Contents |
En 1877, Sergueï Rachmaninov a quatre ans. Pendant deux ans, Anna Ornazkaïa, diplômée du Collège russe de musique fondé par Anton Rubinstein en 1862 (le futur Conservatoire de Saint-Pétersbourg) est engagée à demeure pour donner au jeune Sergueï Rachmaninov ses premières vraies leçons de piano. Vassili Arkadievitch Rachmaninov, le père de Sergueï, est un homme charmant et un père affectueux, mais prodigue, dépensier et, paraît-il, joueur. Des cinq propriétés de la dot maternelle, seule reste Oneg (située près de Novgorod), vendue aux enchères en 1882. Les Rachmaninov n’ont plus désormais les moyens de faire entrer Sergueï et son frère aîné Vladimir au prestigieux Corps des Pages qui prépare les officiers de la Garde impériale à laquelle ils étaient destinés. La famille emménage dans un appartement à Saint-Pétersbourg. La mésentente conjugale persistant, Vassili et Lioubov Rachmaninov se séparent. Les enfants demeurent avec leur mère et leur grand-mère venue en renfort, Sofia Boutakova (1823-1904), la « babouchka » bien-aimée dont Sergueï est officiellement le petit-fils préféré. À cette grand-mère dévote qui l'emmène dans les églises, le jeune garçon doit une découverte capitale : le chant orthodoxe et la beauté du son des cloches de la Cathédrale Sainte-Sophie de Novgorod, composantes essentielles de l'âme russe et source d'inspiration pour le futur compositeur.
À l′automne 1882,Sergueï Rachmaninov a 9 ans quand il entre au Conservatoire de Saint-Pétersbourg où il suit des cours de piano, puis à celui de Moscou. Entre douze et seize ans, il est préparé par le professeur Nikolaï Zverev (1832-1893), ami de Anton Rubinstein et de Tchaïkovski. Zverev est un pédagogue renommé, respecté, rigoureux et sévère. Il prend chez lui quelques élèves doués de sa classe au conservatoire. Logés et nourris, ses pensionnaires doivent se soumettre à une discipline de travail draconienne et être dès six heures du matin devant le piano. Ce professeur exigeant tient à donner à ses élèves une grande ouverture culturelle par sa bibliothèque et en les faisant assister à des représentations théâtrales, à des concerts, à des opéras. Il invite les grands musiciens de passage à Moscou à venir écouter ses petits protégés. Le jeune Sergueï y rencontre notamment Tchaïkovski, qui apprécie déjà ses dons de jeune pianiste, mais il entre en conflit avec son maître qui juge le piano incompatible avec la composition.
Après deux ans sous la tutelle de Zverev, il obtient son diplôme du premier degré au conservatoire. Il a quinze ans. Il peut étudier l'harmonie, la théorie musicale, puis la fugue et la composition libre avec le jeune Anton Arenski, le contrepoint avec Serge Taneïev. Ces deux enseignements marqueront profondément le caractère et la musique de Rachmaninov. Pour le piano, il étudie avec Alexandre Siloti (son cousin germain) et ancien élève de Liszt et de Zverev lui-même. Ses pairs, au conservatoire, sont Josef Lhévinne, Alexandre Scriabine et Alexandre Goldenweiser.
En 1889, il a 16 ans et s'installe chez ses cousins Satine à Ivanovka où il trouvera un vrai foyer. Sa cousine Natalia deviendra plus tard son épouse. Il obtient son examen de piano en 1891. Par la suite, il écrit alors son Prélude en ut dièse mineur ainsi que son opéra en un acte, Aleko. Il obtient pour ce dernier un prix de composition en 1892, avec un an d'avance. Cet opéra, très influencé par La Dame de pique de Tchaïkovski, venait d'être créé le {{date}} au Théâtre Bolchoï. Rachmaninov, à 20 ans, commence une carrière brillante de virtuose et de compositeur. Il écrit de nombreuses œuvres, le Concerto pour piano {{n°}}1, le Prélude en ut dièse mineur, Trio élégiaque {{n°}}2 à la mémoire de Tchaïkovski. Le succès est au rendez-vous.
