de la Première Guerre mondiale. Anti-fasciste convaincu, il ne semble ne pas mesurer la puissance réelle et la dimension spécifique de l'hitlérisme, considérant la France comme la puissance dominante dans le rapport de force international. Il signe en septembre 1939 le tract "Paix immédiate" du militant anarchiste Louis Lecoin. L'entrée en guerre et la débâcle sont pour lui un effondrement. Alain ne prend aucune position publique pendant la guerre, et l'on ne peut restituer son opinion qu'à travers le style heurté, lapidaire et volontiers paradoxal de son Journal. En 1940, il accepte la défaite, et ne souhaite pas la poursuite des hostilités. La collaboration pétainiste lui semble un moindre mal dans la continuité de son engagement pacifiste. {{ref nec}} En 1943, il est sollicité pour apporter son patronage à la Ligue de la pensée française, de René Château, initiative qui ne semble pas s'être concrétisée.
Très affaibli, pratiquement coupé du monde et de la guerre, que même ses amis évitent d'évoquer devant lui, il connaît de 1940 à 1942 des années très sombres, au moral comme au physique, d'autant qu'il perd en 1941 son amie de cœur et fidèle collaboratrice Marie-Monique Morre-Lambelin, et en 1944 son ancien élève et son plus proche disciple Jean Prévost, tué dans le Vercors. Son Journal (1937-1950, encore largement inédit) porte néanmoins la marque de la renaissance de son activité littéraire à partir de 1943. C'est pour l'essentiel la relecture des grandes œuvres qui le ramène à l'écriture. Il rédigera encore en 1947 les Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant ainsi que les Souvenirs sans égards, divers articles et préfaces, l'ébauche d'un Marx en 1950. Décédé en 1951, il est enterré au cimetière du Père-Lachaise (division 94).
Trois associations contribuent aujourd'hui à faire connaître et à diffuser son œuvre en se chargeant de la réédition et de la publication de textes inédits. L'Institut Alain est dirigé par l'administrateur littéraire de l'œuvre. L'Association des Amis d'Alain et l'Association des Amis du Musée Alain et de Mortagne (laquelle a pour centre le musée Alain de sa ville natale) perpétuent le souvenir.