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Nerval, Gérard de (1808-1855)

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Biographie

Jeunesse

Fils d'Étienne Labrunie, médecin militaire, et de Marie-Antoinette Laurent, fille d'un marchand linger de la rue Coquillière, Gérard de Nerval naît le 22 mai 1808, vers 20 heures, à Paris, au 96 rue Saint-Martin (actuellement le {{numéro}}168). Baptisé le 23 à Saint-Merri, il est confié quelques mois plus tard à une nourrice de Loisy, près de Mortefontaine. Son père est nommé le 8 juin suivant médecin militaire adjoint à la Grande Armée, il est rapidement promu médecin et attaché, le 22 décembre, au service de l'armée du Rhin. Le 29 novembre 1810, sa mère meurt à Głogów, en Silésie alors qu’elle accompagnait son mari. De 1808 à 1814, Gérard est élevé par son grand-oncle maternel, Antoine Boucher, à Mortefontaine, dans la campagne du Valois, à Saint-Germain-en-Laye et à Paris. Au printemps 1814, son père retrouve la vie civile et s'installe avec son fils à Paris, au 72, rue Saint-Martin. Gérard reviendra régulièrement dans ces lieux évoqués dans nombre de ses nouvelles.

En 1822, il entre au collège Charlemagne, où il a pour condisciple Théophile Gautier. C'est en classe de première (année scolaire 1823-1824) qu'il compose son premier recueil resté manuscrit de cent quarante pages : Poésies et Poèmes par Gérard L. 1824 qu'il donne plus tard à Arsène Houssaye en 1852. Ce recueil a figuré à l'exposition Gérard de Nerval à la Maison de Balzac à Paris en 1981-82. Il a déjà écrit, sous le nom de Gérard L. un panégyrique de Napoléon {{Ier}} : Napoléon ou la France guerrière, élégies nationales, publié chez Ladvocat et réédité en 1827 par Touquet. L'année suivante, il écrit deux Épîtres à Monsieur Duponchel caché sous le pseudonyme de Beuglant. Dès juillet 1826, il se lance dans la satire à la suite du scandale de l'Académie française qui a préféré Charles Brifaut à Alphonse de Lamartine. Il compose alors une Complainte sur l'immortalité de Monsieur Briffaut (orthographe de l'auteur), puis une pièce dans le même esprit : L'Académie ou les membres introuvables, ce qui lui valut d'être recalé au concours de l'Académie en 1828.

Le 28 novembre 1827, le Journal de la Librairie annonce la parution de sa traduction de Faust en volume in-32 qui porte le titre : Faust, tragédie de Goethe, traduite par Gérard (1828).

Premiers pas vers le succès

Le {{1er}} mai 1829, pour faire plaisir à son père, Gérard accepte d'être stagiaire dans une étude de notaire. Mais il pratique le métier mollement. Il a autre chose à faire. En bon soldat du romantisme, il est convoqué par Victor Hugo pour faire partie de la claque de soutien à Hernani, mission dont Gérard s'acquitte volontiers (voir Bataille d'Hernani).

1830 est l'année des deux révolutions : la révolution romantique à laquelle Gérard participe, et la révolution politique, celle des Trois Glorieuses à laquelle il ne participe qu'en badaud. La politique ne l'intéresse pas. Les barricades lui ont cependant inspiré un poème-fleuve : Le peuple, son nom, sa gloire, sa force, sa voix, sa vertu, son repos publié en août 1830 dans le Mercure de France du {{XIXe_siècle}}. Il publie encore un pamphlet : Nos adieux à la Chambre des Députés de l'an 1830 ou, Allez-vous-en vieux mandataires, par le Père Gérard, patriote de 1789, ancien décoré de la prise de la Bastille (…) et En avant, marche! publiés dans Le Cabinet de lecture le 4 mars 1831.

Gérard a surtout deux importants projets : une anthologie de la poésie allemande et une anthologie de la poésie française, deux ouvrages pour lesquels il lui faut une abondante documentation à laquelle il accède grâce à Alexandre Dumas et Pierre-Sébastien Laurentie qui lui font obtenir une carte d'emprunt, ce qui lui évite de perdre du temps en bibliothèque. upright=0.8

La première anthologie porte le titre de Poésies allemandes, Klopstock, Schiller et Bürger, Goethe, précédée d'une notice sur les poètes allemands par M. Gérard. L'œuvre est accueillie avec moins d'enthousiasme que Faust, dont le compositeur Hector Berlioz s’est inspiré pour son opéra la Damnation de Faust.

La seconde anthologie est un Choix de poésie de Ronsard, Joachim du Bellay, Jean-Antoine de Baïf, Guillaume du Bartas, Jean-Baptiste Chassignet, précédé d'une introduction par M. Gérard.

