Gustave Doré est né le 6 janvier 1832 au 5 (aujourd'hui 16) rue de la Nuée-Bleue à Strasbourg.
Dès son enfance, Gustave Doré, doté d'un sens pointu de l'observation, montre un talent singulier pour le dessin. Sa grande curiosité lui permet de multiplier les croquis éclectiques (scènes intimes ou urbaines, mythologiques ou de l'Antiquité). Son imagination fertile se nourrit de lectures et d'inspirations précoces exceptionnelles pour son âge.
Ses premiers albums de dessins connus sont datés de 1842. Influencés par Grandville, des éditions Hetzel, avec Scènes de la vie privée et publique des Animaux paru en 1830, ses albums témoignent d'un professionnalisme étonnant avec la présence de page de titre, de légendes d'illustrations et de tables de matière. Avec un ton humoristique et vivace, Gustave Doré enchaîne les scènes indépendantes en utilisant l'anthropomorphisme.
En 1840, le père de Gustave Doré, Jean-Philippe Doré, polytechnicien, est nommé ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de l'Ain et la famille Doré s'installe à Bourg-en-Bresse. Inspiré par Cham, Grandville et Rodolphe Töpffer{{,}}, l'enfant aux dons précoces est un très bon élève du collège mais il se fait encore davantage remarquer par ses caricatures et ses dessins inspirés du monde bressan qui l'entoure. Son style s'affine : son trait précédemment raide devient plus souple et plus nerveux dans des scènes plus larges et plus détaillées avec des décors de rue et des visions de foules mouvantes.
A l'âge de 13 ans, en 1845, trois lithographies issues de ces tableaux bressans imprimées à Bourg, sont ses premières œuvres publiées.
L'éditeur parisien Charles Philipon lui propose de s'installer à Paris où à partir de 1847 il suit les cours du lycée Charlemagne. Il commence à dessiner en même temps des caricatures pour le Journal pour rire à partir de 1848 de Philippon.
Sa rencontre, en 1845, à Paris avec Charles Philipon, Directeur de la maison d'édition Aubert&Cie et fondateur des journaux satiriques La Caricature (interdit par les lois sur la presse de 1835) et Le Charivari est décisive. Charles Philipon propose un contrat de trois ans à Gustave Doré, âgé de 15 ans, lui permettant la réalisation d'une page hebdomadaire de dessins dans le nouveau journal le Journal pour rire conditionnée à la poursuite de ses études et à une rétribution. Gustave Doré a créé 1379 vignettes pour ce journal.
Son espoir en devenant caricaturiste au sein de ce journal est de se faire connaître dans le microcosme parisien pour pouvoir s'imposer plus tard en tant que peintre. Rapidement, il devient le caricaturiste incontournable du journal et se distingue par son innovation graphique et son ironie tranchante. Soucieux de plaire aux milieux intellectuels et aux puissants, il prend garde de ne pas s'aventurer sur le terrain politique ou social pour éviter toute polémique. Ses dessins au journal ressemblent à ceux réalisés par ses collègues. Il se distingue en revanche dans ses récits en images où se déploie toute son innovation graphique. Durant son enfance, il avait réalisé ce type de projets avec Les Aventures de Mistenflûte et de Mirliflor ou avec Histoire de Calypso.
Son premier album, influencé par Rodolphe Töpffer, Les travaux d'Hercule est lithographié en 1847, en format oblong, par les éditions Aubert&Cie dans la collection des « Jabot ». Cette série a été inaugurée par une version contrefaite de L'Histoire de Mr Jabot et deux titres piratés de Rodolphe Töpffer et des albums de Cham. {{ref nec}} Cet album montre un trait souple, à la plume et à l'encre lithographique sur la pierre, avec un maximum de trois cases par page et des légendes brèves qui font allusion au comique parodique des dessins. De cet enchaînement de cases, surgissent mouvement, durée et dynamisme.
Il connaît vite la célébrité et débute en 1848 au Salon avec deux dessins à la plume mais continue à vivre auprès de sa mère après la mort de son père en 1849.
