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Kundera, Milan (1929-....)

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Biographie

Origines et formation

Né à Brno, capitale de la Moravie, Milan Kundera est issu d'une famille où l'art et la culture sont considérés comme très importants. Son père Ludvík Kundera (1891-1971), est un célèbre musicologue et pianiste, recteur de l'académie de musique de Brno ; il apprend très tôt le piano à son fils. La musique tiendra une place non négligeable dans la vie et dans l'œuvre de Milan Kundera. Son cousin Ludvík Kundera (1920-2010), poète et dramaturge, est également connu.

La période stalinienne (1948-1956)

Milan fait ses études secondaires à Brno.

En 1948, il entame des études de littérature et d'esthétique à la Faculté de philosophie Charles de Prague, mais change d'orientation au bout de deux semestres et s'inscrit à l'école supérieure de cinéma de Prague, la FAMU. À cette époque, c'est un communiste convaincu. Il est inscrit au parti communiste depuis 1947 mais en 1950, il commet un acte considéré comme délictueux et en est exclu. Cet épisode est évoqué dans La Plaisanterie (le personnage principal, Ludvik est exclu pour avoir écrit sur une carte postale, en guise de plaisanterie : « Vive Trotsky ! », puis est envoyé faire son service militaire comme ouvrier mineur à Ostrava) et de façon plus à la fois directe et métaphorique dans Le Livre du rire et de l'oubli (3. « Les anges », {{p.}} : {{Citation}}

Il termine ses études en 1952, interrompues quelque temps à la suite d'{{citation}}. En 1956, il est réintégré dans le parti, mais en est définitivement exclu en 1970 à la suite de ses prises de positions publiques à partir de 1967.

L'affaire Dvoracek (1950 et 2008)

En octobre 2008, cette période de la vie de Milan Kundera revient sur le devant de la scène médiatique, lorsque le magazine tchèque Respekt publie un document sorti des archives de la police politique tchécoslovaque, un procès-verbal d'interrogatoire daté du 14 mars 1950 selon lequel Milan Kundera aurait dénoncé un de ses concitoyens, Miroslav Dvoracek, un jeune déserteur de l'armée tchèque passé à l'Ouest, qui par la suite a été condamné à 22 ans de prison dont il effectuera 14 dans de dures conditions. Le document est publié en 2008 par l'Institut tchèque d'études des régimes totalitaires. L'auteur nie catégoriquement les faits et se dit très choqué par de telles accusations. Kundera reçoit le soutien de l'ancien président tchèque Václav Havel et de l'historien tchèque Zdenek Pesat. Entre temps, plusieurs écrivains à la notoriété internationale (Juan Goytisolo, Philip Roth, Salman Rushdie ou Carlos Fuentes) dont quatre prix Nobel de Littérature (JM Coetzee, Gabriel García Márquez, Nadine Gordimer et Orhan Pamuk) se sont associés pour défendre le romancier et exprimer leur {{citation}}.

Premières œuvres littéraires (1953-1957)

Son premier livre, L'Homme, ce vaste jardin (Člověk zahrada širá) en 1953, est un recueil de 24 poèmes lyriques dans lequel Kundera essaie d'adopter une attitude critique face à la littérature dite de « réalisme socialiste », mais ne le fait qu'en se positionnant du point de vue marxiste.

En 1955, il publie Le Dernier Mai (Poslední máj), un livre de poésie consistant en un hommage à Julius Fučík, un héros de la résistance communiste contre l'occupation de l'Allemagne nazie en Tchécoslovaquie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Suit en 1957, Monologues (Monology), une collection de 36 poèmes dans lequel Kundera rejette la propagande politique et accentue l'importance de l'authentique expérience humaine. C'est un livre de poésies d'amour (le sous-titre est Kniha o lásce: Le Livre sur l’amour), d'inspiration rationnelle et intellectuelle.