Ces deux ouvrages ne rencontrent pas un succès éclatant. Mais à l'automne 1830, le Cénacle mis en place par Sainte-Beuve pour assurer le triomphe de Victor Hugo rassemble des écrivains reconnus : Alfred de Vigny, Alfred de Musset, Charles Nodier, Alexandre Dumas, Honoré de Balzac. Les réunions ont lieu rue Notre-Dame-des-Champs, soit chez Hugo, soit chez le peintre Eugène Devéria, frère d'Achille Devéria, mais ce cénacle commence à se disperser. Apparaît un nouveau cénacle : le Petit-Cénacle, dont l'animateur est le sculpteur Jean Bernard Duseigneur qui reçoit dans son atelier, installé dans une boutique de marchand de légumes, où il retrouve Pétrus Borel et Célestin Nanteuil avant de publier La Main de gloire en septembre.

Mais c'est surtout à ce moment-là que Nerval a envie d'écrire des pièces de théâtre à la manière d'Hugo. Deux de ses œuvres reçoivent un très bon accueil au théâtre de l'Odéon : Le Prince des sots et Lara ou l'expiation. Toutes n'ont pas le même succès mais Gérard ajoute un nom d'auteur à son prénom.

Il devient Gérard de Nerval, pseudonyme adopté en souvenir d'un lieu-dit, le clos de Nerval près de Loisy, un champ cultivé par son grand père maternel, à cheval sur la commune de Mortefontaine.

Premières folies, premières expériences

Une des caractéristiques du Petit-Cénacle est la propension de ses membres au chahut, à la boisson, aux farces, aux jeux de mot et au bousin ou bouzingo (barouf). C'est d'ailleurs à la suite d'une de ces manifestations du groupe que les agents du guet interviennent et arrêtent trois ou quatre Jeunes-France dont Nerval fait partie avec Théophile Gautier. Enfermé à la prison de Sainte-Pélagie, Nerval écrit un petit poème aussitôt publié dans Le Cabinet de lecture du 4 septembre 1831. De nouveau dans la nuit du 2 février 1832, les Jeunes-France sont arrêtés, pris pour des conspirateurs, et cette fois leur peine est plus longue{{,}}.

En 1833, Nestor Roqueplan lui ouvre les colonnes de son journal : La Charte de 1830. Mais déjà un autre ami (Édouard Gorges) lui propose d'écrire avec lui un roman-feuilleton, dont l'action se déroulerait dans la Bretagne des chouans. Le vif succès remporté en 1829 par Les Chouans de Balzac fait hésiter Nerval. Pourtant, l'envie de visiter la région de Vitré l'emporte et il en revient avec un récit : L'Auberge de Vitré qu'il exploitera plus tard dans le prologue de son roman Le Marquis de Fayolle, roman édité après la mort de Nerval en 1856 par Édouard Gorges, qui l'a remanié et achevé.

Il fut membre de la goguette des Joyeux et de la goguette des Bergers de Syracuse.

L'écrivain

En janvier 1834, à la mort de son grand-père maternel, il hérite d'environ {{Unité}}. Parti à l'automne dans le Midi de la France, il passe la frontière, à l'insu de son père, et visite Florence, Rome puis Naples. En 1835, il s’installe impasse du Doyenné chez le peintre Camille Rogier, où tout un groupe de romantiques se retrouve, et fonde en mai le Monde dramatique, revue luxueuse qui lui fait dilapider son héritage et que, lourdement endetté, il doit finalement vendre en 1836. Faisant alors ses débuts dans le journalisme, il part en voyage en Belgique avec Gautier, de juillet à septembre. En décembre, il signe pour la première fois « Gérard de Nerval » dans Le Figaro.

Le 31 octobre 1837 est créé à l'Opéra-Comique Piquillo sur une musique de Monpou ; Dumas signe seul le livret, malgré la collaboration de Nerval ; l’actrice Jenny Colon tient le premier rôle. Nerval se serait épris de cette actrice qui n'aurait pas répondu à ses sentiments. Il fréquente alors le salon de Madame Boscary de Villeplaine, où une rivalité amoureuse l'oppose au financier William Hope pour la conquête de l'actrice.

