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Rousseau, Jean-Jacques (1712-1778)

Contents


Biographie

Famille et enfance

Statue de Jean-Jacques Rousseau à Genève sa ville nataleRaymond Trousson, dans la biographie qu'il consacre à Jean-Jacques Rousseau, indique que la famille était originaire de Monthléry, près d'Étampes, au sud de Paris. L'aïeul de Jean-Jacques, Didier Rousseau, quitte Monthléry pour fuir la persécution religieuse contre les protestants. Il s'installe à Genève en 1549 où il ouvre une auberge.

L'arrière petit-fils de Didier Rousseau, David Rousseau (1641-1738) est le grand-père de Jean-Jacques Rousseau. Il exerce comme son père, Jean Rousseau, le métier d'horloger, profession respectée et lucrative dans ce temps. Il épouse Suzanne Cartier qui lui donnera de nombreux enfants dont six atteindront l'âge adulte ; trois garçons, David, André et Isaac le père de Jean-Jacques (on ignore ce que deviendront les deux premiers) ; trois filles, Clermonde qui épousera Antoine Fazy, Théodora et Suzanne, ces deux tantes joueront un rôle plus actif dans la vie de Jean-Jacques.

Jean-Jacques Rousseau, est né le {{date de naissance}} au domicile de ses parents situé Grand-Rue dans la ville haute de Genève. Il est le fils d'Isaac Rousseau (Genève, 1672 - Nyon, 1747), horloger comme son père et son grand-père, et de Suzanne Bernard (Genève, 1673 - Genève, 1712), elle-même fille d'un horloger nommé Jacques Bernard. Ses parents se marient en 1704, après qu'une première union eut réuni les deux familles puisque le frère de Suzanne, Gabriel Bernard avait épousé la sœur d'Isaac, Théodora Rousseau en 1699. Un premier garçon, François, naît le {{date}}. Puis Isaac laisse femme et nouveau-né à Genève pour exercer son métier d'horloger à Constantinople. Il y restera six ans et reviendra au foyer en 1711, le temps de faire un deuxième enfant avec sa femme ; cette dernière décédera malheureusement de fièvre puerpérale le {{date}}, neuf jours après la naissance de Jean-Jacques Rousseau{{sfn}}.

Isaac Rousseau, membre de la petite minorité de Genevois bénéficiant du rang de citoyen, a un caractère parfois violent. À la suite d'une altercation avec un compatriote, il se réfugie à Nyon dans le canton de Vaud, le {{date}}, pour échapper à la justice. Il ne reviendra jamais à Genève, mais conservera quelques contacts avec ses fils, notamment Jean-Jacques qui fera régulièrement le voyage à Nyon et à qui il communiquera sa passion pour les livres. Il confie sa progéniture à son double beau-frère Gabriel Bernard en s'engageant à lui verser une pension.

À partir de l'âge de dix ans, Rousseau est donc élevé par son oncle Gabriel, un pasteur protestant qu'il prend pour son grand-père, et sa tante Suzanne. Son frère, François, quitte le domicile très tôt et l'on perd sa trace en Allemagne, dans la région de Fribourg-en-Brisgau. Rousseau est ensuite confié en pension au pasteur Lambercier à Bossey au pied du Salève, au sud de Genève, où il passe deux ans (1722 - 1724) en compagnie de son cousin Abraham Bernard.

Son oncle le place ensuite en apprentissage chez un greffier, puis, devant le manque de motivation de l'enfant, chez un maître graveur, Abel Ducommun. Le contrat d'apprentissage est signé le {{date}} pour une durée de cinq ans. Jean-Jacques qui a connu jusqu'à présent une enfance heureuse, ou tout au moins apaisée, va être alors confronté à une rude discipline. Le {{date}}, rentrant de balade sur le tard et trouvant les portes de Genève fermées, il décide de fuir (craignant d'être à nouveau battu par son maître), non sans avoir fait ses adieux à son cousin Abraham.

Madame de Warens et la conversion au catholicisme

Madame de Warens]] à Annecy.

Après quelques journées d'errance, il se réfugie par nécessité alimentaire auprès du curé de Confignon, Benoît de Pontverre. Celui-ci l'adresse à une Vaudoise de Vevey, la baronne Françoise-Louise de Warens, récemment convertie au catholicisme. La baronne s'occupait des candidats à la conversion. Rousseau s'en éprend et elle sera plus tard sa tutrice et sa maîtresse. Dans les Confessions, Rousseau souhaite que leur rencontre, le 21 mars 1728, soit matérialisée par un balustre d'or. Aussi peut-on observer à Annecy une niche abritant un buste du philosophe et une fontaine entourée d'un grillage doré, avec un bassin sur lequel est écrit {{Citation}}. La baronne l'envoie à Turin à l'hospice des catéchumènes de Spirito Santo où il arrive le 12 avril 1728. Il s'accommode assez vite de la conversion au catholicisme marquée par son baptême le 23 avril, même s'il prétend dans ses Confessions avoir longuement résisté. Il réside quelques mois à Turin en semi-oisif, vivotant grâce à quelques emplois de laquais-secrétaire et recevant conseils et subsides de la part d'aristocrates et abbés auxquels il inspire quelque compassion. C'est lors de son emploi auprès de la Comtesse de Vercellis que survient l’épisode du larcin (vol du ruban rose appartenant à la nièce de {{Mme}}) commis par le jeune homme et dont il fait lâchement retomber la faute sur une jeune cuisinière qui est renvoyée.

L'espérance déçue de ne pouvoir s'élever de sa condition, Rousseau se dissipe jusqu'à décourager ses protecteurs et il reprend, le cœur léger, le chemin de Chambéry pour retrouver la baronne de Warens en juin 1729. Jean-Jacques est encore un adolescent, timide, émotif à la recherche d'affection féminine qu'il trouve auprès de la baronne. Il est le « Petit », il la nomme « Maman », devenant son factotum. Le jeune homme s'intéressant à la musique, elle l'encourage en octobre à se placer auprès d'un maître de chapelle, {{M.}}. Mais une escapade à Lyon se termine brutalement par une crise d'épilepsie de Le Maître que Rousseau, affolé, abandonne en pleine rue. La poursuite du voyage à Paris est un échec et il va connaître une année de tribulations en Suisse où il donne ses premières leçons de musique à Neuchâtel en novembre 1730. En avril 1731, il devient interprète d'un faux archimandrite rencontré à Boudry, mais cet escroc est vite démasqué.