Les années 1960 et le « Printemps de Prague » (1968)

Dans la préface au roman de Josef Škvorecký, Miracle en Bohême, Kundera évoque assez longuement le « Printemps de Prague » (c'est-à-dire la période entre l'avènement d'Alexandre Dubček en janvier et l'invasion soviétique en août 1968) en parallèle avec « Mai 68 ». Il en fait remonter l'origine au scepticisme et à l'esprit critique tchèque, qui aboutit à ce que dès 1960, le régime est, dit-il, « une dictature en décomposition », situation très favorable à une intense création culturelle (Miloš Forman, Václav Havel, etc.). Un moment important est le {{4e}} Congrès de l'Union des écrivains tchècoslovaques en juin 1967, les écrivains manifestent, pour la première fois publiquement, leur désaccord total avec la ligne politique des dirigeants du parti. Kundera participe activement à ce mouvement et y prononce un discours important. En ce qui concerne le mai parisien, il le considère comme radicalement différent du Printemps de Prague : celui-ci était un mouvement sceptique sur le plan politique, mais valorisant la culture traditionnelle à l'encontre de la culture soviétique ; celui-là était un mouvement révolutionnaire « lyrique » qui « mettait en cause ce qu'on appelle la culture européenne et ses valeurs traditionnelles ».

Dans cet esprit, il développe dans La Plaisanterie (1967) un thème majeur de ses écrits : il est impossible de comprendre et contrôler la réalité. C'est dans l'atmosphère de liberté du Printemps de Prague qu'il écrit Risibles amours (1968) ; ces deux œuvres sont vues comme des messagers de l'anti-totalitarisme.

Risibles Amours (1968) est un recueil composé de plusieurs nouvelles qui parlent des relations intimes humaines et à travers cela du dysfonctionnement de la parole, thème qui apparaît dans toutes les œuvres matures de Kundera. Il analyse les thèmes de l'identité, de l'authenticité et du phénomène de l'illusion (comment les faits se changent de manière insaisissable en leur contraire). La plupart des histoires se déroulent dans la société tchèque du stalinisme tardif et témoignent de la réalité de cette époque.

La Tchécoslovaquie soviétisée (1968-1975)

L'invasion soviétique en août 1968 met fin à cette période de liberté d'expression des médias et plonge le pays dans le néo-stalinisme. Cette atmosphère restera inchangée jusqu'à la chute du communisme en Tchécoslovaquie en 1989. Réhabilité au sein du parti communiste après la déstanilisation (en 1956), Kundera en est à nouveau exclu en 1970, perd son poste d'enseignant à l'Institut des hautes études cinématographiques de Prague et ses livres sont retirés des librairies et des bibliothèques.

Il évoque cette période des « petits boulots » de nouveau dans Le Livre du rire et de l'oubli, indiquant notamment qu'il a gagné de l'argent en établissant des horoscopes et qu'il a même pu en publier dans un magazine pour jeunes (sous pseudonyme). Il met alors à profit ses compétences musicales pour, comme il l'écrit dans sa préface à une édition américaine de La Plaisanterie, jouer « avec un groupe de musiciens ambulants dans les tavernes d'une région minière ».

Malgré tout, il continue d'écrire. La vie est ailleurs est une forme de catharsis pour Kundera, il se confronte à son passé de communiste, sa place en tant qu'artiste et il s'en libère. Ce livre est publié en France (1973) où il reçoit le prix Médicis.

L'ambiance de La Valse aux adieux (1976), supposé être son dernier roman (le titre original était Épilogue), est influencée par le régime aride qui régnait en Tchécoslovaquie après l'invasion de l'URSS. Pas question de politique dans ce livre. La situation étouffante qui règne en dehors du monde de la fiction n'apparaît dans le récit que de manière occasionnelle.

La période française (depuis 1975)

En 1975, avec sa femme Véra, il quitte la Tchécoslovaquie pour la France. Il réside d'abord au trentième étage de la tour des horizons à Rennes, une ville « vraiment moche » selon lui où il enseigne, en tant que professeur invité, en littérature comparée à l'université Rennes 2 jusqu'en 1979, année où il rejoint l'École des hautes études en sciences sociales à Paris. Toujours en 1979, la nationalité tchécoslovaque lui est retirée ; deux ans plus tard, François Mitterrand lui octroie la nationalité française, en même temps qu'à Julio Cortazar.