La reconnaissance du public ne peut-elle pas être définitivement acquise par la composition d'une symphonie ? En 1897, Rachmaninov présente sa première symphonie, opus 13. Dirigée par un Glazounov visiblement ivre, sa création est un échec retentissant et Rachmaninov sombre dans une dépression dont il ne sortira que quatre ans plus tard grâce à l’énorme succès de son Deuxième concerto pour piano, opus 18, et au traitement du médecin neurologue et hypnotiseur Nicolas Dahl qui le rend véritablement à la vie. Nicolas Dahl lui rappelle sa promesse à la Société philharmonique de Londres d'écrire un concerto pour piano. C'est donc à lui que sera dédié celui-ci. L'inspiration et le bonheur reviennent : il écrit la Sonate pour violoncelle et piano, la cantate Le printemps et épouse (avec l'autorisation du tsar) sa cousine germaine Natalia (1877-1951), très bonne pianiste elle aussi. De cette union naîtront deux filles, Irina et Tatiana, toutes deux musiciennes.
Les quinze premières années du {{s-}} seront pour lui quinze belles années pendant lesquelles il vivra de manière heureuse et aisée, notamment dans la propriété des Satine près de Moscou où il aime se réfugier l'été pour se reposer de ses multiples concerts et pour composer. Au cours de ces années, il dirigera de 1904 à 1906 les représentations lyriques du théâtre Bolchoï, il s’établira ensuite quelque temps à Dresde où il écrira avec difficulté, trop loin sans doute de sa chère Russie, sa Symphonie {{n°}}2 et un opéra, Monna Vanna. En 1909, à 36 ans, il entamera sa première tournée aux États-Unis, où il obtiendra un immense succès grâce notamment à son Troisième concerto, opus 30, écrit pendant l'été à Ivanovka pour sa tournée américaine. Il le créa à New York le {{date}} où il le rejoua le {{date}} sous la direction de Gustav Mahler. On lui proposera le poste de chef permanent de l’Orchestre symphonique de Boston, qu’il refusera. La création à Moscou, sous sa direction, de sa symphonie Les Carillons connaît en février 1914 un succès extraordinaire. La première guerre mondiale met fin à cette période heureuse de sa vie ; il perd son ami Scriabine qu'il a connu chez Zverev. La conduite de la guerre est un désastre pour son pays et bientôt survient la Révolution d'Octobre.
En 1917, la révolution russe le force à quitter définitivement son pays natal. C'est à cette époque qu'il écrit un petit prélude opus posthume 1917, pour piano seul, empreint de nostalgie et de sombres sentiments, prélude à son départ douloureux. Parti avec ses mains pour seul capital comme lui dira un de ses amis avant son exil, il entame à 44 ans une nouvelle vie et, avec son ami Nikolaï Medtner, une carrière de pianiste virtuose à temps plein. La nécessité de travailler intensément l'instrument et de se bâtir un répertoire l'éloigne de la composition. Au moment où il quitte pour toujours la Russie en 1917, il avait composé toutes ses œuvres publiées à l'exception de six d'entre elles. Il ne composera à nouveau qu'en 1926. L’inspiration ne l'a toutefois pas entièrement abandonné. Il écrit la célèbre Rhapsodie sur un thème de Paganini, opus 43, une série de variations pour piano et orchestre sur le {{24e}} caprice de Paganini, publiée en 1934 et la très belle Symphonie {{n°}}3 en 1936. Ses tournées aux États-Unis et en Europe, qu'il lui arrive d'assimiler à des travaux forcés, lui assureront une vie matérielle très confortable.