En septembre 1731, il retourne auprès de {{Mme}}. Il y trouve aussi Claude Anet, sorte de valet-secrétaire, mais aussi amant de la maîtresse de maison. {{Mme}} est à l'origine d'une grande partie de son éducation sentimentale et amoureuse. Le curieux ménage à trois fonctionne tant bien que mal jusqu'au décès de Claude Anet d'une pneumonie le 13 mars 1734. « Maman » et Rousseau s'installent pendant l'été et l'automne aux Charmettes. Pendant ces quelques années idylliques et insouciantes selon ses Confessions, Rousseau s'adonne à la lecture en puisant dans l'importante bibliothèque de {{M.}} avec laquelle il va se fabriquer « un magasin d'idées ». Grand marcheur, il décrit le bonheur d'être dans la nature, le plaisir lié à la flânerie et la rêverie, au point d'être qualifié de dromomane. Il travaille aux services administratifs du cadastre du duché de Savoie, puis comme maître de musique auprès des jeunes filles de la bourgeoisie et de la noblesse chambériennes. Mais sa santé est fragile. « Maman » l'envoie en septembre 1737 consulter un professeur de Montpellier, le docteur Fizes, sur son polype au cœur. C'est au cours de ce voyage qu'il fait la connaissance de Madame de Larnage âgée de vingt ans de plus que lui, mère de dix enfants, sa vraie initiatrice à l'amour physique.

De retour à Chambéry, il a la surprise de trouver auprès de Madame de Warens un nouveau converti et amant, Jean Samuel Rodolphe Wintzenried, et le ménage à trois reprend. En 1739, il écrit son premier recueil de poèmes, Le Verger de Madame la baronne de Warens, poésie grandiloquente éditée en 1739 à Lyon ou Grenoble.

Les premiers contacts avec le monde des Lumières françaises

Rousseau rentre dans l'orbite de deux figures importantes des lumières, Condillac et d'Alembert, lorsqu'en 1740, il trouve un emploi de précepteur auprès des deux fils du prévôt général de Lyon, {{M.}}. Ce dernier est le frère ainé de Gabriel Bonnot de Mably et Étienne Bonnot de Condillac qui feront tous deux une carrière littéraire{{sfn}} Rousseau compose pour le plus jeune des deux fils un Projet pour l'éducation de M. de Sainte-Marie. Il a l'occasion de fréquenter la bonne société lyonnaise et de gagner quelques amitiés, notamment celle de Charles Borde qui l'introduira dans la capitale. Chambéry est proche et il peut rendre quelques visites à « Maman », mais les liens sont distendus. Après une année difficile auprès de ses jeunes élèves, Rousseau et {{M.}} s'accordent pour mettre fin au contrat. Rousseau décide alors de tenter sa chance à Paris.

De retour à Chambéry en 1741, Rousseau, qui avait appris en autodidacte la théorie musicale, entreprend d'inventer un système de notation musicale en supprimant la portée pour lui substituer un système chiffré. Il dispose d'une lettre d'introduction auprès de {{M.}} qu'il retrouve à Paris en août 1742, ce dernier le présente à Réaumur. Il peut ainsi rapidement présenter son projet à l'Académie des Sciences en 1742. Mais il lui est répondu que le système n'est pas nouveau, l'inventeur étant le père Souhaitty et surtout peu efficace. Rousseau n'en démord pas, améliore son projet et le fait publier à ses frais sous le titre de Dissertation sur la musique moderne, mais sans rencontrer le succès espéré. À cette époque, il se lie d'amitié avec Denis Diderot tout aussi méconnu que lui, et reçoit les conseils du père Castel. Il fréquente le salon de Madame de Beserval et de Madame Dupin qu'il tente vainement de séduire. Bonne âme, elle lui confie quelque temps l'éducation de son fils, Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux en 1743.

Rousseau voyait souvent Condillac à l'époque où il composait l'acte d'Hésiode des Muses galantes, c'est-à-dire en 1743. En juillet 1743, il est embauché comme secrétaire de Pierre-François, comte de Montaigu qui vient d'être nommé ambassadeur à Venise. Sa connaissance de l'italien et son zèle le rendent indispensable auprès d'un ambassadeur incompétent. Il apprécie la vie animée de Venise (spectacles, amours tarifées) et par dessus tout la musique italienne. Mais son importance supposée le rend arrogant et Montaigu le congédie au bout d'un an. Il est de nouveau à Paris le 10 octobre 1744. Cette courte expérience lui a néanmoins permis d'observer le fonctionnement du régime vénitien. C'est à ce moment, alors qu'il a 31 ans, que son intérêt pour la politique s'éveille, et il conçoit le projet d'un grand ouvrage qui se serait intitulé Les Institutions politiques, et qui deviendra le fameux Du contrat social. Il y travaille de temps à autre pendant plusieurs années.

Il s'installe derechef à l'hôtel Saint-Quentin, rue des Cordiers, où il se met en ménage avec une jeune lingère, Marie-Thérèse Le Vasseur en 1745. Marie-Thérèse lui apporte l'affection qui lui manque et elle restera auprès de lui sa vie durant. Il épousera Thérèse civilement à Bourgoin-Jallieu le 30 août 1768. Jean-Jacques devra supporter non seulement cette femme bavarde et inintelligente, mais aussi toute la famille de celle-ci. Entre 1747 et 1751, naîtront de cet amour ancillaire cinq enfants que Jean-Jacques Rousseau, peut-être sur l'insistance de la mère de Marie-Thérèse, fera placer sans regret aux Enfants-Trouvés, l'assistance publique de l'époque. Il expliquera d'abord qu'il n'avait pas les moyens d'entretenir une famille, puis au livre 8 des Confessions, où il écrit clairement qu’il a livré ses enfants à l'éducation publique en considérant cet acte comme un acte de citoyen, de père, et en représentant de la République idéale selon Platon. Au livre suivant des Confessions, il écrit également qu'il fit ce choix principalement pour soustraire ses enfants à l'emprise de sa belle-famille qu'il jugeait néfaste. Cette décision lui sera reprochée plus tard par Voltaire, lorsque Rousseau se posera en pédagogue dans son livre Émile, et par ce que Rousseau appelle la « coterie holbachique » (l'entourage de Holbach, Grimm, Diderot, etc.). Cependant, certains des amis de Rousseau, dont Madame d'Épinay avant sa brouille avec Jean-Jacques pour son amitié avec Grimm, offriront d'adopter ces enfants.

Il se met au travail et rédige quelques pièces en prose ou poésie. En mai 1743, il commence la composition d'un ballet héroïque, les Muses galantes, qui est représenté en 1744. Certaines pièces sont jouées en privé, mais n'apportent aucune notoriété à l'auteur. Il en est de même pour les récitatifs qu'il compose pour La Princesse de Navarre mais ils lui permettent de se prévaloir d'une maigre collaboration à la comédie-ballet du duo Voltaire-Rameau. Il gagne sa vie en exerçant les fonctions de secrétaire, puis de précepteur chez les Dupin de 1745 à 1751. Il étend surtout le cercle de ses relations en fréquentant Dupin de Francueil et sa maîtresse Louise d'Épinay, Condillac, d'Alembert, Grimm qui partage sa passion pour la musique et surtout Denis Diderot qui commence son œuvre originale et pour lequel Jean-Jacques éprouve une vive amitié et une sincère admiration. Diderot l'invite à participer au grand projet de l'Encyclopédie en lui confiant, en 1749, les articles sur la musique.