En 1851, deux albums Trois artistes incompris et mécontents et Des-agréments d'un voyage d'agrément sont publiés chez Aubert. Libéré de l'inspiration de Rodolphe Töppfer et du respect des cadres, Gustave Doré réalise des vignettes librement disposées avec plusieurs dimensions. La pluralité de la composition des pages, ses innovations et ses variantes graphiques se déploient surtout dans Des-agréments d'un voyage d'agrément. Sa technique fait appel au crayon lithographique, au dessin direct sur la pierre.
À partir de 1851, tout en exposant ses toiles, il réalise quelques sculptures de sujets religieux et collabore à diverses revues dont le Journal pour tous. En 1854, l'éditeur Joseph Bry publie une édition des œuvres de Rabelais, illustrée d'une centaine de ses gravures. De 1861 à 1868, il illustre la Divine Comédie de Dante.
De plus en plus reconnu, Gustave Doré illustre, entre 1852 et 1883, plus de cent vingt volumes qui paraissent en France, mais aussi en Angleterre, en Allemagne et en Russie.
Lors de la campagne de Crimée, il réalise, en 1854, à la fois comme auteur et comme illustrateur, Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la sainte Russie, une charge contre ce pays avec qui la France et l'Angleterre étaient entrées en guerre. Considéré comme le dernier des albums de « bandes dessinées » de Gustave Doré, le seul ouvertement politique, il a été réalisé dans un contexte d'un large mouvement nationaliste avec le début de la guerre de Crimée et réanime le cliché occidental de la barbarie russe.
Constitué de plus de 500 vignettes, remettant en cause les codes de la mise en page et du dessin, ce violent pamphlet politique résume l'histoire sanglante de la Russie des origines jusqu'à l'époque contemporaine de Gustave doré. Le caractère démesuré des scènes de guerres, de massacres, d'assassinats, de tortures provoque plus le sourire que des grimaces d'effroi. La jubilation est à l'honneur tant sur le plan verbal que graphique. Comme le souligne David Kunzle, « Doré met ses fantaisies graphiques au diapason de ses extravagances verbales, se livrant aux joies du calembour à un point tel que c'est souvent la perspective d'un jeu de mots qui justifie le choix d'un épisode. »
C'est un album qui préfigure la bande dessinée, où il joue sur le décalage entre le texte et l'illustration, et où il utilise d'étonnantes astuces graphiques.
Paul Lafon, écrivain et éditeur, dont il avait fait la connaissance chez Philipon, accepte à sa demande d'illustrer les œuvres de Rabelais. En 1854, l'ouvrage est publié chez Bry avec 99 vignettes et 14 planches hors texte gravées sur bois. Cette édition abordable, avec une faible qualité d'impression et un format modeste (un grand in-octavo) n'est pas à la hauteur des ambitions fortes de Gustave Doré. En 1854 et 1873 il illustre deux versions des « Œuvres de Rabelais », et en 1855 Les Cent Contes drolatiques d'Honoré de Balzac.
En 1856, il illustre avec une main de peintre, le Juif errant, un poème mis en musique de Pierre Dupont, une œuvre de rupture dans son parcours artistique et dans l'histoire de la gravure sur bois. Délaissant la gravure sur cuivre ordinairement privilégiée, Gustave Doré choisit la technique du bois de teinte (gravure d'interprétation). Cette dernière permet une palette infinie de tons, très proche des effets picturaux. Le bois de teinte permet de dessiner directement au lavis et à la gouache sur des blocs de bois de bout (coupés en tranches perpendiculairement au tronc) dont la surface dure est travaillée au burin. Doré a formé sa propre école de graveurs. Chaque planche de l'œuvre, avec une courte légende issue du poème, est une œuvre de peinture. Le format important de l'ouvrage permet le passage aux films in-folio. L'image est indépendante du texte. Cette œuvre connait un grand succès public.