Sergueï Rachmaninov fait connaissance de Vladimir Horowitz le {{date}}. Cette rencontre est arrangée par le représentant de Steinway & Sons, Alexander Greiner, dans la cave du Steinway Hall (57th Street), quatre jours avant un concert d'Horowitz jouant le Concerto pour piano nº 1 de Tchaïkovsky au Carnegie Hall.
Rachmaninov, trouvant exceptionnelle l'interprétation qu′Horowitz avait donnée plus tard de son Troisième concerto pour piano, aurait dit à Greiner : {{Citation étrangère}} ({{Citation}}) Pour Horowitz, son rêve de rencontrer Rachmaninov devient réalité. Il le décrit comme le dieu musical de son enfance. Penser que cet homme pouvait l'accompagner dans son propre troisième concerto est l'événement le plus important de sa vie. Pour Rachmaninov, cette rencontre est tout aussi marquante : il considère Horowitz comme le pianiste qui a le mieux saisi ses œuvres (même si certains musicologues pencheraient plutôt pour Sviatoslav Richter - mais ce dernier n'a encore que 13 ans en 1928).
C'est le début d'une amitié qui ne sera interrompue que par la mort de Rachmaninov : les deux hommes s'admirent et suivent sans cesse le travail de l'autre. Horowitz stipule à son agent qu'il doit être autorisé à annuler ses représentations si Rachmaninov joue à New York. De même, Rachmaninov est toujours présent aux concerts d'Horowitz à New York, et il est toujours le dernier à quitter la salle.
Le {{date}}, Rachmaninov offre son avis à Horowitz, en le complimentant, et en l'invitant à dîner pour discuter de son interprétation de Tchaïkovsky, que Rachmaninov trouve légèrement trop rapide. Horowitz n'a jamais été d'accord avec cette critique de son tempo et il maintient son interprétation lors des représentations suivantes de l'œuvre.
Les avis et conseils de Rachmaninov sur sa propre musique sont inestimables pour Horowitz.
En 1931, Rachmaninov accepte de cosigner une lettre avec le fils de Léon Tolstoï et Ivan Ostroilenski. Dans cette lettre, les trois hommes s'en prennent à Rabindranath Tagore en raison d'un article en faveur de l'URSS. Le régime soviétique réagit à ce geste et bannit la musique de Rachmaninov. Un lien de plus avec son pays natal qui se brise. Heureusement, l'interdiction est levée en 1934 grâce aux relations diplomatiques entre l'URSS et les États-Unis ; de plus, les Trois Chansons russes op.41 de l'artiste "proche du peuple" sont données en exemple aux jeunes compositeurs.
À l'automne de l'année 1930, à 57 ans, Sergueï Rachmaninov, qui n'aime rien tant que la vie de famille et qui voyage par obligation professionnelle, est fatigué, saturé de concerts et affecté par l'échec de son Concerto {{n°}}. Il décide de revenir en Europe où il se fait construire en Suisse une maison en bois dans la région du lac des Quatre-Cantons qu'il baptisera Sénar de son prénom et de celui de sa femme Natalia et qui lui rappelle la maison de ses cousins Satine. Il y est heureux, il compose, travaille au jardin et s'occupe avec tendresse de ses deux petits-enfants, Sophie Wolkonsky et Alexandre Conus. {{Clr}}
La Seconde Guerre mondiale qui le surprend aux États-Unis l'empêchera de retourner en Europe et de revoir sa fille Tatiana qui vit en France. Il compose en 1941 sa dernière œuvre, les Danses symphoniques, une allégorie de la vie (le matin, le midi et le soir). Il achète une maison à Beverly Hills, obtient la nationalité américaine et au cours de sa dernière saison (1942-1943), il ressent les douleurs d'un cancer du poumon qui l'emporte le 28 mars 1943, à l'âge de 69 ans. Selon ses dernières volontés voulant qu'il soit enterré aux États-Unis, il sera inhumé au {{lien}} à {{Lien}} dans l'État de New York. Son épouse est décédée en 1951.