La célébrité et ses tourments

Pierre-Alexandre Du Peyrou, riche habitant de Neuchâtel et son ami, qui a publié une partie de son œuvre.

Les premières grandes œuvres

En 1749, l'Académie de Dijon met au concours la question Le progrès des sciences et des arts a-t-il contribué à corrompre ou à épurer les mœurs ? Encouragé par Diderot, Rousseau participe au concours. Son Discours sur les sciences et les arts (dit Premier Discours) qui soutient que le progrès est synonyme de corruption, obtient le premier prix, en juillet 1750. L'ouvrage est publié l'année suivante. Ce discours suscite de nombreuses réactions ; pas moins de 49 observations ou réfutations paraissent en deux ans, parmi lesquels ceux de Charles Borde, l'abbé Raynal, jusqu'à Stanislas Leszczynski ou Frédéric II, ce qui permet à Rousseau d'affiner son argumentation dans ses réponses et apporte la notoriété à l'auteur.

Rousseau abandonne alors ses emplois de secrétaire et précepteur pour se rendre indépendant, il vit alors grâce à sa fonction de copiste (transcription de partitions musicales) ; il adopte une attitude physique et vestimentaire plus en harmonie avec les idées développées dans le Discours. Mais ce sont ces idées qui vont l'éloigner progressivement de Diderot et des philosophes de lEncyclopédie.

Le 18 octobre 1752, son intermède en un acte, Le Devin du village est représenté devant le roi Louis XV et la Pompadour, à Fontainebleau. L'opéra est un succès, mais Rousseau se dérobe le lendemain à la présentation au roi, refusant de ce fait la pension qui aurait pu lui être accordée. Il fait jouer immédiatement après sa pièce Narcisse, à laquelle Marivaux avait apporté quelques retouches.

Cette année 1752 voit le début de la Querelle des Bouffons. Rousseau y prend part auprès des encyclopédistes en rédigeant sa Lettre sur la musique française où il soutient la primauté de la musique italienne sur la musique française, celle de la mélodie sur l'harmonie, écorchant au passage Jean-Philippe Rameau.

En 1754, l'Académie de Dijon lance un autre concours auquel il répond par son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (également appelé Second Discours), qui achève de le rendre célèbre. Rousseau y défend la thèse que l'homme est naturellement bon et dénonce l'injustice de la société. L'œuvre suscite, comme le Premier Discours, une vive polémique de la part notamment de Voltaire, Charles Bonnet, Castel et Fréron. Sans attendre le résultat du concours, il décide de se ressourcer à Genève, non sans rendre au passage une visite à sa vieille amie, {{Mme}}. Célèbre et admiré, il est bien accueilli. Dans le domaine des idées, Rousseau s'éloigne des encyclopédistes, athées qui croient au progrès, alors que lui prône la vertu et l'amour de la nature. Il reste fondamentalement croyant. Il abjure le catholicisme, réintègre le protestantisme et redevient par là citoyen de Genève, un statut héréditaire qui ne peut se perdre que par abandon du calvinisme{{sfn}}. Il commande à Genève l'édition du discours sur l'inégalité, mais ne reste que quelques mois dans la cité. Il est de nouveau à Paris le 15 octobre.

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Des grandes œuvres mais une difficulté grandissante à s'intégrer dans la société

Louise d'Epinay qui a prêté à Rousseau l'Ermitage en Forêt de Montmorency.

{{pas clair}}. Progressivement, sa célébrité devient {{citation}} selon ses propres termes, cette célébrité qu’il a cherchée comme une arme sociale se retourne contre lui, et il entre dans une paranoïa, confronté à la personnalité publique qu’est devenu « Jean-Jacques », celle que les gens veulent voir, rencontrer, dont des portraits circulent{{,}}. En avril 1756, {{Mme}} met à la disposition de Rousseau l'Ermitage, une maisonnette située à l'orée de la forêt de Montmorency. Il s'y installe avec Thérèse Levasseur et la mère de celle-ci, puis commence à rédiger son roman Julie ou la Nouvelle Héloïse et son Dictionnaire de la musique. Il entreprend aussi, à la demande de {{Mme}}, la mise en forme des œuvres de l'abbé de Saint-Pierre. Au début 1757, Diderot envoie à Rousseau son drame Le Fils naturel. On y trouve la phrase {{Citation}}. Rousseau prend cette réplique pour un désaveu de ses choix et il s'ensuit une première dispute entre les amis.

Au cours de l'été, Diderot éprouve des difficultés pour faire paraître l'Encyclopédie à Paris. Ses amis Grimm et Saint-Lambert sont enrôlés dans la guerre de Sept Ans. Ils confient au vertueux Rousseau leur maîtresses respectives, {{Mme}} et {{Mme}}. Il tombe amoureux de cette dernière. S'ensuit une idylle vraisemblablement platonique, mais, du fait de maladresses et d'indiscrétions, les rumeurs vont bon train jusqu'aux oreilles de l'amant. Rousseau en accuse successivement ses amis Diderot, Grimm et {{Mme}} qui vont définitivement lui tourner le dos. {{Mme}} lui signifie son congé, et il doit quitter l'Ermitage en décembre. Il part s'installer à Montmorency où il loue la maison Mont-Louis.

Dans sa Lettre à M. d'Alembert (1758) il s'oppose à l'idée défendue par ce dernier selon laquelle Genève aurait intérêt à construire un théâtre. Selon Rousseau, le théâtre affaiblirait l'attachement des citoyens à la vie de la cité{{sfn}}.

Isolé à Montmorency et atteint de la maladie de la pierre, il devient bourru, misanthrope et cynique. Il gagne toutefois l'amitié et la protection du maréchal de Luxembourg et de sa deuxième épouse. Il reste cependant très jaloux de son indépendance ce qui lui laisse le temps d'exercer une intense activité littéraire. Il achève son roman Julie ou la Nouvelle Héloïse qui obtient un immense succès, et travaille à ses essais Émile, ou De l'éducation et Du contrat social. Les trois ouvrages vont paraître en 1761-1762 grâce à la complaisance de Malesherbes, alors directeur de la Librairie. Dans La Profession de foi du vicaire savoyard, extrait de l'Émile, Rousseau réfute autant l'athéisme et le matérialisme des Encyclopédistes que l'intolérance dogmatique du parti dévot. Dans Le Contrat Social, le fondement de la société politique repose sur la souveraineté du peuple et l'égalité civique devant la loi, expression de la volonté générale. Ce dernier ouvrage inspirera l'idéologie pré-révolutionnaire. Si lÉmile et le Contrat social, marquent le sommet de la pensée de Rousseau, ils isolent cependant l'auteur du monde. En effet, le Parlement de Paris et les autorités de Genève estiment qu'ils sont religieusement hétérodoxes et les condamnent{{sfn}}.