Selon certains exégètes, il aurait voué un culte idolâtre à Jenny Colon, même après la mort de celle-ci, et elle serait la figure de la Mère perdue, mais aussi de la Femme idéale où se mêlent, dans un syncrétisme caractéristique de sa pensée, Marie, Isis, la reine de Saba, ce qui fait débat parmi les spécialistes de Nerval. Durant l'été 1838, il voyage en Allemagne avec Dumas pour préparer Léo Burckart, pièce retardée par la censure. Après la première de L'Alchimiste, écrite en collaboration avec Dumas, le 10 avril 1839, Léo Burckart est finalement créé au théâtre de la Porte-Saint-Martin le 16 avril. Dans le même temps, il publie Le Fort de Bitche (25-28 juin) dans Le Messager et Les Deux rendez-vous (15-17 août) – qui deviendra plus tard Corilla – dans La Presse. Puis, en novembre, il part pour Vienne, où il rencontre la pianiste Marie Pleyel à l'Ambassade de France.

De retour en France en mars 1840, il remplace Gautier, alors en Espagne, pour le feuilleton dramatique de La Presse. après une troisième édition de Faust, augmentée d'une préface, et de fragments du Second Faust en juillet, il part en octobre en Belgique. Le 15 décembre a lieu la première de Piquillo à Bruxelles, où il revoit Jenny Colon et Marie Pleyel.

À la suite d'une première crise de folie le 23 février 1841, il est soigné chez {{Mme}} Marie de Sainte-Colombe, qui tient la « maison de correction Sainte-Colombe », créée en 1785 au 4-6 rue de Picpus. Le {{1er}} mars, Jules Janin publie un article nécrologique dans Les Débats. Après une seconde crise, le 21 mars, il est interné dans la clinique du docteur Blanche, à Montmartre, de mars à novembre.

Le 22 décembre 1842, Nerval part pour l'Orient, passant successivement par Alexandrie, Le Caire, Beyrouth, Constantinople, Malte et Naples. De retour à Paris dans les derniers mois de 1843, il publie ses premiers articles relatifs à son voyage en 1844. En septembre et octobre, il part avec Arsène Houssaye, directeur de L'Artiste, en Belgique et aux Pays-Bas. De juin à septembre 1845, il remplace Gautier, alors en Algérie, dans La Presse.

Son Voyage en Orient paraît en 1851. Il affirme dans une lettre au docteur Blanche datée du 22 octobre 1853, avoir été initié aux mystères druzes lors de son passage en Syrie, où il aurait atteint le grade de « refit », l’un des plus élevés de cette confrérie. Toute son œuvre est fortement teintée d’ésotérisme et de symboles, notamment alchimiques. Alors qu’on l'accusait d’être impie, il s'exclama : « Moi, pas de religion ? J’en ai dix-sept… au moins. »

Entre 1844 et 1847, Nerval voyage en Belgique, aux Pays-Bas, à Londres… et rédige des reportages et impressions de voyages. En même temps, il travaille comme nouvelliste et auteur de livrets d’opéra ainsi que comme traducteur des poèmes de son ami Heinrich Heine (recueil imprimé en 1848). Nerval vit ses dernières années dans la détresse matérielle et morale. C'est à cette période qu'il écrira ses principaux chefs-d’œuvre, réalisés pour se purger de ses émotions sur les conseils du docteur Émile Blanche pour le premier, pour la dimension cathartique du rêve et contre l'avis du docteur Blanche pour le second : Les Filles du feu, Aurélia ou le rêve et la vie (1853-1854).

Au bas d'un portrait photographique de lui, Gérard de Nerval écrivit : « Je suis l'autre. »

Gustave Doré, La Rue de la Vieille-Lanterne : Le Suicide de Gérard de Nerval, 1855. Le 26 janvier 1855, on le retrouva pendu aux barreaux d'une grille qui fermait un égout de la rue de la Vieille-Lanterne (voie aujourd'hui disparue, qui était parallèle au quai de Gesvres et aboutissait place du Châtelet, le lieu de son suicide se trouverait probablement à l'emplacement du théâtre de la Ville), pour « délier son âme dans la rue la plus noire qu’il pût trouver », selon la formule de Baudelaire. Ses amis émirent l'hypothèse d'un assassinat perpétré par des rôdeurs, au cours d'une de ses promenades habituelles dans des lieux mal famés, mais le suicide est la thèse généralement reconnue{{refsou}}. Toutefois le doute subsiste, car il fut retrouvé avec son chapeau sur la tête alors qu'il aurait normalement dû tomber du fait de l'agitation provoquée par la strangulation.

On retrouva une lettre dans laquelle il demandait 300 francs, somme qui, selon lui, aurait suffi pour survivre durant l'hiver. La cérémonie funéraire eut lieu à la cathédrale Notre-Dame de Paris, cérémonie religieuse qui lui fut accordée malgré son suicide présumé du fait de son état mental. Théophile Gautier et Arsène Houssaye payèrent pour lui une concession au cimetière du Père-Lachaise.

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