Boris Livitnof nous éclaire, dans son article Milan Kundera : la dérision et la pitié, sur la manière d'agir du gouvernement tchèque :

« Ce n'est pas l'écrivain qui tourne le dos à son pays. Mais c'est son pays qui met l'écrivain hors-la-loi, l'oblige à la clandestinité et le pousse au martyre »

Paradoxalement, le fait qu'il soit interdit de publication dans son pays lui procure un sentiment de liberté. Pour la première fois de sa vie il peut écrire librement, la censure n'existant plus. Sachant qu'il n'écrit que pour des traducteurs, son langage se trouve radicalement simplifié.

La langue française maîtrisée, Kundera se lance dans la correction des traductions de ses livres. Dans La Plaisanterie, note de l'auteur, il explique l'importance et la raison qui le poussent à réagir de cette manière :

« Un jour, en 1979, Alain Finkielkraut m'a longuement interviewé pour le Corriere della Sera : « Votre style, fleuri et baroque dans La Plaisanterie, est devenu dépouillé et limpide dans vos livres suivants. Pourquoi ce changement ? »
Quoi ? Mon style fleuri et baroque ? Ainsi ai-je lu pour la première fois la version française de La Plaisanterie. (Jusqu'alors je n'avais pas l'habitude de lire et de contrôler mes traductions ; aujourd'hui, hélas, je consacre à cette activité sisyphesque presque plus de temps qu'à l'écriture elle-même.)
Je fus stupéfait. Surtout à partir du deuxième quart, le traducteur (ah non, ce n'était pas François Kérel, qui, lui, s'est occupé de mes livres suivants !) n'a pas traduit le roman ; il l'a réécrit :
Il y a introduit une centaine (oui !) de métaphores embellissantes (chez moi : le ciel était bleu ; chez lui : sous un ciel de pervenche octobre hissait son pavois fastueux ; chez moi : les arbres étaient colorés ; chez lui : aux arbres foisonnait une polyphonie de tons ; chez moi : elle commença à battre l'air furieusement autour d'elle ; chez lui : ses poings se déchaînèrent en moulin à vent frénétique (…).
Oui, aujourd'hui encore, j'en suis malheureux. Penser que pendant douze ans, dans nombreuses réimpressions, La Plaisanterie, s'exhibait en France dans cet affublement !… Deux mois durant, avec Claude Courtot, j'ai retravaillé la traduction. La nouvelle version (entièrement révisée par Claude Courtot et l'auteur) a paru en 1980.
Quatre ans plus tard, j'ai relu cette version révisée. J'ai trouvé parfait tout ce que nous avions changé et corrigé. Mais, hélas, j'ai découvert combien d'affectations, de tournures tarabiscotées, d'inexactitudes, d'obscurités et d'outrances m'avaient échappé !
En effet, à l'époque, ma connaissance du français n'était pas assez subtile et Claude Courtot (qui ne connaît pas le tchèque) n'avait pu redresser le texte qu'aux endroits que je lui avais indiqués. Je viens donc de passer à nouveau quelques mois sur La Plaisanterie. »

Durant ses premières années en France Milan Kundera soutenait qu'il avait dit tout ce qu'il avait à dire et qu'il n'écrirait plus de romans.

Le Livre du rire et de l'oubli, achevé en 1978, est publié en 1979. Ce qui différencie ce livre de ceux écrits précédemment, c'est l'angle de vue. Dans ce livre, Kundera réexamine son passé communiste et le dénonce à travers des thèmes comme l'oubli (à l'Est les gens sont poussés à oublier par les autorités tandis qu'à l'Ouest ils oublient de leur propre initiative) ou l'idéal de créer une société communiste mais cette fois d'un point de vue externe, « de l'Ouest ».