Les années difficiles

Errance : Genève, Berne, Paris, le Staffordshire

Ces dernières publications, Rousseau les a voulues malgré les inquiétudes de ses amis et des éditeurs hollandais. Menacé de prise de corps par la Grande Chambre du Parlement de Paris en juin 1762, il doit fuir seul la France avec l'aide du maréchal de Luxembourg ; Thérèse le rejoindra plus tard. Il évite Genève et se réfugie à Yverdon chez son ami Daniël Roguin. Si sa condamnation à Paris est surtout due à des motifs religieux, c'est le contenu politique du Contrat Social qui lui vaut la haine de Genève. Berne suit Genève et prend un décret d'expulsion. Rousseau doit quitter Yverdon et se rend à Môtiers auprès de Madame Boy de La Tour. Môtiers est situé dans la principauté de Neuchâtel qui relève de l'autorité du roi de Prusse Frédéric II. Ce dernier accepte d'accorder l'hospitalité au proscrit. La lande et l'île Saint-Pierre où vécut Rousseau, vue du nord. Les malheurs de Rousseau n'ont pas attendri les philosophes qui continuent à l'accabler, notamment Voltaire et D'Alembert. Physiquement, la maladie de la pierre le fait souffrir et il doit être régulièrement sondé. C'est alors qu'il adopte le long vêtement arménien plus commode pour cacher son affection. Il se remet à écrire un mélodrame, Pygmalion puis une suite à L'Émile, Émile et Sophie, ou les solitaires qui restera inachevée.

L'Émile est mis à l'Index en septembre 1762 et Christophe de Beaumont, archevêque de Paris lance l'anathème contre les idées professées par le Vicaire savoyard. Rousseau y répond par une Lettre à Christophe de Beaumont qui paraîtra en mars 1763, libelle contre l'Église romaine, mais qui ne calmera pas les ardeurs des pasteurs ennemis de Rousseau à Genève. Ces derniers mènent une lutte sourde contre les amis de Jean-Jacques qui cherchent vainement à le réhabiliter. Fatigué, Rousseau va finir par renoncer le 12 mai 1763 à la citoyenneté genevoise. Entre temps il se passionne pour la botanique et fait publier son Dictionnaire de la musique, fruit de seize années de travail.

Le conflit devient politique avec la publication des Lettres de la campagne de Jean-Robert Tronchin, procureur général auprès du Petit Conseil de Genève, auquel Rousseau réplique par ses Lettres de la montagne où il prend position en faveur du Conseil général, représentant le peuple souverain, contre le droit de véto du Petit Conseil. Les lettres sont publiées en décembre 1764, mais sont brûlées à La Haye et Paris, interdites à Berne. C'est le moment que choisit Voltaire pour publier anonymement Le Sentiment des citoyens où il révèle publiquement l'abandon des enfants de Rousseau. Le pasteur de Môtiers, Montmollin, qui l'avait accueilli lors de son arrivée, cherche alors à l'excommunier avec le soutien de la « Vénérable Classe de ses confrères de Neuchâtel ». Mais Rousseau est protégé par un rescrit de Frédéric II. Il passe toutefois pour un séditieux et la population rameutée par Montmollin devient si menaçante que, le 10 septembre 1765, Jean-Jacques se réfugie provisoirement dans l'île Saint-Pierre sur le lac de Bienne ; le gouvernement bernois l'expulse toutefois le 24 octobre. Jean-Jacques Rousseau confie alors à son ami Du Pêyrou une malle contenant tous les papiers qu'il possédait (manuscrits, brouillons, lettres et copies de lettres).

Louis Carrogis]]. Rousseau, dès lors, vit dans la hantise d'un complot dirigé contre lui et décide de commencer son œuvre autobiographique en forme de justification. Il gagne Paris où il séjourne en novembre et décembre 1765 au Temple qui bénéficie de l'exterritorialité. Il est d'ailleurs sous la protection du prince de Conti et reçoit des visiteurs de marque. À l'invitation de David Hume, attaché à l'ambassade de Grande-Bretagne à Paris, il gagne l'Angleterre le 4 janvier 1766. Thérèse le rejoindra plus tard. Durant son séjour en Angleterre son instabilité mentale croit et il se persuade que David Hume est au centre d'un complot contre lui{{sfn}}. C'est à cette époque que circule dans les salons parisiens une fausse lettre du roi de Prusse adressée à Rousseau. Elle est bien tournée mais peu charitable à son égard. L'auteur est Horace Walpole, mais Rousseau l'attribue dans un premier temps à D'Alembert, puis soupçonne Hume de tremper dans le complot. Hume a fréquenté à Paris les Encyclopédistes qui ont pu le mettre en garde contre Rousseau. Ce dernier, hypersensible et soupçonneux, se sent persécuté. Après six mois de séjour en Angleterre, la rupture est complète entre les deux philosophes, chacun se justifiant par des écrits publics, ce qui génère un véritable scandale dans les Cours européennes. Les ennemis de Rousseau, au premier rang desquels Voltaire, jubilent, alors que ses amis, qui l'ont poussé à confier son destin à Hume, sont consternés par la tournure des évènements.

Il passe l'essentiel de son séjour anglais chez Richard Davenport, dans sa propriété de Wootton Hall dans le Staffordshire, du 22 mars 1766 au {{1er}} mai 1767. Il y écrit les premiers chapitres des Confessions. Selon Christopher Bertram, la façon dont Rousseau y traite Diderot, Friedrich Melchior Grimm, atteste de la paranoïa de Rousseau{{sfn}}.

Les dernières années

Les rêverie du promeneur solitaire édition de 1782 En mai 1767, toujours sous la menace de la condamnation du Parlement, Rousseau regagne la France sous le nom d'emprunt de Jean-Joseph Renou, nom de jeune fille de la mère de Thérèse. Pendant un an il est hébergé par le prince de Conti au château de Trye, près de Gisors dans l'Oise. Le séjour est particulièrement terrifiant pour Rousseau qui en vient à soupçonner ses amis, y compris le fidèle Du Peyrou, venu lui rendre visite.