Gustave Doré souhaite déployer son talent dans l'illustration des grandes œuvres de la littérature, souffrant du mépris observé envers la caricature et le dessin d'actualité. Il va lister la trentaine de chef-d'œuvres dans le genre épique, comique ou tragique de sa bibliothèque idéale en souhaitant les illustrer dans le même format que le Juif errant, L'enfer de Dante, les Contes de Perrault, Don Quichotte, Homère, Virgile, Aristote, Milton ou Shakespeare... Les éditeurs refusent de réaliser ces publications luxueuses d'un trop grand coût. Gustave Doré doit auto-publier l'œuvre de Dante en 1861. Le succès critique et populaire salue la des gravures saisissantes sur le texte. Un critique affirmera que : « L 'auteur est écrasé par le dessinateur. Plus que Dante illustré par Doré, c'est Doré illustré par Dante. »
Dans les années 1860, il illustre la Bible, publiée en 1866 et « L’Enfer de Dante »
Il fréquente alors la société mondaine et élargit ses activités picturales il compose de grands tableaux comme Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l'Enfer (1861 - {{Dunité}} – musée de Brou), L'Enigme (au Musée d'Orsay) ou Le Christ quittant le prétoire (1867-1872 - {{Dunité}}- Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg).
En 1861, il expose une toile monumentale Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l'Enfer. La plupart des critiques reprocheront, à partir de cette date, et de manière récurrente à sa peinture de n'être qu'une illustration agrandie. En effet la peinture de Gustave Doré a influencé l'illustration de ses ouvrages de littérature par le choix des formats, le sens de la composition, la mise à l'honneur du décor et par son art de la mise en scène. Gustave Doré multiplie les points de vue, en plongée, contre-plongée, plans panoramiques ou frontaux avec une recherche d'efficacité maximale de l'image. Gustave Doré est le premier illustrateur à avoir utilisé l'image comme un ressort essentiel du suspense. Selon Ray Harryhausen, célèbre concepteur d’effets spéciaux, {{citation}} En effet, dans les gravures qu'il consacre à la ville de Londres, avec ses gares et sa foule permanente, le regard se positionne de manière à agripper et suivre le mouvement constant.
Multipliant en même temps dessins et illustrations en tous genres (fantastique, portraits-charges), sa notoriété s'étend à l'Europe, il rencontre un immense succès en Angleterre avec la Doré Gallery qu'il ouvre à Londres en 1869.
En 1875, l'illustration du poème de Samuel Coleridge The rime of the Ancient Mariner (La complainte du vieux marin) publié à Londres par la Doré Gallery est un de ses plus grands chef-d'oeuvres.
Son art de la composition atteint son apogée avec London, a Pilgrimage de Blanchard Jerrold, véritable reportage sur le Londres de la fin du {{s-}} où toutes les classes sociales sont présentes, son inspiration est particulièrement éclatante dans la description des bas-fonds londoniens.
Pendant la commune de Paris, il se réfugie à Versailles.
Sa mère décède en 1879.
De manière paradoxale, Gustave Doré a abordé son œuvre d'illustrateur dans le costume d'un peintre tandis que sa peinture a été constamment jaugée selon son talent d'illustrateur. Ce jugement a terriblement affecté Gustave Doré, désespérant d'être reconnu en tant que peintre. Pendant tout son parcours artistique, Gustave Doré avait un engagement égal dans la peinture et dans l'illustration sans y voir d'incompatibilité. Il faudra attendre ces 10 dernières années pour qu'il n'aborde l'illustration que comme une activité lui permettant de financer « ses couleurs et ses pinceaux ».
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Tombe de Gustave Doré (cimetière du Père Lachaise, division 22).
Il meurt d'une crise cardiaque à 51 ans, le 23 janvier 1883, en laissant une œuvre imposante de plus de dix mille pièces, qui exercera par la suite une forte influence sur nombre d'illustrateurs. Son ami Ferdinand Foch organise les obsèques à Sainte-Clotilde, l'enterrement au Père-Lachaise et un repas d'adieu au 73 rue Saint-Dominique.