C'est en 1978 qu'il s'installe à Paris. Il termine L'Insoutenable Légèreté de l'être en 1982 (publiée en 1984), son roman le plus connu. La sortie du film, réalisé par Philip Kaufman et Jean-Claude Carrière en 1988, y est sans doute pour quelque chose.

Dans L'Insoutenable Légèreté de l'être, l'auteur étudie le mythe nietzschéen de l'éternel retour. Il se concentre sur le fait que l'Homme ne vit qu'une fois, sa vie ne se répète pas et donc il ne peut corriger ses erreurs. Et puisque la vie est unique, l'homme préfère la vivre dans la légèreté, dans un manque absolu de responsabilités. Il introduit aussi sa définition du kitsch, c’est-à-dire ce qui nie les côtés laids de la vie et n'accepte pas la mort : « Le kitsch est la négation de la merde » (il s'agit en somme de toute idéologie : kitsch catholique, protestant, juif, communiste, fasciste, démocratique, féministe, européen, américain, national, international, etc.).

Il écrit notamment en 1981 la pièce en trois actes Jacques et son maître en hommage à Jacques le fataliste et son maître de Denis Diderot.

L'Immortalité est publiée en 1990. Ce roman se présente comme une méditation sur le statut de l'écrit dans le monde moderne où domine l'image. Il dénonce la tendance contemporaine à rendre toute chose superficielle, facilement digérable. Kundera réagit face à cette attitude en construisant délibérément ses récits de manière qu'ils ne puissent être résumés facilement.

En 1993, Milan Kundera termine son premier roman écrit en français, La Lenteur (publié en 1995). Il continue, ici, ce qu'il avait commencé avec L'Immortalité, une critique de la civilisation de l'ouest de l'Europe. Kundera compare la notion de lenteur, associée à la sensualité dans le passé mais aussi un acte qui favorise la mémoire, à l'obsession de vitesse du monde contemporain.

L'Identité (achevé en 1995, publié en 1998) est le deuxième roman que Kundera écrit directement en français. Tout comme La Lenteur, L'Identité est une œuvre de maturité. Ce roman est un roman d'amour. Il rend hommage à l'amour authentique, à sa valeur face au monde contemporain. Le seul qui puisse nous protéger d'un monde hostile et primitif.

L'Ignorance (publié d'abord en espagnol en 2000, en français en 2003) : à partir du deuxième livre, on parlait déjà d'un « cycle français » dans l'œuvre de Kundera, d'un « second cycle ». Cette fois c'est confirmé. La même forme se trouve dans les trois romans : moins de pages, un nombre réduit de personnages, néanmoins on retrouve l'écriture du « cycle » précédent. Ce roman parle du retour impossible (dans son pays d'origine). On retrouve une continuité dans les thèmes utilisés auparavant et ceux employés dans ce livre. L'auteur examine inlassablement l'expérience humaine et ses paradoxes. Le malentendu amoureux en est le canon.

En mars 2011, son Œuvre (au singulier), en deux volumes, entre au catalogue de la Bibliothèque de la Pléiade. Il rejoint ainsi la liste des très rares auteurs à être publiés de leur vivant dans la prestigieuse collection des éditions Gallimard. Kundera n'a autorisé cette publication de ses œuvres complètes qu'à la condition qu'elle ne comporte aucune note, préface, commentaire, ni appareil critique.

La Fête de l'insignifiance (publié d'abord en italien en 2013, en français en 2014) : quatrième roman que Kundera écrit directement en français, considéré par l'éditeur Adelphi « comme une synthèse de tout son travail [...] inspirée par notre époque qui est drôle parce qu'elle a perdu tout sens de l'humour. »

Milan Kundera a écrit aussi dans la revue littéraire L'Atelier du Roman, dirigé par Lakis Proguidis et publié actuellement par Flammarion et Boréal.

Depuis 1985 Kundera n'accorde plus d'entretiens, mais accepte de répondre par écrit. Toute information à propos de sa vie privée est scrupuleusement contrôlée par lui. Sa biographie officielle dans les éditions françaises se résume à deux phrases :

« Milan Kundera est né en Tchécoslovaquie. En 1975, il s'installe en France »
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