Le 14 juin 1768, il quitte Trye, ne peut s'établir à Lyon qui relève du Parlement de Paris, et va donc errer quelque temps en Dauphiné autour de Grenoble. Thérèse le rejoint à Bourgoin où le 29 août, et pour la première fois, il la présente au maire de la ville comme sa femme. Il reprend son nom et s'installe à la ferme Monquin à Maubec. Le Parlement de Paris semble vouloir laisser Rousseau tranquille dans la mesure où il ne publie pas. Il décide donc de quitter le Dauphiné le 10 avril 1770, séjourne quelques semaines à Lyon, et arrive à Paris le 24 juin 1770 où il loge à l'hôtel Saint-Esprit, rue Plâtrière.

À Paris, il survit en indépendant grâce à ses travaux de copiste en partitions de musique. Il organise des lectures de la première partie des Confessions dans des salons privés devant des auditoires silencieux et gênés face à cette âme mise à nu. Ses anciens amis craignent des révélations et {{Mme}} fait interdire ces lectures par Antoine de Sartine, alors lieutenant-général de police.

Il condamne la politique russe de démantèlement de la Pologne dans ses Considérations sur le gouvernement de Pologne, alors que la plupart des philosophes admirent Catherine II. Il poursuit l'écriture de ses Confessions et entame la rédaction des Dialogues, Rousseau juge de Jean-Jacques. Ne pouvant les publier sans susciter de nouvelles persécutions, il tente de déposer le manuscrit sur l'autel de Notre-Dame, mais la grille fermée lui en empêche l'accès. En désespoir de cause, il va jusqu'à distribuer aux passants des billets justifiant sa position.

C'est aussi l'époque où il herborise et écrit ses Lettres sur la botanique, activité qu'il partage avec Malesherbes, ce qui rapproche les deux hommes. Les Rêveries du promeneur solitaire, ouvrage inachevé, sont rédigées au cours de ses deux dernières années entre 1776 et 1778. Toutes ces dernières œuvres ne seront publiées qu'après sa mort. Il entretient aussi à cette époque une correspondance avec le compositeur d'opéra Gluck.

Le décès et le transfert au Panthéon

En 1778, le marquis de Girardin lui offre l'hospitalité, dans un pavillon de son domaine du Château d'Ermenonville, près de Paris ; c'est là que l'écrivain philosophe meurt subitement le {{date}}, de ce qui semble avoir été un accident vasculaire cérébral. Certains ont avancé l'hypothèse d'un suicide, créant une controverse sur les circonstances de la mort du philosophe. On peut citer les travaux des docteurs Desruelles, Mercier, Delasiauve ou Chatelain ou ceux de l'historien Bougeault. Le jour même de sa mort, le marquis de Girardin récupéra les papiers et manuscrits de Rousseau pour les mettre à l'abri au château. Tombeau de Rousseau au Panthéon de Paris Le lendemain de sa mort, le sculpteur Jean-Antoine Houdon prend le moulage de son masque mortuaire. Le 4 juillet, le marquis René-Louis de Girardin fait inhumer le corps dans l'île des Peupliers dans la propriété où, en 1780, s'élèvera le monument funéraire dessiné par Hubert Robert, exécuté par J.-P. Lesueur. Le philosophe est rapidement l'objet d'un culte, et sa tombe est assidûment visitée.

La question de l'hommage de la nation à Rousseau a été posée peu de temps après la décision de l'Assemblée du {{Date}} de transformer l'église Sainte-Geneviève en sépulture des grands hommes, à la suite de l'entrée de Voltaire le {{Date}} dans ce qui était devenu le Panthéon. En août 1791, le journaliste et écrivain Pierre-Louis Ginguené rédigea une pétition qu'il fit circuler parmi les gens de lettres. Appuyée par 300 signatures, elle fut remise par deux députations, l'une de Parisiens, l'autre d'habitants de Montmorency. Les Parisiens exigeaient une statue, mais aussi le transfert au Panthéon, tandis que les habitants de Montmorency se seraient contenté d'un cénotaphe dans le mémorial républicain.

Le projet sommeilla quelques années. Thérèse veuve Rousseau se présenta le {{Date}} à la Convention nationale pour réclamer fermement la translation promise. Les événements de la Terreur repoussèrent encore l'application de la décision. Finalement, la cérémonie fut fixée au {{Date}}.

L'entrée au Panthéon se fit au son de l'orgue, dans un « recueillement religieux ». Cambacérès, président de la Convention, fit l'éloge du grand homme :

« Moraliste profond, apôtre de la liberté et de l'égalité, il a été le précurseur qui a appelé la nation dans les routes de la gloire et du bonheur. [...] C'est à Rousseau que nous devons cette régénération salutaire qui a opéré de si heureux changements dans nos mœurs, dans nos coutumes, dans nos lois, dans nos esprits, dans nos habitudes... Ce jour, cette apothéose, ce concours de tout un peuple, cette pompe triomphale, tout annonce que la Convention veut acquitter à la fois envers le philosophe de la nature, et la dette des Français, et la reconnaissance de l'humanité. »

La cérémonie fut conclue par un Hymne à Jean-Jacques Rousseau de Marie-Joseph de Chénier sur une musique de Gossec. Le soir, pendant que le peuple dansait, on pouvait voir une gravure de Geissler représentant la Résurrection de Jean-Jacques Rousseau où, coiffé de son bonnet d'Arménien, il sortait de son tombeau comme un nouveau Christ.

L'itinéraire intellectuel

La philosophie de Rousseau dans son contexte

Rousseau n'a pas suivi des cours de philosophie. Autodictate ce sont ses lectures qui lui ont permis de devenir philosophe. Pendant la période qu'il a passé avec Mme de Warens, il a lu toutes les grandes œuvres de philosophie notamment celle de ses immédiats prédécesseurs : Descartes, Locke, Malebranche, Leibniz, la Logique de Port-Royal et les jusnaturalistes{{sfn}}. Dés la première œuvre qui le rend célèbre le Discours sur les sciences et les arts, Rousseau se revendique comme n'étant pas un philosophe de profession et exprime sa méfiance envers certains de ceux qui se disent philosophes. Dans le premier discours, il écrit : {{citation bloc}} Pour Géraldine Lepan{{sfn}} {{citation}}. Chez lui est d'abord une sagesse à deux faces : une face théorique, qui vise à {{citation}}, et {{citation}}{{sfn}}.

Dans ses écrits politiques, Rousseau se place dans le sillage de Bodin qu'il interprète à travers {{citation}}{{sfn}}. Pour lui, Grotius et Pufendorf ainsi que Locke ont commis l'erreur de penser que les passions étaient naturelles{{sfn}} alors qu'elles ne sont que le produit de l'histoire. Pour Rousseau, la nécessaire satisfaction des besoins primaires (nourriture, boisson etc.) qui marque l'histoire des hommes les isole. Elle ne les rapproche pas comme chez Pudendorf par plus qu'elle n'attise leur discorde comme chez Hobbes{{sfn}}.

Dans son livre le Contrat social, contre Grotius et Hobbes qui estiment que, parce que la vie est première, la liberté peut s'aliéner, lui soutient qu'elle est inaliénable et que vie et liberté sont synonymes{{sfn}}. De même alors que chez Hobbes, le peuple est constitué grâce à la terreur qu'exerce sur lui le pouvoir, chez Rousseau, le peuple se constitue grâce à un pacte social qui fonde son unité politique{{sfn}}. Mais chez Rousseau, une fois le pacte passé une fois le pacte passé l'homme contrairement à ce que pensent Locke, Spinoza ou Hobbes perd tout droit naturel{{sfn}}. En effet, Rousseau s'oppose à l'école du droit naturel de Pufendorf, Grotius, Burlamaqui, Barbeyrac qui conçoivent {{citation}}. Or ce que cherche Rousseau ce n'est pas le droit des sociétés civiles mais le droit de l'État{{sfn}}.

Rousseau, les deux premiers discours et les lumières

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Discours sur les sciences et les arts : une opposition au courant majoritaire des lumières

En 1749, lors d'une visite à Diderot, alors emprisonné à Vincennes, Rousseau prend connaissance du sujet mis en concours par l'académie de Dijon intitulé {{citation}}{{sfn}}. Pour lui il s'agit d'une illumination qui va changer profondément le cours de sa vie :{{citation}} {{sfn}}.

Dans ce texte, Rousseau s'oppose à Montesquieu, Voltaire et Hume qui voient la modernité, et le rétablissement des arts et sciences comme extrêmement positives {{sfn}}. Rousseau fait débuter le rétablissement des arts {{citation}}, c'est-à-dire à la chute de l'empire Byzantin, {{citation}} {{sfn}}. Dans ce texte Rousseau influencé par la pensée des classiques anciens, tels Tite-Live, Tacite ou Plutarque, {{citation}}{{sfn}}. Ses modèles parmi les anciens sont Sparte et la République romaine, du temps où 'elle était {{citation}} avant de devenir {{citation}}{{sfn}}. L'anti-modèle est constitué par la Cité d'Athènes au siècle de Périclès qu'il trouve trop mercantile, trop porté sur les sciences littéraires, les arts, qui poussent à la corruption des moeurs{{sfn}}.

La pensée de Rouseau s'articule autour de trois axes : la distinction entre sciences et arts utiles et les autres, l'importance accordée au génie, l'opposition au luxe qu'il oppose à la vertu. Concernant le premier point, Rouseau donne aux arts et aux sciences une origine peu flatteuse : {{citation}}{{sfn}}. toutefois ils distinguent les sciences et arts utiles, ceux qui portent sur les choses et qui ont trait aux métier, au travail manuel des hommes (au 18°siècle en France le travail manuel est méprisé), des sciences et arts abstraits motivés par la recherche du succès. mondain{{sfn}}. L'important chez Rousseau c'est la vertu qui est pour lui la {{citation}} dont les principes sont {{citation}} et dont on apprend les lois en écoutant {{citation}}{{sfn}}.

En lien avec ce qui est dit de la vertu, Rousseau distingue entre le génie qui ne se laisse pas corrompre par le monde et les autres. S'adressant à Voltaire, il écrit {{citation}} {{sfn}}. De façon générale pour lui, un petit nombre de génies (Bacon, Descartes, Newton, ont su se focaliser sur l'essentiel et ont accru l'entendement humain.{{citation}}{{sfn}}.

Rousseau voit une antinomie entre le lux eassocié au commerce et à l'argent et la vertu :{{citation}}{{sfn}}. Pour Rousseau, le luxe conduit au développement des inégalités et à la dépravation des moeurs Sur ce point, Rousseau est également en oposition avec le courant majeur de son siècle et des auteurs comme Mandeville, Voltaire qui dans le Mondain plaide en faveur du superflu, les physiocrates mais aussi David Hume qui y voit un aiguillon à l'activité économique {{sfn}}. Le citoyen de Genève, conscient de cette opposition note :{{citation bloc}}

Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes

Pour Jean Starobinski, Rousseau dans cet ouvrage {{citation}}{{sfn}}.

Rousseau va immagine ce qu'aurait pu être l'humanité quand l'homme était bon : c'est l'état de nature qui n'a peut-être jamais existé. C'est ce qu'on nomme une histoire conjecturale basé sur une conjecture c'est-àdire une hypothèse{{sfn}}. Puis, il va expliquer pourquoi l'homme est devenu mauvais. Selon lui la chute n'est pas du à Dieu (il le suppose bon) ni à la nature de l'homme mais au processus historique lui-même et aux institutions politiques et économiques qui ont émergées au cours de ce processus.

Chez Rousseau, le mal désigne à la fois les tourments de l'esprit qui préoccupaient les stoïciens mais également, ce que les Modernes nomment l'aliénation, c'est-à-dire le fait auquel Rousseau est très sensible que les hommes modernes sont si sensibles au regard des autres qu'ils risquent doubler leur moi profond{{sfn}} Il s'agit là d'un thème déjà présent dans le premier Discours.

Rousseau termine son discours en définissant sa vision de l'égalité où l'inégalité des conditions doit être proportionnée à l'inégalité des talents, et sur le constat que l'homme ne peut pas revenir en arrière, à l'état de Nature{{sfn}}

Le changement de vie des années 1756-1759 et la personnalité de Rousseau

Durant cette période, Rousseau ressent la nécessité de changer de vie et de suivre le précepte qu'il fait figurer désormais dans de nombreux textes {{citation}} {{sfn}} Tout d'abord, il change de tenue. {{citation}}{{sfn}} Par ailleurs, il quitte la ville pour s'installer à la campagne d'abord à l'Ermitage en forêt de Montmorency puis dans lla maison du Petit Mont-Louis. Par ailleurs, il refuse les places et les rentes qu'on lui offre. Pour rester libre, il exerce pour gagner sa vie le métier de copiste de musique. Enfin, il rompt le lien fort qui existait entre lui et Diderot depuis 1742 {{sfn}}.

Pour Jean Starobinski, la pauvreté ostentatoire de Rousseau a une double visée. C'est d'abord une {{citation}} destinée à alerter les consciences, à accuser l'inégalité sociale alors très forte. Par ailleurs elle est une manifestation de la fidélité de Rousseau à son origine sociale {{sfn}}. Toujours selon cet auteur, Rousseau a eu le génie de se conformer a un principe très à la Plutarque, qu'il énonce ainsi dans une lettre à son père alors qu'il n'a que dix-neuf ans :{{citation}} {{sfn}}.

Rousseau était d'une grande sensibilité. David Hume disait de lui : {{citation}}. Bertrand Russell ajoutait : {{citation}}.

Le Contrat social et l'Émile

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Ses deux ouvrages de Rousseau sont parus en 1762.Ils seront presque' immédiatement condamnés; en France par le Parlement et par laFaculté de théologie, à Genève par le Petit Conseil. Ils voudront à Rousseau une vie d'errance. En France, en général, le Contrat social est l'oeuvre la plus estimée de Rousseau. La tradition allemande lui préfère le Second Discours et lEmile{{sfn}}.

Le contrat social

Au départ, Rousseau veut écrire un livre intitulé Institutions politiques. Puis il abandonne ce projet, qu'il estime déjà traité par Montesquieu , pour un autre qui allant plus à la nature des choses et qui vise à fonder le droit politique {{sfn}}. Parlant du projet de Montesquieu et du sien, il écrit dans l'Émile, {{citation}}{{sfn}}. Rousseau dans ce livre vise à fonder à la fois le droit politique et l'État. Selon Mairet, ce qui donne au Contrat social son statut unique c'est qu'à la manière de Platon, il {{citation}}{{sfn}}

Si Rousseau reprend la notion de Souveraineté à Bodin, la nouveauté du contrat social est de poser que le souverain c'est le peuple et de considérer la république comme une démocratie {{sfn}}. Par ailleurs dans le Contrat social Rousseau veut absolument éviter que les êtres humains soient soumis à l'arbitraires des chefs, c'est pourquoi il s'agit comme il l'indique dans un lettre du 26 juillet 1767 à Mirabeau de {{citation}}{{sfn}}. Dans le contrat social, Rousseau allie idéalisme politique et réalisme anthropologue. Il écrit : {{ciation bloc|Je veux chercher si, dans l'ordre civil, il peut y avoir quelque règle d'administration légitime et sûre, en prenant les hommes tels qu'il sont et les lois telles qu'elles peuvent être. Je tâcherai d'allier toujours, dans cette recherche, ce que le droit êrmet avec ce que l'intérêt prescrit, afin que la justice et l'utilité ne se trouvent point divisées{{sfn}}}

Le Contrat social comporte quatre livres. Les deux premiers sont consacrés oà la théorie de la souveraineté et les deux derniers à la théorie du gouvernement{{sfn}}

L'Émile

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Cet ouvrage commencé en 1758 et publié en 1762 constitue sinon un des plus importants traité d'éducation du moins un de ceux qui ont eu le plus d'influence dans le monde. En amérique du sud, Simon Bolivar sera éduqué selon ses préceptes. L'ouvrage s'inscrit dans la lignée de la République (Platon) et Télémaque de Fénelon où la politique et l'éducation s'entremêle. Peu de chose disposaient Rousseau à écrire un ouvrage sur l'éducation. S'il a été précepteur des enfants de Mably (le frère de Condillac et de l'Abbé de Mably, l'expérience semble n'avoir pas été très concluante. Par ailleurs, comme Voltaire ne manquera pas de le faire savoir, Rousseau a confié ses cinq enfants, nés entre 1746-1747 et 1751-1752, à l'Hospice des enfants trouvés.{{sfn}}.

L'ouvrage repose sur l'anthropologie de Rousseau qui veut que l'homme soit né bon et que ce soit la société qui l'ai corrompu. Aussi pose-t-il comme {{citation}}{{sfn}}. Rousseau divise l'éducation des être humains en cinq phases qui correspondent au livres de l'Émile. Le livre II traite des enfants de 2 à 10/12 ans, le livre III des 12 à 15/16 ans, le livre IV de la puberté avec pour dominantes la raison et les passions. Ce livre traite aussi de métaphysique ou de religion. Cette partie est aussi connue sous le titre de La Profession de foi du vicaire savoyard. Enfin le livre V traite du jeune adulte qui à la foi s'initie à la politique et prend une compagne{{sfn}}.

En lien avec sa perception de l'anthropologie humaine l'éducation doit être négative c'est-à-dire qu'on ne doit l'instruire car on risquerait de le pervertir. Il note {{citation}}. Il reproche justement au Traité de l'éducation de John Locke{{sfn}}. Au moment de la puberté, l'éducation doit donner une formation morale et permettre à élève d'intégrer le monde social.

Rousseau vu par Rousseau

{{article détaillé}} Rousseau publie trois ouvrages en guise d'autobiographie : Les Confessions, Rousseau juge de Jean-Jacques, et les Rêveries du promeneur solitaire qu'il n'achèvera pas. La rédaction des Confessions s'échelonne de 1763 ou 1764 à 1770. Il s'agit moins de Confessions au sens d'Augustin d'Hippone même s'il y présente ses fautes passées comme l'épisode du ruban volé, qu'une sorte d'autoportrait à la Montaigne. Pour lui, l'objet du livre {{citation}}{{sfn}}.

L'écriture de Rousseau juge de Jean-Jacques s'étend sur la période 1772 à 1776. L'ouvrage paraît partiellement en 1780 et provoque un malaise car Rousseau y dénonce un complot contre lui mené par Grimm, Voltaire, D'Alembert et David Hume {{sfn}}. L'ouvrage se présente comme un dialogue entre Rousseau, l'avocat de l'auteur, Jean-Jacques qui représente le Rousseau tel que le voit ses ennemis et un troisième personnage appelé "le Français" qui représente l'opinion publique qui n'a pas ni rencontré Rousseau ni lu les livres. C'est ce personnage qu'il veut convaincre {{sfn}}.

Les Rêveries du promeneur solitaire sont écrites entre 1776 et 1778 date de la mort de Rousseau. Si dans ce livre pour Lepan la vie est {{citation}} {{sfn}} des contradictions sont visibles entre son projet politique qui vise à intégrer le citoyen dans la vie politique et l'inclination profonde de Rousseau. Il écrit {{citation}} {{sfn}}.

Le statut de ces textes fait problème. Pour Alexis Philonenko , la philosophie de Rousseau {{citation}}. Au contraire pour Géraldine Lepan, ces œuvres {{citation}}{{sfn}}. L'objectif sera toujours le même {{citation}}{{sfn}}.

Histoire conjecturale et nature humaine chez Rousseau

Histoire conjecturale

Du contrat social, édition de 1772

Pour George Armstrong Kelly, Rousseau aborde le puzzle de l'histoire de la façon la plus antithétique qui soit : l'aspect moral. Il voit pas seulement l'histoire comme un recueil d'exemples, mais également comme une succession d'états des facultés humaines évoluant en fonction des défis du temps{{sfn}}. Pour Rousseau, l'histoire n'est jamais un point de départ, mais le moyen d'étendre une tension interne à l'humanité vue comme un tout. Il n'utilise pas les données pour s'interroger sur leur sens, il les utilise pour appuyer ses propres convictions.{{sfn}}. Dans l'Emile, Rousseau défend l'idée que nos impressions sur le passé doivent être utilisées à des fins éducatives pas pour cultiver une savoir théorique. Sur ce point, il se démarque de d'Alembert qui avait une vue plus objective de l'histoire qu'il voyait comme devant donner à la postérité un spectacle dépassionné des vices et des vertus{{sfn}}. Au contraire Rousseau écrit dans Histoire de Lacédémone : {{citation bloc}} Dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Rousseau imagine plusieurs stades dans l'évolution de la société.

  1. L'homme oisif vivant dans un habitat dispersé qui peu à peu s'associe en horde{{sfn}}
  2. La première révolution : l'humanité entre dans l'ordre patriarcal et les familles peuvent se regrouper. Pour Rousseau cela correspond à l'âge d'or{{sfn}}.
  3. L'ordre patriarcal cède la place à un monde marqué par la division des taches qui fait perdre à l'homme son unité. Les plus violents ou les plus habiles deviennent les riches et les autres les pauvres{{sfn}};
  4. La guerre de tous contre tous{{sfn}};
  5. Établissement d'un contrat social inique pour sortir de l'état de guerre Jean Starobinski écrit à ce propos : {{citation}}{{sfn}}

La sortie de l'état naturel a conduit les hommes à se grouper en villes toujours plus grandes, d'où la Nature fut chassée et qui accumulèrent les catastrophes. Dans l’Émile, par exemple, Rousseau tonne contre Paris et Londres, où l'homme vit à l'encontre des lois de la Nature et se ruine en succombant aux épidémies, en renonçant à faire des enfants, en dégradant ses mœurs : « Les villes sont le gouffre de l'espèce humaine [...] Les hommes ne sont point faits pour être entassés en fourmilières, mais épars sur la terre qu'ils doivent cultiver. Plus ils se rassemblent, plus ils se corrompent. Les infirmités du corps, ainsi que les vices de l'âme, sont l'infaillible effet de ce concours trop nombreux. » Rousseau est ainsi l'un des fondateurs du courant « urbaphobe » qui va, jusqu'à nos jours, combattre la grande ville (Cf Colloque La ville mal aimée, Cerisy-la-Salle, 2007). Dans l’Émile, Rousseau décrit son idéal, la ferme isolée vivant en autarcie sous un régime patriarcal : « ce pain bis, que vous trouvez si bon, vient du blé recueilli par ce paysan; son vin noir et grossier, mais désaltérant et sain, est du cru de sa vigne; le linge vient de son chanvre, filé l'hiver par sa femme, par ses filles, par sa servante; nulles autres mains que celles de sa famille n'ont fait les apprêts de sa table; le moulin le plus proche et le marché voisin sont les bornes de l'univers pour lui.»

Pour Jean Starobinski, dans le Second Discours, {{citation}}{{sfn}}. De sorte que l'état de nature peut être vu comme une reconstruction imaginaire qui se substitue au mythe biblique du jardin d'Éden dans le Livre de la Genèse. Au début du {{s}} la sortie des hommes du paradis terrestre suite àr la désobéissance humaine à l'ordre donné par Dieu de ne pas manger du fruit défendu de l'arbre de la connaissance du bien et du mal avait inspiré au théologien chrétien Augustin d'Hippone la doctrine du péché originel, à laquelle Rousseau ne croyait pas, mais auquel il se réfère explicitement dans la note 9 du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Aussi, il est temps d'examiner comment Rousseau explique lui la chute de l'homme naturellement bon dans le mal.

Nature, instincts et perte de la bonté naturelle chez Rousseau

Rousseau répète à plusieurs reprise que l'idée selon laquelle, l'homme est naturellement bon et que la société le corrompt, domine sa pensée. Cela conduit à se poser au moins une question : comment le mal peut-il jaillir dans une société composées d'hommes bons ? {{sfn}}.

Pour Rousseau, les créatures sont dotées de deux instincts qui permettent leur préservation. C'est d'abord lamour de soi qui leur permet de satisfaire leur besoin biologiques, c'est ensuite la pitié qui les conduit à prendre soin des autres. Notons, que si la pitié est dans le Second discours, un instinct indépendant dans l'Émile et l' Essai sur l'origine des langues, elle n'est considérée que comme un prolongement de l' amour de soi vu comme l'origine de toutes les passions{{sfn}}.

La chute, ou le mal s'introduit chez l'homme avec l'apparition de l'amour propre, apparition d'ailleurs liée à la compétition sexuelle pour attirer un(e) partenaire. Rousseau écrit dans la note 15 du Discours sur l'origine des inégalités {{citation}}. Bref l'amour propre pousse les êtres humains à se comparer, à chercher être supérieurs aux autres ce qui engendre des conflits. Toutefois, si on regarde la façon dont il traite la question en partant de l' Émile, il est possible de noter que l'amour-propre est à la fois l'instrument de la chute de l'homme et de sa rédemption{{sfn}}. En effet dans ce livre, l'amour propre est la forme que prend l'amour de soi dans un environnement social. Si chez Rousseau, l'amour propre est toujours vu comme dangereux, il est possible de contenir ce mal grâce à l'éducation et grâce à une bonne organisation sociale comme on les trouve respectivement dans l'Émile et le Contrat social{{sfn}}.

Même si l'amour propre prend sa source dans la compétition sexuelle, Pour Rousseau, il ne révèle son plein potentiel de dangerosité que lorsqu'il est combiné à l'interdépendance économique qui se développe lorsque les individus vivent en société. En effet, dans ce cas, les êtres humains vont à la fois chercher les biens matériels et la reconnaissance ce qui les conduit à entretenir des relations sociales marquées par la subordination de certains et par le désir d'atteindre ses fins quelque soi les moyens employés. De sorte que sont menacées à la fois la liberté des êtres humains et leur l'estime de soi{{sfn}}

Vertu, conscience, sagesse et raison

Selon Georges Armstrong Kelly {{citation}}{{sfn}}. Pour Rousseau la vérité morale est l'élément unificateur de toute réalité. Les connaissances ne sont de fausses lumières, de simples projection de l'amour-propre, si elles ne sont pas enracinées, comme chez lui, dans une certitude intérieure{{sfn}}. En effet, selon lui, la raison peut être corrompue par les passions et se transformer en raisonnements faux qui flattent l'amour-propre. Si la raison peut nous permettre d'accéder à la vérité, seule la conscience, qui nous impose d'aimer la justice et la moralité de façon quasi-esthétique , peut nous faire l'aimer. Le problème étant que la conscience, basée sur une appréciation rationnelle d' un ordre tracé par un Dieu bienveillant{{sfn}} est pour Rousseau minime chez les hommes de son temps dominés par l'amour-propre.{{sfn}} .